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Taxe carbone : l’impôt opportuniste

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L’Europe a « verdi » un peu plus au dernier scrutin européen et le gouvernement français s’est précipité pour satisfaire à cette poussée électorale en évoquant la taxe climat qu’il avait déjà mis en orbite.

La France ayant pris l’engagement de réduire ses émissions de gaz dits à effet de serre de 14% en 2020 et de les avoir divisé par quatre en 2050, le Livre blanc de l’écologie évoque deux options : celle du marché des quotas d’émission déjà mis en place par l’Union Européenne en 2005 pour les entreprises industrielles et énergétiques les plus émettrices, et la taxe carbone dont il vante les mérites pour les plus petits émetteurs et notamment les particuliers.

Le double dividende

Certes, le Président de la République, dans son discours prononcé le 25 octobre 2007 à l’occasion du Grenelle de l’Environnement, a exprimé son opposition à toute augmentation du taux de prélèvement obligatoire à l’occasion de la création de nouvelles contributions fiscales « climat-énergie », souhaitant que les recettes nouvelles financent la baisse d’autres prélèvements obligatoires. Cet engagement a été formellement réitéré par Christine Lagarde.

La France espère ainsi retirer un « double dividende » de ces mesures en couplant la baisse des émissions de gaz dits à effet de serre avec la réduction ou la suppression de certaines taxes existantes, phénomène dit de « green shift ». Le Livre blanc met en avant l’exemple de la Suède où la taxe carbone est appliquée depuis 1991 et a encore été augmentée en janvier 2008 par le gouvernement de centre-droit. Elle représente désormais 20% du prix d’un litre d’essence, soit 0,22 euro environ. En 2006, les écotaxes représentaient 2,7% du PIB suédois et un peu plus de 8% de la charge fiscale totale du pays, soit près de 7,7 milliards d’euros. En contrepartie, la fiscalité a été abaissée sur les facteurs de production et en particulier sur la fiscalité sur le travail.

La Suède a fait de réformes et des privatisations

Le Livre blanc souligne que l’impact sur le PIB suédois devrait être positif de 0,5 point sur la période 1994/2012. Mais, outre que 0,5% représente bien peu et que 2012 est encore un horizon aléatoire, le propos du Livre blanc est trompeur car le gain de 0,5% de PIB est estimé par rapport à un scénario sans « green shift », et non par rapport à un scénario sans taxe carbone. Au surplus la Suède a parallèlement déployé depuis le milieu des années 1990 de très importants efforts pour limiter le poids de l’Etat :

– Un plafond global de dépenses a été fixé, que les administrations centrales ont obligation de respecter.

– Toute augmentation de crédit consentie pour un programme doit impérativement être compensée par des économies correspondantes dans d’autres programmes.

– Le système d’assurance sociale a été réformé pour freiner la progression des dépenses de transfert.

– La baisse sur la fiscalité du travail opérée en 2008 a été plus importante que les taxes environnementales mises en place cette année là.

– L’Etat a engagé ensuite une vague massive de privatisations, notamment dans le secteur des télécommunications. Les 17 Md$ ainsi engrangés ont permis d’alléger le poids de la dette publique.

Les bons résultats de la Suède ont sans doute été générés par cette politique tendant à faire maigrir le Mammouth plutôt que par l’introduction de nouvelles taxes écolos !

Un principe de précaution sans précaution

D’ailleurs l’introduction de la taxe carbone dans quatre pays de l’Union Européenne, en Finlande, en Suède, au Danemark et au Royaume-Uni, ne semble pas avoir eu d’effets spectaculaires. La facture énergétique a été réduite et l’innovation a été stimulée, mais surtout, l’Etat a gagné des recettes nouvelles. Ces impôts rapportent 500 millions d’euros par an en Finlande, 3 milliards d’euros en Suède. Le record revient au Danemark, où leur produit représente chaque année l’équivalent de 5% du PIB. Cette fiscalité verte a été compensée par une baisse des impôts sur le revenu, ou des cotisations sociales. Certains pays l’ont même utilisée pour réduire le coût du travail. En Grande Bretagne, l’argent collecté finance des réductions de cotisations patronales.

Il reste que, même sous le bénéfice du « green shift », les effets de cette nouvelle fiscalité et plus généralement de mesures retenues pour réduire les gaz s à effet de serre sont encore mal connus et mal maitrisés.

Le rapport Stern publié par le ministère des finances britannique le 30 octobre 2006 évoquait des perturbations pour l’économie mondiale de l’ordre de 1% du PIB en 2050. Mais ce rapport a été très contesté notamment pour défaut dans le taux d’actualisation retenu. Et le deuxième rapport du GIEC, utilisé pour justifier des politiques de lutte contre les gaz dits à effet de serre, concluait lui même, après élimination des valeurs extrêmes, à une variation du PIB allant d’un gain de 0,5% à une perte de 2% pour stabiliser les émissions des pays de l’OCDE.

