Michel Barnier, ses ministres et presque toute la presse annoncent que le vote d’une motion de censure pourrait mettre la France dans le chaos. Ils ont raison. Cette motion de censure supprimerait les hausses d’impôt et les baisses de dépenses prévues dans le projet de budget. Nos créanciers en concluraient que la France ne pourrait pas réduire son déficit budgétaire et que le risque de perte de leurs créances s’accroîtrait. Ils feraient monter les taux d’intérêt des emprunts de l’Etat français. Mais cette conséquence de la motion de censure n’est pas inéluctable. Le budget refusé par la motion de censure serait remplacé par la reconduction du budget de 2024. Pour retrouver la confiance de ses prêteurs le gouvernement pourrait décider de ne pas réaliser toutes les dépenses autorisées en 2024 et même les baisser fortement. Pourquoi n’étudierait-il pas ce qu’ont fait des gouvernements comparables dans des situations semblables ? Le dernier en date est celui de Justin Trudeau au Canada. Confronté à une hausse depuis le début de l’année de son taux d’emprunt à 10 ans, monté jusqu’à 4%, il a annoncé un gel des recrutements publics applicable pour six mois à partir du 3 septembre 2024. Les provinces canadiennes étaient aussi concernées par ce gel. C’est ainsi que celle du Québec décidait que « les postes à pourvoir pourront l’être uniquement par des employés qui font déjà partie de la fonction publique québécoise ». Les chemins de fer canadiens ont alors annoncé une grève pour le 18 août. Le ministre du travail l’a interdite. Une motion de censure du parlement, annoncée pour le 25 septembre, n’a pas été votée. Les créanciers ont repris confiance. Le taux de l’emprunt à 10 ans est tombé le 1er octobre à 2,76 %. Justin Trudeau avait choisi le gel des embauches parce que les Canadiens savent qu’il a été très efficace dans le passé. Le Premier ministre Jean Chrétien l’a utilisé à partir de 1994. Après deux années de faible croissance (2%), le taux moyen de croissance du PIB canadien a été pendant les quatre années suivantes de 4,6 %.
Le Royaume Uni a fait la même expérience avec Margaret Thatcher dès sa nomination (Civil service recruitment freeze du 8/5/1979), que David Cameron a imité (Ban of recruitment du 24/5/2010, qui a permis une croissance régulière du PIB par habitant pendant les 9 années suivantes). Romano Prodi a fait de même en Italie, décidant un gel des embauches publiques en septembre 2007. Ce que des gouvernements de gauche comme ceux de Trudeau et Prodi ont fait, la motion de censure pourrait pousser le gouvernement Barnier à le faire aussi. Elle serait bienfaisante.