Ce que nous observons actuellement en France, c’est un « retour » de l’épidémie avec un nombre de cas extrêmement élevé du fait des tests massifs, mais un nombre de décès très bas, en comparaison avec la période de mars-avril : 62 pour 13 959 nouveaux cas le 2 octobre contre 1 438 pour 2 633 nouveaux cas « officiels » le 15 avril. Les mesures contraignantes reviennent, souvent absurdes comme la fermeture totale des bars, celle des restaurants à partir de 22h ou encore l’imposition du port du masque en extérieur même dans une rue vide. Des décisions incomprises notamment par les élus locaux. Pour juguler au mieux ce rebond, le bon sens recommanderait peut-être que des décisions au niveau local soient prises par des responsables locaux, plutôt que par l’Etat central. L’idée horripile les jacobins, mais les faits plaident en sa faveur.
Regardons par exemple en Allemagne : des tests massifs dès le début de l’épidémie ont permis de très vite restreindre drastiquement le nombre de cas (un peu plus de 6 000 cas au cœur du pic épidémique en Allemagne, le double actuellement dans l’Hexagone). Le rebond du coronavirus n’y est que peu ressenti. Idem pour la Suisse, autre pays très décentralisé.
En France, la forte centralisation dans le domaine de la Santé a suscité de gros problèmes de coordination, surtout en mars, au début de la crise. Les Agences régionales de santé en particulier, qui ne sont que des services déconcentrés de l’Etat, n’ont pas toujours été en accord avec ce que les élus locaux et les habitants constataient et auraient souhaité.
Marseille contre Paris : où est l’arbitre ?
A Marseille et à Aix-en-Provence, des élus de tous bords ont rejoint les restaurateurs et les cafetiers (40.000 personnes travaillent dans le secteur de la restauration) contre la décision du ministre de la Santé, qu’ils estiment être une décision étatique hors sol. Deux adjoints de Michèle Rubirola, la maire, ont exprimé leur incompréhension de voir la cité phocéenne placée en situation de semi-confinement alors que les indicateurs ne sont pas alarmants. Tous déplorent aussi le manque de concertation avec les élus locaux, que l’annonce d’Olivier Véran a pris par surprise : ils en ont découvert la teneur à la télé, comme tout le monde. D’aucuns considèrent que les prévenir eût été la moindre des politesses…
Le président de la Région PACA, Renaud Muselier, envisage de déposer un recours.
Fronde et rupture de confiance entre l’Etat et les autorités locales
La COVID-19 entraîne des tensions entre les collectivités locales et l’Etat incarné notamment par les préfets. C’est une rupture politique, mais aussi une rupture de confiance. Le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset (PS), l’a clamé haut et fort. Lors de sa conférence de presse de rentrée, il a exprimé toute sa colère contre la centralisation française en s’attaquant à l’Etat, unique décisionnaire des mesures sanitaires depuis le début de la crise. Cela continue d’ailleurs. Il a affirmé, à juste titre, que dans de nombreux pays européens le fonctionnement du domaine de la santé relève de la responsabilité des régions. Il ressent ce manque de confiance comme une humiliation. Il a parlé de toutes les ressources régionales pouvant être mises à contribution, matérielles et humaines, comme les laboratoires vétérinaires, les infirmières scolaires, les volontaires pour mettre en place la stratégie de test. Mais l’Etat reste sourd.
Les préfets ne font pas toujours mieux. Un exemple entre bien d’autres, dans les Alpes-Maritimes : Lionnel Luca, le maire de Villeneuve-Loubet, a obtenu gain de cause contre celui de son département. Il contestait fermement l’obligation de porter le masque dans toute sa commune, estimant qu’il est inutile dans les endroits peu fréquentés. La justice administrative lui a donné raison. M. Luca a par ailleurs prévenu, lors du conseil municipal du 24 septembre, qu’il appuierait les cafetiers s’opposant à la fermeture de leur établissement, estimant que chacun doit prendre ses responsabilités et que la vie ne peut s’arrêter à cause d’un diktat gouvernemental. Une opposition assez claire à l’Etat déconnecté !
