Après la rencontre avec les leaders des organisations syndicales étudiantes, le gouvernement de Manuels Valls vient d’annoncer vouloir rajouter un amendement à la loi Travail concernant une éventuelle surtaxation des CDD, alors qu’elle avait déjà été initiée en 2013 et qu’elle n’avait pas porté ses fruits. Au contraire, elle pénalise fortement l’emploi.
Cette surtaxation prendrait la forme d’une obligation de la modulation des cotisations patronales pour l’assurance chômage même si cela est du ressort de la négociation sociale. Cette annonce d’une potentielle nouvelle augmentation du coût du travail est un mauvais signal adressé aux chefs d’entreprise qui risque d’entamer la confiance et de bloquer un processus de reprise extrêmement fragile en renforçant la hausse du chômage et la baisse de compétitivité des entreprises françaises dans un contexte de forte concurrence internationale. La politique de l’emploi de ce gouvernement est décidément bien confuse : à un an de la présidentielle, François Hollande risque fort bien de ne jamais voir se renverser cette fameuse courbe du chômage.
Les CDD,
dernier espace de souplesse pour les entreprises
Même si la structure des contrats de travail est largement dominée par les CDI, qui représentent environ 76 % de l’emploi total et 85 % de l’emploi salarié, le recours aux contrats précaires tels que les CDD, les contrats saisonniers et l’intérim est devenu incontournable dans les nouvelles embauches depuis une dizaine d’années (voir la hausse continue depuis 2012 dans le graphique ci-après). Près de 9 salariés sur 10 sont désormais recrutés en CDD pour les nouvelles embauches. Cela s’explique notamment par un besoin accru de main d’œuvre lié à l’augmentation au moins temporaire des carnets de commande des entreprises, ainsi que par un manque de visibilité à plusieurs années qui contraignent les chefs d’entreprise à préférer le CDD, moins risqué et moins coûteux pour l’entreprise. Mais au lieu de s’intéresser aux raisons qui poussent les patrons à embaucher en contrat court plutôt qu’en CDI, le gouvernement choisit la solution la plus contre-productive, à savoir l’alourdissement du coût du travail et la punition fiscale.
Les effets contre-productifs de la taxation
des contrats courts
L’aggravation continue du marché du travail depuis le début de la Présidence Hollande avait conduit le gouvernement à amorcer la loi Travail, qui partait d’une bonne intention en favorisant à la fois l’assouplissement du licenciement économique, le plafonnement des indemnités prud’homales et la réforme de la hiérarchie des normes en privilégiant l’accord d’entreprise sur la législation nationale. Mais la pression de la jeunesse et des organisations syndicales a eu raison de la volonté et du courage du gouvernement qui a préféré revenir à cette tradition typiquement française qui consiste à jouer sur le levier fiscal pour inciter les entreprises à agir dans le sens désiré. Malheureusement, les entreprises pourraient répondre par un arrêt des embauches, par l’intérim, les contrats saisonniers, l’utilisation de la période d’essai des CDI, la hausse des embauches non déclarées ou encore la baisse de la rémunération mensuelle pour compenser la hausse des cotisations.
Un autre objectif de cet amendement serait de mettre un frein au recours quasi-systématique au CDD pour l’embauche de jeunes qui ont souvent par ce biais leur première expérience dans le monde du travail. Selon les chiffres tout juste publiés par la Dares, la direction statistique affiliée au ministère du Travail, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans atteignait les 24 % au quatrième trimestre 2015 (contre 7,2 % en Allemagne, 16,9 % au Royaume-Uni et 11,3 % aux Pays-Bas sur l’année 2015), et il avoisine même la moitié de la population active concernée pour les jeunes non diplômés. Mais la quasi-totalité des nouvelles embauches de jeunes se font désormais en CDD pour une raison simple : c’est qu’il est extrêmement difficile de se séparer d’un mauvais élément s’il n’est pas assez productif ou si l’entreprise fait face à des difficultés économiques.
Pour relancer les embauches en CDI,
il faut revenir à la version initiale de la loi Travail !
La solution ne passe donc pas par l’augmentation du coût du travail et de la fiscalité mais par une simplification des règles contractuelles en révisant profondément la hiérarchie des normes et en rétablissant de la souplesse dans la définition des modalités des contrats longs. Pour embaucher un salarié en CDI, un employeur a besoin d’une visibilité sur plusieurs années, d’un carnet de commandes rempli et de la certitude que la valeur ajoutée apportée par un salarié supplémentaire sera supérieure aux coûts qu’il risque d’engendrer pour l’entreprise (salaires, primes et dispositifs de participation et d’intéressement mais également temps de formation et risques de litige). La plupart des entreprises choisissent à présent d’embaucher leurs salariés dans des contrats courts car le CDI est un contrat contraignant soumis à une réglementation stricte quant aux conditions de rupture du contrat, qui peut entraîner des coûts exorbitants pour les entreprises en difficulté ou en baisse d’activité.
Au contraire, le CDD est un contrat relativement plus souple où on peut définir à l’avance la durée de la mission, les objectifs et la rémunération même s’il existe un certain nombre de contraintes sur le nombre de renouvellements, les cas de rupture du contrat et les cotisations prélevées pour l’assurance chômage. Pour encourager les employeurs à embaucher en CDI, il est donc nécessaire d’assouplir les conditions du licenciement économique en permettant aux entreprises de se séparer de leur employé en cas de baisse d’activité sans risquer une procédure aux prud’hommes, qui peut s’avérer coûteuse. En focalisant les efforts sur le CDD, on aura peut-être moins de contrats courts, mais pas davantage de CDI, et donc une nouvelle hausse du chômage.