Les libertariens américains sont-ils en train de filer un mauvais coton ? Oui (pour un grand nombre d’entre eux du moins), répondra-t-on sans hésiter après avoir écouté la critique en règle que deux chercheurs de la Ayn Rand Institute, Nikos Sotirakopoulos et Onkar Ghate, leur ont adressée dans un podcast. Parmi les faits qu’ils portent à notre connaissance, nous rappellerons ici les suivants :
- Le 12/12/2022, le Parti libertarien a posté un message dans lequel on voit des portraits d’hommes et de femmes politiques américains accompagnés de la mention « Your enemy is not in Russia but at home » (« Votre ennemi ne se trouve pas en Russie mais chez vous »). (Cf. image 1.)
- Le 1/3/2023, le Parti libertarien de Géorgie a twitté : « Taiwan is part of China » (« Taiwan fait partie de la Chine »).
- Le 12/10/2022, le Parti libertarien du New Hampshire poste un écœurant message où l’on voit deux photos côte à côte, l’une de Zelensky, l’autre d’Hitler, assorties de la mention « They’re the same picture » (« C’est la même photo »). (Cf. image 2.)
Image 1 (https://twitter.com/LPNational/status/1591438071794651136)
Image 2Des propos ahurissants qui ne font guère honneur aux « libertariens » qui les ont tenus. Onkar Ghate, l’un des deux chercheurs mentionnés, remet à cet égard les pendules à l’heure : un authentique défenseur de la liberté ne peut de toute évidence que se ranger du côté de l’Ukraine et de Taiwan, non du côté de la Russie ou de la Chine. Le gouvernement ukrainien a beau être critiquable, l’État ukrainien est un État démocratique qui a été attaqué par un État autoritaire. De même, poursuit-il avec raison, l’État américain n’est pas parfait dans sa gestion : mais les États-Unis restent le pays le plus libre et démocratique que le monde ait jamais connu.
Comment donc expliquer cette invraisemblable haine envers le monde libre nourrie par des personnes qui revendiquent le primat absolu de la liberté ? Nikos Sotirakopoulos et Onkar Ghate nous rappellent comment Murray Rothbard (1926-1995), figure de proue du libertarianisme, avait déjà donné dans ce travers. Ainsi lorsqu’il rédigea un panégyrique de Che Guevara après la mort de celui-ci en 1967 (dont la guérilla faisait écho à sa propre volonté de saper l’État), ou encore lorsqu’il se rapprocha du parti d’extrême gauche Progressive Labor, dont il partageait la haine de l’État américain et de son supposé « impérialisme ». Comme Rothbard il y a 50 ou 60 ans, certains libertariens sont aujourd’hui aveuglés par leur détestation de l’État en tant que tel, et de l’État américain tout particulièrement. Une hostilité de principe pouvant leur inspirer des propos indignes des valeurs qu’ils croient défendre.
3 commentaires
Ou on peut simplement être neutre sur Taïwan et l’Ukraine (un des pays le plus corrompu d’Europe, même si démocratique).
on ne peut pas rester neutre quand on s’attaque (on envahit) une démocratie
Même si rien n’excuse les propos tenus, il est possible de trouver des circonstances atténuantes à leurs auteurs. Il est vrai qu’il est difficile de conserver un certain recul lorsque l’on focalise toute son attention et son énergie sur un sujet aussi vaste et prenant que la position et le rôle de l’état au sein d’une nation. Rapidement on comprend la mystification des choses. En creusant on découvre le fonctionnement détourné des institutions par une classe dirigeante dont le seul but est de défendre ses propres intérêts au détriment de ceux du peuple. Mais surtout on prend conscience que le monde se porterait tellement mieux de l’absence d’influence de tous ces parasites que certainement quelques uns se laissent emporter dans leurs analyses par des émotions excessives. Concernant Taïwan par exemple, il n’apparaît pas extravagant que des citoyens américains, lassés de l’interventionisme qu’ils jugent excessif de leur pays, considèrent qu’il serait d’abord nécessaire que les états onusiens commencent par reconnaître cette province chinoise comme indépendante avant de se mêler de sa politique et qu’il y a mieux à faire selon eux, pour leur nation. Cela ne semble pas illégitime.