Pour résumer, tout le monde semble d’accord sur le terrain, et les trois grandes associations d’élus représentant les communes, les départements et les régions le confirment : il faudra accorder davantage de pouvoirs aux collectivités territoriales, cette crise du coronavirus ayant révélé que l’extrême centralisation de notre pays entraîne un manque d’efficacité flagrant.
Chez nos voisins, la décentralisation réussie
Retournons chez nos voisins. Le fonctionnement décentralisé de nos cousins helvètes associé à une pédagogie qui n’infantilise ni ne culpabilise le citoyen, est une recette qui porte ses fruits.
Le résultat semble le même, si ce n’est meilleur, en Allemagne. Comparons les situations actuelles en France et en Allemagne en nous focalisant sur le nombre de nouveaux cas détectés.
Tandis que le nombre de nouveaux cas décelés reste stable en Allemagne, il explose en France dépassant les chiffres (partiels) du cœur de l’épidémie.
Certes, la décentralisation n’explique pas à elle seule la réussite allemande, mais elle y participe grandement. Le confinement et le déconfinement sont décidés au niveau de chaque région de manière autonome et, pour les mesures de restriction, à un échelon parfois plus bas. La chancelière Angela Merkel travaille main dans la main avec les Länder. En France, ce sont Emmanuel Macron et les ministres qui décident de tout pour l’ensemble du pays, de manière arbitraire.
L’étatisme, grande maladie française, en butte à une pandémie mondiale. Nous ne connaissons pas encore les remèdes susceptibles de la faire reculer. Mais si l’Etat continue de se draper dans la grande cape prétendument protectrice de sa science infuse, s’il refuse de faire confiance aux autorités locales, s’il refuse à chacun la liberté de se défendre, il y a de fortes chances pour que nous pataugions encore un certain temps. Quelqu’un pourrait-il expliquer à nos hauts fonctionnaires la signification du mot « subsidiarité » et les avantages de son application ?
4 commentaires
Quelqu’un pourrait-il expliquer à nos hauts fonctionnaires la signification du mot « subsidiarité » et les avantages de son application ?
Il y a plus d'un demi siècle que l'on constate publiquement les dysfonctionnements de la bureaucratie française (parfois même jusque dans les discours présidentiels). Sans le moindre résultat.
Il ne sert à rien d'expliquer quoique ce soit à qui que ce soit à ce sujet parce que ces dysfonctionnements ne sont pas causés par une attitude perverse de nos gouvernants ou de nos bureaucrates, mais par une particularité constitutionnelle.
La constitution française organise une extrême centralisation du pouvoir qui est la cause principale de ces dysfonctionnements et des contre-performances de l'État Français (chômage, exclusion, crise du logement, prélèvements obligatoires démesurés, gaspillages insensés, déficits injustifiés, surendettement de l'État etc).
La solution :
Introduire un peu de démocratie dans notre schéma constitutionnel (qui organise comme une sorte de royauté élective, merci mon Général!).
Ou (n'ayons pas peur des gros mots) passer à la démocratie directe?
Bonjour et merci pour votre message fort intéressant.
Une réforme de la Constitution parait nécessaire au sujet de la subsidiarité, bien que la libre-administration des collectivités locales y soit déjà inscrite.
La démocratie directe peut être une alternative intéressante, en particulier au niveau local comme au sein d'une commune par exemple.
France Suisse et Allemagne
La propagation du virus est aussi beaucoup liée au comportement des individus, bref une question de mentalité et de discipline. C'est comme chez nous en Alsace, le taux d'absentéisme au travail est probablement inférieur à celui d'autres régions française, plus au sud. Quand les gens sont raisonnables, il n'y a pas besoin de les infantiliser et materner!
Le problème vient aussi d'une petite minorité qui sème la pagaille par son comportement incohérent et irresponsable.
Tout le monde en pâtit ensuite
Merci pour votre commentaire.
On peut également renverser cet argument dans le sens où si les individus n'agissent pas de manière responsable et raisonnable, c'est peut-être parce qu'ils ont été infantilisés et maternés par l'Etat en amont. De fait, ils ne se considèrent pas responsables de leurs actes. C'est tout un grand travail de responsabilisation et de réduction du Léviathan qu'il faut, à mon sens, amorcer.