Les ennuis volent en escadrille, disait (en utilisant un terme plus cru) un ancien président de la République, bien placé pour en parler. C’est ce que doivent se dire les habitants d’Ozoir-La-Ferrière, une ville de plus de 20.000 personnes située en Seine-et-Marne, à 30 kilomètres de la capitale.
Le 24 octobre, ils apprenaient que leur maire avait été condamné pour différents délits, notamment corruption et détournement de fonds publics, à quatre années de prison dont deux avec sursis par le tribunal judiciaire de Paris.
Le 4 novembre, une bataille rangée d’une violence inouïe s’est déroulée à la gare RER entre deux « bandes » rivales de la ville et d’une commune limitrophe, Roissy-en-Brie. Des coups de hache ont provoqué l’arrachage d’une main et l’ouverture d’un crâne ! Des groupes de « jeunes » (l’appellation convenue des voyous) avaient déjà provoqué force troubles dans plusieurs gares du département les jours précédents. La presse relate que des amis des blessés ont crié : « Par Allah, on va se venger ! On va vous tuer ! » (Le Parisien, 4 novembre 2024).
Nos lecteurs nous pardonneront la teneur inhabituellement personnelle de la présente pendule. En effet, notre famille a habité Ozoir-La-Ferrière durant 70 ans et nous y avons-nous-mêmes résidé jusque récemment. C’est donc un témoignage de première main, si nous pouvons nous exprimer ainsi, qui est livré.
Ozoir a été depuis un siècle une terre d’immigration. Aux Russes blancs et aux Polonais ont succédé les Portugais, tous attirés par le calme, la douceur de vivre et l’aspect pavillonnaire de la ville (n’en déplaise à certains anciens ministres…). Un lycée réputé et un nouveau quartier haut-de-gamme ont contribué à faire de la commune l’une des plus chères du département au mètre carré.
Toutefois, l’aspect pavillonnaire de la ville a souffert de la construction de logements sociaux imposée par les lois successives. L’immigration y a cru de manière très importante depuis la fin du XXe siècle avec de nouvelles populations, notamment africaines. Les Ozoiriens ont alors croisé de manière inédite des femmes voilées. Ils ont vu se développer les incivilités et la saleté. Les habitants qui avaient l’habitude de laisser leurs portails et leurs portes ouverts ont commencé à se barricader chez eux et à installer des systèmes de télésurveillance, mis à mal par l’augmentation des tentatives de cambriolage et des vols par des clandestins. La police municipale, réduite à une antenne de quelques personnes et à deux ou trois véhicules, a été dans l’incapacité de faire face à la croissance de la délinquance et ce, malgré l’existence de caméras placées dans différents endroits de la commune. Les demandes de renforts se sont avérées pour l’essentiel vaines et ce, malgré la croissance de la population.
Il va de soi que les évènements du 4 novembre n’ont aucun précédent connu dans la commune (n’en déplaise aux zélateurs du simple « ressenti » de la délinquance). La barbarie s’étend devant l’impuissance tragique de l’État providence à remplir ses fonctions de garant de la sécurité, un État qui tend donc à perdre toute légitimité, tout en interdisant à la subsidiarité de jouer.
Pour information, nous avons quitté Ozoir-La-Ferrière il y a deux ans, lassé par la délinquance et les incivilités. Nous devons constater que depuis lors, la situation a empiré. Jusqu’où notre État tombera-t-il ?