Journaliste originaire de l’Oblast de Kherson, Iuliia Mendel a été l’attachée de presse du président Volodymyr Zelensky de juin 2019 à juillet 2021. Dans ce livre, Le Combat de nos vies, paru chez Talent Editions, elle nous fait le récit de son expérience auprès du président ukrainien mais aussi du début de la guerre telle qu’elle l’a vécu. Cet ouvrage est à la fois un témoignage de l’expérience personnelle de cette journaliste, un récit du parcours de Zelensky, et une explication de l’état du pays et de la société.
Dans les premières pages, Mme Mendel évoque le vaste succès électoral de M. Zelensky lors de la présidentielle de 2019, élu avec 73 % des suffrages au second tour face au président sortant Petro Porochenko, et ce malgré une forte campagne dénigrant le comédien. Le peuple ukrainien voulait un changement radical, des réformes, dont le pays le plus pauvre d’Europe avait bien besoin. Les Ukrainiens, de l’Ouest comme de l’Est, ont vu en Zelensky le moyen de se débarrasser des maux endémiques qui touchaient l’Ukraine. Pour Iuliia Mendel, « Zelensky a définitivement changé le visage de la politique ukrainienne. Il a « libéré » une grande partie de l’élite politique ukrainienne de son emprise sur le pouvoir et a fait entrer en politique des gens venus de l’entreprise, des arts et de la télévision. Il a changé la narration dans le pays et aplani les conflits idéologiques. Il a présenté l’identité ukrainienne sans fard, sans pathos, mais comme une palette comportant de nombreuses couleurs ; pas un pays dont on doit avoir pitié mais une démocratie européenne dynamique » (p. 52).
Si elle loue la volonté réformatrice d’un président travailleur et très exigeant envers ses collaborateurs, il n’en demeure pas moins que l’inexpérience de certains membres de l’équipe présidentielle et de quelques membres du gouvernement a pu faire tache. De même, bien qu’élu pour lutter contre la corruption et le pouvoir des oligarques, ces deux problèmes majeurs de l’Ukraine qui freinent le développement du pays, il lui a été très difficile de s’y attaquer. Le pouvoir oligarchique, via ses médias, est puissant. Certains oligarques d’Ukraine sont des proches du pouvoir russe et les médias qu’ils détenaient leurs permettaient de relayer la propagande du Kremlin. La presse se montrait particulièrement critique à l’égard du président élu. Mais malgré cela, Zelensky a pu lancer des réformes et s’attaquer aux oligarques dont le pouvoir nuit à l’économie de marché et à la concurrence.
La corruption endémique n’est pas seulement le fait des oligarques. Mme Mendel raconte notamment que lorsqu’elle était étudiante, elle a été dans l’obligation de verser un pot-de-vin pour que son professeur lise sa thèse et qu’elle puisse la soutenir. Et ceci dans l’une des meilleures universités du pays. Quelques années plus tard, elle écrivit un article sur le sujet démontrant que le système de pots-de-vin dans les universités du pays était monnaie courante. Selon Iuliia Mendel, le système universitaire ukrainien est « trop » prospère pour reposer sur des bases honnêtes: « en 2016, il y avait 664 établissements d’enseignement supérieur en Ukraine – 260 universités de plus qu’en Allemagne alors que la population ukrainienne était deux fois inférieure. » (p. 104). En Ukraine, l’éducation est le troisième secteur où les citoyens ukrainiens sont le plus confrontés à la corruption, après le système de soins et la police.
Tout en parlant du conflit en cours, ce livre se concentre sur l’avant-guerre et l’expérience de Iuliia Mendel aux côtés de Volodymyr Zelensky, mandat notamment marqué par la pandémie de Covid-19. Il permet ainsi d’appréhender le contexte de son élection et le visage de la société ukrainienne. Mais l’invasion sanglante menée par la Russie est venue tout bousculer. Au-delà des débats politiciens, des rivalités, des problèmes internes au pays, l’actualité est à la défense de la souveraineté de l’Ukraine : c’est le combat de leur vie.