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Les banques centrales s’intéressent de plus en plus au climat

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Un tiers des discours des banques centrales aborde désormais le thème du changement climatique, selon une étude publiée par la London School of Economics. Cela au détriment de l’économie réelle qui reste largement « carbonée ».

L’étude de la London School of Economics s’intéresse à la communication des banques centrales et au changement climatique. Les quatre auteurs ont analysé 35 487 discours prononcés par 131 banques centrales dans le monde entre 1986 et 2023. Au départ, ce sont essentiellement les banques centrales d’Asie du Sud-Est et du Pacifique qui abordent ces questions. En novembre 2000, David Carse de l’Autorité monétaire de Hongkong évoque la triple dimension des risques climatiques pour les banques (crédit, juridiques et réputationnels). Les collègues de Carse qui abordent le sujet de la transition écologique s’interrogent alors surtout sur ses coûts et leurs effets inflationnistes. Depuis 2015 et le discours de Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, ce sont les banques centrales d’Europe occidentale qui abordent le plus le sujet de l’environnement.

Quelles sont les missions d’une banque centrale ?

Depuis 2021, environ 550 discours de banquiers centraux abordent chaque année le sujet du climat, ce qui représente près d’un tiers de l’ensemble de leurs discours. Il est possible d’en distinguer deux types. Le premier est centré sur les risques financiers climatiques, demandant une amélioration de la transparence des institutions financières vis-à-vis de leur exposition à ces risques, ou s’inquiétant de la manière dont l’évolution du climat pourrait avoir des conséquences sur la stabilité des monnaies et des prix. Il nous semble qu’ici les banques centrales sont dans leur rôle « traditionnel ».

La Banque de France indique, en effet, sur son site internet, qu’une « banque centrale est une institution financière, le plus souvent publique, en charge d’un ensemble de missions dont les plus courantes sont l’émission de la monnaie, la conduite de la politique monétaire et la supervision des paiements. Au titre de leurs missions monétaires, l’objectif principal des banques centrales, dans la plupart des économies avancées, est de maintenir la stabilité des prix ».

C’est d’ailleurs sous ce prétexte que la Banque de France affirme que l’action contre le changement climatique est au cœur de ses missions. Mais que dirait-on si l’institution financière déclarait mettre l’action contre la guerre au cœur de ses missions ? Pourtant, la guerre affecte autant « la stabilité des prix, la croissance et l’inflation » que le changement climatique.

Le second type de discours aborde la question climatique comme une opportunité d’investissement, encourage le développement de marchés « verts », et promeut des innovations financières susceptibles d’accélérer la transition bas carbone. Le meilleur exemple de ce positionnement est sans doute la Banque centrale européenne (BCE). Elle indique ainsi clairement sur son site web : « Nous sommes fermement déterminés à contribuer à la lutte contre le changement climatique, dans les limites de notre mandat ».

Si elle dit « gérer les risques liés au climat », la BCE assure aussi soutenir « une transition ordonnée vers une économie neutre en carbone », notamment en encourageant le développement de la finance durable et en créant des incitations en faveur d’un système financier plus respectueux de l’environnement. Elle affirme encourager « le verdissement du système financier dans son ensemble ». Elle est d’ailleurs adhérente au Network for Greening the Financial System (NGFS), tout comme la Banque de France.

Cette dernière explique qu’elle aligne ses investissements avec les engagements climat de la France et que, par conséquent, elle achète des obligations vertes, souscrit à des fonds thématiques dédiés à la transition énergétique et écologique, et exclut de ses portefeuilles les entreprises ayant une implication dans les énergies fossiles. Elle entraîne aussi derrière elle tout le système bancaire et financier français. Et elle n’hésite pas à faire du prosélytisme : lors du Printemps de l’économie qui se déroulera du 18 au 21 mars 2025 au Cese, elle organise un atelier intitulé « Les politiques publiques en faveur de la biodiversité : opportunités et limites » !

L’investissement « durable » est contreproductif

Le problème est que cet investissement massif dans les « entreprises vertes » au détriment des « entreprises brunes » – celles censées salir leur environnement – est mauvais pour l’économie… et pour l’environnement. C’est ce que démontrent deux chercheurs américains, Samuel M. Hartzmark (Boston College) et Kelly Shue (Yale School of Management).

Il semble évident qu’une entreprise fabriquant des produits chimiques pollue plus qu’une banque. De même une entreprise de transport routier émet davantage de gaz à effet de serre (GES) qu’une société de gardiennage. Par conséquent, investir dans des « entreprises vertes » consiste essentiellement à exclure certains secteurs d’activité et à en privilégier d’autres. Mais l’assureur et la société de gardiennage qui vont ainsi avoir accès à plus de capitaux vont-elles pour autant « se verdir » davantage ? Quelles technologies vont-elles bien pouvoir inventer pour polluer encore moins ? Et la possibilité qu’elles ont de se financer à moindre coût va-t-elle les aider à croître plus vite ? Rien n’est moins sûr.

Pendant ce temps-là, les « entreprises brunes », du secteur de la chimie ou du transport routier, ont, au contraire, des difficultés accrues à trouver des financements et, quand elles en trouvent, ils sont plus onéreux. Au lieu d’investir dans des technologies qui leur permettront de moins polluer, elles conservent leur outil de production en l’état et continuent de polluer comme avant. Bref, en cherchant à punir les « entreprises brunes », on ne les rend pas plus « vertes » mais plus « brunes » encore.

Certains rétorqueront que les investisseurs soutiennent aussi les « entreprises brunes » qui font des efforts, pas seulement celles qui sont « vertes ». C’est vrai mais, soulignent les auteurs de l’étude, dans ce cas, ils se concentrent par exemple sur les réductions d’émissions de GES en pourcentage. Ainsi, ils vont investir dans une société qui dit avoir réduit ses émissions de 35% plutôt que dans celle qui ne les aura réduites que de 3%.

Comme se le demande Kelly Shue, quelle société vont choisir les investisseurs ? Martin Marietta Materials, qui produit des matériaux de construction et a émis environ 1 000 tonnes de carbone par million de dollars de chiffre d’affaires en 2021, ou la compagnie d’assurance Traveler’s qui émet seulement 1 tonne par million de dollars de chiffre d’affaires ? Assurément Traveler’s. Cependant, si Traveler’s arrivait à réduire ses émissions de 100%, cela ne correspondrait qu’à 0,1% des émissions de Martin Marietta Materials. Ainsi l’investisseur, qui souhaite contribuer à réduire les GES et mettrait son argent dans Traveler’s, se tromperait complètement de cible.

On peut se demander d’ailleurs si ces investisseurs ne cherchent pas à se donner bonne conscience. En tout cas, incités et même contraints par les réglementations (Accord de Paris, Pacte vert de l’Union européenne, règlement SFDR, directives CSRD et CS3D, etc.) à financer les « entreprises vertes » au détriment des « brunes », ils contribuent au mal investissement.

C’est ainsi que TotalEnergies est obligé de se tourner vers des investisseurs chinois et la bourse de New-York pour financer ses projets lui permettant de répondre à l’accroissement de la demande de pétrole, car plus personne en Europe ne veut lui prêter de l’argent.

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