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Taxe Tobin, une taxe sur les transactions financières étendue à l’Europe est-elle crédible ?

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Malgré la piètre performance du CAC en 2020, l’idée de taxer les transactions boursières au niveau européen refait surface. Le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand l’a défendue lors de la 7ème Université des Entrepreneurs des Hauts-de-France. Compétitivité oblige, l’impôt de Bourse a été supprimé en 2008… avant que la TTF ne soit instaurée en France en 2012.

Le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance Bruno Lemaire promet de ne pas augmenter les impôts. Mais, déjà, l’idée de taxer les opérations de Bourse à l’échelle européenne ressurgit. Portée par la Commission – qui en attendait jusqu’à 55 milliards d’euros de recettes fiscales annuelles – l’initiative revient, en 2011, à 4 grands pays européen dans le cadre d’une coopération renforcée. Autour du couple franco-allemand, l’Espagne et l’Italie sont bientôt rejoints par 7 autres. Emmanuel Macron enfourche le cheval de bataille en septembre 2017.

La finance, secteur clé

Le projet nécessiterait un (grand) pas vers l’harmonisation fiscale. Car si la France continuait à faire cavalier seul, ce avec une taxation trop lourde, le secteur financier français serait exposé au risque de délocalisation. Il compte parmi ses fleurons 3 des 20 plus gros acteurs mondiaux de la gestion d’actifs et 4 des 10 plus grandes banques européennes, selon le magazine IPE (Investment & Pensions Europe).

L’enjeu est clé. En 2017, le secteur financier représentait 4 % du PIB français selon l’OCDE. Et 4,8 % des emplois nationaux, soit 1 200 000 emplois directs et indirects, selon l’INSEE, la Banque de France, la Fédération Bancaire Française (FBF) et Paris Europlace, qui défend les couleurs de l’industrie financière, sociétés d’assurance et de gestion, banques et intermédiaires financiers. Paris compte 180 000 employés dans la finance selon cette dernière.

Un enjeu de compétitivité

L’accès au marché européen est, certes, un atout alors que l’accord commercial post-Brexit sur les services entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni reste à écrire. 6 milliards d’échanges de titres ont ainsi échappé à la City le premier jour de cotation post-Brexit, le 4 janvier. Mais cet avantage ne doit pas occulter l’importance de la mobilité du capital. Une part des 200 000 emplois de la City est en effet potentiellement délocalisable à Francfort, Luxembourg et Paris où l’arrivée de 4000 employés est attendue.

Avant de défendre la taxation des transactions financières en tant que Commissaire européen pour les affaires économiques et financières, fiscalité et douanes, Pierre Moscovici, alors Ministre des Finances, reconnaissait ainsi en 2013 que « la taxe sur les transactions financières suscite des inquiétudes quant à l’avenir industriel de la place de Paris et quant au financement de l’économie française ».

Circonscrit aux opérations effectuées par des intermédiaires financiers établis en France, l’impôt sur les opérations de Bourse a été supprimé par la loi de Finances pour 2008 pour des raisons de compétitivité. « Sa suppression est motivée par le caractère fortement discriminatoire de cet impôt – supprimé dans la plupart des autres places financières – dans un contexte de dématérialisation des ordres et d’intensification de la concurrence entre places de marché (…) », rappelle alors le rapport de Philippe Marini pour la Commission des Finances du Sénat. L’impôt de Bourse ne drainait que 240 millions d’euros par an pour les finances publiques.

Plus d’un milliard de recettes fiscales grâce à la TTF

Faute d’accord européen sur le projet de «Taxe Tobin» ou « Robin des bois», la France a instauré la taxe sur les transactions financières (TTF) en solo en 2012. Son taux nominal initial de 0,1 % est porté à 0,2 %… dès la deuxième loi de finances rectificative pour 2012. Avant de grimper à 0,3 % avec la loi de finances pour 2017. La taxe s’applique aux achats des actions des sociétés ayant un siège social en France et avec une capitalisation boursière d’au moins 1 milliard d’euros. Répercutée sur les frais de transactions, la TTF a rapporté 766 millions en 2013 et jusqu’à 1,06 milliards en 2015 et déjà 1,2 milliard d’euros à août dernier du fait de la hausse des volumes boursiers post-krach cette année, selon Les Échos.

Le projet européen de taxe sur les transactions financières (TTF) prévoyait un taux bas – 0,1 % sur les actions et les obligations et les produits dérivés à 0,01 % – et une assiette large incluant les instruments dérivés et le trading haute fréquence. Un impôt efficace donc. « L’équivalent du stamp duty britannique étendu aux principaux pays du monde, permettrait de lever, malgré ses très nombreuses exemptions, 100 milliards de dollars par an », plaidait le rapport de Gunther Capelle-Blancard, Université Paris Panthéon-Sorbonne & Labex ReFi, « La taxation des transactions financières : une vraie bonne idée » présenté à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) en octobre 2017.

La majeure partie des transactions exonérées

La TTF n’a certes pas engendré une baisse des volumes de transactions. Elle n’est estimée que de 10 à 20 % en France. Mais gare au risque de jouer avec le taux d’une telle taxe. Le financement des entreprises est un aspect majeur de leur sauvetage en pleine crise du Covid19. Et enfin, surtaxer les transactions boursières ne serait pas non plus le meilleur moyen d’inciter les investisseurs français à acheter des actions. Frais de courtage et droits de garde sont en effet soumis en sus à TVA. Et les groupes et start-up français n’hésitent pas à se faire coter sur d’autres places boursières.

L’efficacité de le TTF est d’autant plus sujette à caution que les transactions intra-journalières (intraday), qui ont représenté en France par exemple 75% à 85% des volumes en 2014 y échappent. De même pour les Bitcoins. Or la cryptomonnaie a atteint un record de 34 000 $ le 3 janvier dernier, en hausse de 306 % en 2020. Contre 16 % pour le S&P 500, indice phare des actions américaines et… – 6 % sur le CAC 40. Signe de l’attractivité de la place de Paris ?

Trading : transaction, opération
Trading haute fréquence (ou HFT, pour High frequency trading) : consiste à passer une multitude d’ordres en un temps record (de l’ordre de la milliseconde) à partir d’algorithmes et d’ordinateurs surpuissants
Stamp Duty Reserve Tax : taxe britannique, ou timbre fiscal, de 0,5 % qui s’applique aux transactions en actions

Sources :


https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/29/la-taxe-sur-les-transactions-financieres-en-europe-une-vieille-idee-qui-peine-a-aboutir_5193397_4355770.html
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/01/06/04016-20120106ARTFIG00612-la-france-isolee-sur-la-taxe-sur-les-transactions-financieres.php
www.paris-europlace.com
https://www.euractiv.fr/section/economie/news/paris-vise-la-premiere-place-financiere-deurope-apres-le-brexit
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-07/20170704-refere-S2017-1860-taxe-transactions-financieres-et-depenses-fiscales.pdf
https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/la-taxe-sur-les-transactions-financieres-va-rapporter-plus-que-prevu-a-letat-1242790
https://www.ft.com/content/a434b756-afe0-454d-9d70-ef2d42ea8d55
https://www.lepoint.fr/economie/taxe-sur-les-transactions-financieres-moscovici-juge-le-projet-excessif-11-07-2013-1703000_28.php

https://www.senat.fr/rap/l07-091-3/l07-091-3_mono.html
https://www.vie-publique.fr/en-bref/19691-taxe-sur-les-transactions-financieres-un-bilan-critique

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