Plus prosaïquement, l’UFC-Que Choisir reste fermement opposé à la taxe carbone sur les carburants car, dit-elle, elle aura un impact très négatif sur le pouvoir d’achat et ne permettra pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre. De 1995 à 2006, constate l’association, les prix TTC du carburant ont augmenté de 66 %, ce qui n’a pas empêché la consommation de croître de 7,6 %, ajoute-t-elle.

La seule certitude est que nous n’avons aucune certitude. Le principe de précaution, utilisé d’ailleurs à tort et à travers, n’exigerait-il pas alors qu’avant d’instituer de nouvelles taxes, les effets en soient plus précisément établis ? A quoi sert-il d’utiliser le principe de précaution sans précaution ?

Le risque d’une fiscalité inflationniste

La taxe carbone apparaît en fait pour les gouvernements comme une nouvelle opportunité de recettes fiscales. Certes, la neutralité est assurée aujourd’hui. Mais déjà d’autres disent que ça n’et qu’un début. « La hausse des impôts est inévitable » écrit Didier Migaud ( Le Monde 11/06/09)

Pour sa part, Michel Rocard, le « créateur » de cette taxe explique qu’il s’est engagé à travailler avec sérieux à une réforme « sans équivalent depuis l’instauration de l’impôt sur le revenu». Et c’est précisément ce qui est inquiétant quand on se rappelle que l’impôt progressif sur le revenu instauré au taux de 3 à 4% en 1914 était passé à 50% dès 1920. « Il faut bien comprendre, a d’ailleurs déclaré Michel Rocard sur BFM le 10 juin, que cet outil fiscal doit commencer petit pour ne pas bouleverser la vie, les gens, tous les comportements, mais il doit augmenter assez vite ».

La tentation sera forte d’utiliser la taxe sur l ‘énergie comme une nouvelle manne pour le Etats en mal de ressources fiscales. La Finlande, où le gouvernement a besoin de nouvelles recettes pour compenser la baisse des charges patronales, envisage déjà un relèvement de la taxe.

Il est exact que certains impôts peuvent être plus nocifs que d’autres. Il est possible de distinguer, note encore Michel Rocard, « les prélèvements obligatoires vertueux qui réduisent le besoin futur de dépenses publiques (TIPP, taxes sur l’alcool et le tabac…) et les prélèvements pervers qui accroissent ces dépenses, au premier rang desquels figurent les prélèvements assis sur les salaires. Aujourd’hui, la TIPP qui freine nos consommations de pétrole (ressource non renouvelable, importée en totalité et dont la consommation crée le changement de climat), ne représente que 3,5 % de nos prélèvements obligatoires ; simultanément, la main d’œuvre qui est renouvelable, que nous n’importons pas et dont la sous utilisation coûte budgétairement très cher (sans parler de son coût social non monétarisé) sert d’assiette à 38% de nos prélèvements…. ».

Commençons par mettre en place une flat tax à 15 %

Oui, la TIPP a permis de donner un signal prix réduisant la dépendance de la France au pétrole et encourageant l’innovation, permettant en l’état aux constructeurs automobiles français d’échapper au sort de GM. Oui, même si l’effet de serre reste encore très aléatoire, toute action qui permet de respirer un air plus pur dans nos villes est bonne si son rapport coût/bénéfice est raisonnable. Oui, une taxe sur l’énergie peut représenter une énorme ressource fiscale à terme tant l’énergie apparaît comme un produit dont, sous diverses formes, la croissance des flux et des volumes sera encore très forte au cours des prochaines décennies. Oui, dès lors de nouvelles taxes sur l’énergie peuvent éventuellement être intelligemment instituées si, et seulement si :

– elles sont plus que compensées par des baisses d’autres impôts pénalisant l’économie comme la taxe professionnelle ou l’ISF,

– les gains de cette nouvelle taxe peuvent permettre de réduire la progressivité de l’impôt sur le revenu pour arriver à créer une flat tax à 15 % comme le propose l’IREF,

– l’argent ainsi collecté n’est pas abusivement utilisé pour payer à perte des éoliennes et autres projets photovoltaïques que seul le marché doit financer plutôt que le contribuable, surtout si la taxe carbone permet précisément de rehausser les prix des énergie fossiles…

Ainsi, et quand bien même le fondement politiquement correct qui en sous-tend la création serait erroné, de nouvelles taxes sous forme de « contributions climat-énergie » ne seraient pas nécessairement nocives. Il faut bien des impôts et une assiette à ceux-ci ! L’énergie est peut-être au XXIème siècle une assiette fiscale du même ordre que l’était la propriété foncière au XIXème siècle. Pour le moins ça n’est pas plus idiot que la taxe sur les portes et fenêtres qui était déjà une taxe idiote sur le jour, c’est à dire sur l’énergie ! Mais il est indispensable que cette évolution soit très encadrée et qu’elle se fasse au profit du contribuable par une baisse globale et progressive des prélèvements obligatoires et non seulement par une compensation d’un impôt par un autre. Et il serait souhaitable que cet engagement soit constitutionnel comme l’est désormais le fallacieux principe de précaution. C’est à ces conditions seulement que le processus engagé par le gouvernement par le Grenelle Environnement aura de chances de servir de modèle utile.

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