Un fonctionnaire a été révoqué en octobre 2017 par son employeur, le département de la Gironde, parce qu’il exerçait, en parallèle de ses fonctions d’agent de maintenance des bâtiments au sein du collège Cassignol de Bordeaux, une activité commerciale de Disc-jockey (ou DJ). Cette révocation intervint après plusieurs mises en demeure de cesser cette activité et l’administration d’un blâme pour ce motif. Malgré cela, l’agent avait poursuivi son activité de DJ. Pour le département de la Gironde, le fonctionnaire s’est rendu coupable d’ignorer les dispositions législatives et réglementaires relatives au cumul d’activités dans la fonction publique, ainsi que son obligation hiérarchique en continuant son activité parallèle malgré les demandes de son employeur d’y mettre fin.
Arrêtons-nous un instant sur la réglementation en vigueur. Il est prévu par le code général de la fonction publique (art. L.123-2 à L. 123-8), notamment afin d’encourager l’esprit d’entreprise et de permettre l’enrichissement des parcours professionnels, que les agents puissent cumuler, dans certaines conditions et limites, leur activité dans la fonction publique avec une autre activité professionnelle. L’encadrement juridique du cumul a pour objet de vérifier que les activités exercées respecteront bien les obligations déontologiques applicables aux agents publics. En effet, les activités en cause ne doivent pas placer l’agent dans une situation de conflits d’intérêts au sens de l’article L. 121-5 du code général de la fonction publique, voire de prise illégale d’intérêts au sens de l’article 432-12 du code pénal. Ces activités doivent aussi être compatibles avec les autres obligations déontologiques énoncées par le code général de la fonction publique : devoirs de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité, en particulier. L’agent public doit obtenir, préalablement au début de l’activité accessoire envisagée, l’autorisation de l’autorité hiérarchique dont il relève. Il doit aussi exercer une activité énumérée à l’article 11 du décret du 30 janvier 2020. Notons qu’un agent peut exercer certaines activités sans avoir à effectuer de démarche auprès de son administration employeur. C’est le cas, par exemple, des activités dites artistiques ou de création, comme des compositions musicales, des livres, des conférences ou encore des illustrations et des logiciels.
Revenons maintenant à l’affaire bordelaise. Le fonctionnaire, mécontent, alla en justice. Sa requête fut rejetée en première instance par le tribunal administratif de Bordeaux en juin 2019. Il interjeta alors appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui lui donna raison en juin 2022, au motif que les faits reprochés n’avaient pas causé de préjudice à l’administration ou à un tiers et n’avaient pas mis en cause l’intérêt ou la dignité du service malgré leur réitération. Pour la Cour d’appel, la révocation prise par l’employeur était une sanction disproportionnée. Ce fut alors la collectivité qui se pourvut en cassation devant le Conseil d’État. Celui-ci vient de lui donner raison en annulant l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, et en confirmant ainsi la révocation du fonctionnaire.
Pour les juges du Palais Royal, l’activité de DJ n’est pas dans la liste des activités accessoires autorisées et elle n’est pas non plus une activité artistique pouvant librement être exercée par les fonctionnaires. Par conséquent, l’agent bordelais n’avait aucun droit à être DJ sur son temps libre. Il a, par ailleurs, clairement manifesté sa volonté de « ne pas respecter ses obligations statutaires et de ne pas se conformer aux instructions de sa hiérarchie ». La sanction de révocation est donc parfaitement justifiée.
Il est indéniable que le fonctionnaire n’a pas respecté la réglementation en vigueur et qu’il superbement ignoré les mises en demeure de son employeur. Mais, comme le soutient la Cour administrative d’appel, son activité de DJ n’a causé aucun préjudice à l’administration ou à un tiers et n’a pas mis en cause l’intérêt ou la dignité du service. En fait, ce que les juges d’appel soulignent à demi-mot, c’est que la législation en la matière est mauvaise.
En effet, qu’un fonctionnaire soit autorisé à exercer certaines activités annexes sur son temps libre et pas d’autres qui, comme le dit la loi, seraient de nature à placer l’agent dans une situation de conflits d’intérêts, voire de prise illégale d’intérêts, et ne seraient pas compatibles avec les obligations déontologiques du code général de la fonction publique, nous semble tout à fait normal. Mais pourquoi ne pas s’arrêter là ? Pourquoi publier une liste d’activités autorisées, au risque de ne pas être exhaustif ? Pourquoi permettre à un agent d’avoir une activité agricole, de vendre des biens qu’il produit lui-même ou encore de réaliser des travaux chez des particuliers et pas une activité de DJ ? Pourquoi peut-il même exercer une activité artistique (sans demander d’autorisation, rappelons-le) et pas celle de DJ ?
Ne serait-il pas plus simple de laisser l’employeur estimer si l’activité accessoire est compatible avec l’emploi de l’agent et le juge trancher en cas de conflit entre les parties ? Le droit public a bien besoin, comme le droit privé, d’être simplifié.
9 commentaires
DJ n’est pas une activité artistique? Ah bon..
L’activité nocturne de DJ, remet en cause son état de lucidité dans son travail de fonctionnaire, et d’éventuels congés maladie pour fatigue, ici, apparemment, s’agissant de fonction publique territoriale.
c’est bomique et les anciens ministres députés etc qui cumulent on ne leur dit rien à quand un gouvernement qui mettra de l’ordre quand j’avais 18 ans j’y croyais daniel connbendit qui disait mort aux fonctionnaires c’est comique non
Comme à l’habitude, on s’aperçoit que chaque juridiction, chaque juge, à sa vision personnelle et technique de la loi et de la justice.
Chacun voit midi à sa porte.
C’est toujours un de moins. Continuez mais plus vite, s’il vous plaît !
Et qui est au conseil D’état ;
Des courageux fonctionnaires .
En effet plusieurs lignes des différents textes de loi pourrait être simplifiés, mais la France est ruinée et n’a plus les moyens de ses prétentions.
L’administration dans toute sa splendeur !!! Pas dans la liste donc à blâmer… Pour le bon sens, on repassera !
DJ est donc une activité non artistique !!! prière messieurs les éclairés de qualifier juridiquement cette activité !