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« La société de la régression : le communautarisme à l’assaut de l’individu », de Thierry Aimar

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Thierry Aimar, enseignant-chercheur en sciences économiques à l’université de Lorraine et à Sciences Po, a été lauréat du Prix du livre libéral 2019 décerné par l’Aleps pour « Hayek, du cerveau à l’économie » (Éd. Michalon). Il revient en librairie avec un ouvrage certes petit (130 pages) mais au contenu roboratif.

L’auteur s’étonne, pour commencer, que l’on puisse incriminer l’individualisme comme étant la source de presque tous les maux de la société contemporaine. « Chaque jour, écrit-il, nous démontre l’inverse. Dans les sociétés modernes, les individus sont en train de disparaître au profit de logiques communautaires qui nivellent les esprits, détruisent leurs particularismes et désignent la liberté de penser comme l’ennemi à abattre ».

Pour Thierry Aimar, les individus prétendument atomisés « se pâment » sur les réseaux sociaux « devant les tendances du jour », aiment ce que les autres ont « liké », « lynchent ce que les hordes digitales désignent à leur vindicte ». Ils ne sont nullement des « électrons libres » puisqu’ils ne pensent qu’en meute.

Il prend ainsi l’exemple du tatouage, régulièrement présenté comme « le symbole d’une montée en puissance de l’individualisme ». Pourtant, il « ne correspond pas à un désir de singularité, mais à un désir de faire partie d’un groupe de référence, celui des jeunes, des branchés, des borderline, etc., en opposition à d’autres identités collectives concurrentes. Plus ce groupe s’élargit, plus l’envie d’en faire partie se renforce. Nombre de ces marginaux ne sont en réalité que des imitateurs, animés par le désir d’être reconnus par les dominants, et redoutant par-dessus tout d’être considérés comme ringards (anormaux) par le reste du clan ».

Les « Ipsé » contre les « Idem »

Ce besoin d’appartenir à une tribu trouve son origine, selon Thierry Aimar, dans « un profond vide existentiel, un échec à rencontrer, décrire et cultiver sa propre personnalité ».

La société perd ainsi, petit à petit, ses « Ipsé » – c’est-à-dire ceux qui cultivent leur singularité – et voit croître le nombre de ses « Idem » – « ceux qui ne parviennent pas à se définir autrement qu’à travers un environnement communautaire ».

Cette « haine du subjectivisme » génère une incapacité à produire individuellement de la valeur. Et celle-ci entraîne, à son tour, une hostilité envers les mécanismes de marché qui la révèlent. Par conséquent, il n’y a pas d’autre issue pour les « Idem » que d’affirmer la primauté du groupe sur l’individu pour spolier légalement les « Ipsé ». C’est ce que Thierry Aimar appelle la « gangrène communautarienne » qui se cache sous les doux noms de solidarité et de justice sociale. Ainsi sont valorisés ceux qui savent le mieux capter la rente « en contribuant le moins possible à la création de valeur ».

Il s’agit bien d’une gangrène car elle finit par toucher les « Ipsé » eux-mêmes qui ne peuvent survivre qu’en devenant, à leur tour, prédateurs, c’est-à-dire « Idem ».

Le rent seeking ne peut que générer jalousie, médisance, malveillance, défiance, dévalorisation du savoir, violence et arbitraire dans les rapports sociaux, etc. Cette société – la nôtre donc – est, par conséquent, de plus en plus intolérante. Certes, elle fait la chasse aux discriminations de toute sorte, mais ce sont des discriminations communautaires (la race, le genre, etc.), et c’est pour mieux s’attaquer aux singularités individuelles.

Pour l’auteur, le communautarisme est l’antithèse du marché qui « permet à tout individu d’échanger avec qui il veut, quels que soient sa nationalité, sa couleur de peau, sa religion, son genre ou ses préférences sexuelles ». Pis, le multiculturalisme communautaire, « fondé sur l’antagonisme entre des groupes », est la négation même de la société.

Pour une rénovation spirituelle

Que faire, alors ? Une révolution politique ? Non, nous dit l’auteur, plutôt une « rénovation spirituelle » axée sur le subjectivisme, la « culture de soi » pour reprendre une formule de John Stuart Mill. Il s’agit, pour chacun, de se redécouvrir, de partir à « la recherche de son originalité et de son authenticité », d’entamer un « voyage intérieur » qui permettra de retrouver de la valeur à ses propres yeux et, par conséquence, d’en acquérir davantage aux yeux des autres. Pour citer encore Mill, c’est ainsi qu’« On atteint alors une plus grande plénitude dans son existence ».

C’est donc à chacun de se prendre en main. En commençant, par exemple, par dire non aux « hystéries collectives qui détruisent nos capacités délibératives », et par enseigner à nos « enfants qu’ils ne sont pas des dieux, que tout droit implique un devoir, que la liberté implique la responsabilité ».

Ce livre est décapant et revigorant à plus d’un titre. Il est d’autant plus dommage que l’auteur s’attaque à la famille qu’il voit comme une communauté, dans le sens où « Appartenir à une famille donne des prérogatives en matière de droit, d’héritage et de réseaux ». Thierry Aimar n’aime manifestement pas les enfants de familles riches qui héritent, qui bénéficient de réseaux facilitant leurs études et leur recherche d’emploi, qui peuvent voyager à l’étranger, etc. Des propos bourdieusiens qui détonnent avec le reste de l’ouvrage et qui oublient un peu vite que tous les régimes qui se sont attaqués à l’individu s’en sont aussi pris à la famille.

A notre tour de nous étonner que l’auteur puisse incriminer la famille ccaomme étant la source de bien des maux. En le paraphrasant, on a envie d’écrire : « Chaque jour nous démontre l’inverse. Dans les sociétés modernes, les familles sont en train de disparaître au profit de logiques étatiques qui les nivellent par le bas, détruisent leurs particularismes et désignent l’entraide familiale comme l’ennemi à abattre ».

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