Si Apollinaire suscita de son vivant de nombreuses amitiés, il en est une post mortem qui est celle de François Sureau. Rien du poète, ni du soldat ni de l’amant n’échappe au biographe. Amoureux de la vie qu’il « boit comme une eau-de-vie », « le mal-aimé » donne toujours une tournure fantaisiste à ses vers, même écrits sous les obus ou à la Santé.
Son âme errante immortalise les femmes qui transfigurent sa vie de soldat engagé, certes exposée au danger, mais prometteuse d’une meilleure connaissance des lois de la vie. Ce n’est pas une naturalisation française improbable et encore moins une germanophobie qui animent cet enfant illégitime d’un officier italien et d’une jeune aventureuse roumaine, mais « le territoire heureux du fait et de l’expérience » auquel s’ajoute le désir de « servir ». Si la souffrance dans les tranchées se prolonge, l’inquiétude de l’avenir ne l’épargne pas : « les hommes réunis en troupeaux dociles ne songent même plus qu’il y ait eu des temps où l’on pouvait faire ce que l’on voulait ».
Apollinaire n’est pas le bohème qu’on imagine, il est un besogneux et en impose avec sa pipe en terre et son costume bleu, « du bleu de la tenue du soldat, du bleu électrique de la mort », de la période bleue de son cher ami Picasso, du bleu de la Méditerranée de son enfance comme de « la rue industrielle ». Car ce poète croit au progrès et aspire à toutes les innovations, qu’elles soient artistiques ou scientifiques. « La mélancolie n’entre pas ici » est la devise de la galerie Vivienne où il se divertit avec ses amis peintres. Sa célébrité ne vient pas d’une illustre naissance mais d’une imagination bouillonnante et libertaire que le parisianisme culturel de F. Sureau met au goût du jour en lui prêtant des sympathies pour l’androgynéité, voire pour la loi du genre ! En tout cas ce passionné d’Apollinaire incite à se plonger dans les vers sans contraintes du « flâneur des deux Rives » pour qui « La joie venait toujours après la peine »…
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