L’Observatoire du bien-être confirme dans une note la déliquescence de l’Assemblée nationale, passée de chambre de délibération à « scène de spectacle »
Vous ne connaissez sans doute pas l’Observatoire du bien-être. Au sein du Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP), placé sous la tutelle du ministère de la Recherche, il « soutient la recherche sur le bien-être subjectif en France et dans le monde ». L’Observatoire vient de faire paraître une note sur « La fièvre parlementaire » (note n° 2025-01, 13 janvier 2025, 16 pages). Elle n’a rien de révolutionnaire, mais elle permet de confirmer scientifiquement ce que toute personne sensée a pu constater ces dernières années : l’évolution délétère de l’Assemblée nationale sous les coups de boutoir des extrêmes, avec une mention spéciale à La France insoumise (LFI).
Une nouvelle violence politique
L’étude établit la « nouvelle violence politique » qui s’est installée au terme de l’analyse des presque deux millions d’interventions de députés sur 17 ans, de juillet 2007 à juin 2024, en mobilisant les ressources de l’intelligence artificielle. L’Assemblée nationale s’est métamorphosée en une scène « où dominent la colère, la polarisation et les codes des réseaux sociaux ». Une « rhétorique émotionnelle » s’est tout particulièrement imposée depuis 2017, plus encore entre 2022 et 2024.
La note a calculé 22 % de discours dits émotionnels, donc non rationnels, en 2014, 30 % en 2017, 40 % en 2022. La palme est évidemment revenue aux Insoumis avec 52 % de discours émotionnels en 2024 contre 48 % pour les députés du Rassemblement National. Comme on pouvait le prévoir, la courbe est ascendante pour LFI, tandis qu’elle tend à descendre pour l’extrême droite, tentative de normalisation oblige. Quant à l’émotion qui caracole en tête, c’est très nettement la colère avec 75 % des discours des extrêmes.
L’étude insiste sur le fait que l’Assemblée nationale s’est métamorphosée en « Assemblée-spectacle » parce que les députés tendent de moins en moins à s’adresser à leurs collègues et de plus en plus à leurs « followers » sur les réseaux sociaux. De là , la statistique marquante selon laquelle les interventions brèves ont crû de 25 % entre 2017 et 2024, ce qui permet de les transformer aussitôt en vidéos sur les réseaux sociaux. La moitié des interventions est constituée d’interruptions !
La note présente les autres caractéristiques des interventions des députés : ils ne parlent plus, ils hurlent ; ils ne développent pas leurs idées, ils attaquent les idées d’autrui. Certes, le constat n’est pas sans précédents, mais trois particularités seraient notables : l’irruption de « l’électeur émotionnel » dans l’hémicycle, les députés « flattant les émotions pour mieux être adoubés » ou bien se faisant le « reflet » de leurs électeurs ; la prégnance de la colère qui interdit toute recherche de compromis ; la « désinstitutionalisation » de l’Assemblée, « scène de spectacle pour un nouveau public ».
La fin de « l’ancien monde » de la démocratie représentative
Dans « l’ancien monde », poursuit la note, les députés s’adressaient aux journalistes politiques présents ; dans le nouveau, ils s’adressent à leurs « followers » sur les réseaux sociaux, lesquels ont comme « contaminé le cœur même de la démocratie représentative, avec une génération plus jeune de députés TikTokers ». En effet, l’âge moyen des députés d’extrême gauche a baissé, passant de 65 ans en 2012 à 50 ans en 2017 et, comme celui des  députés RN, 45 ans en 2022.
« Toute l’histoire de la démocratie représentative a consisté en une longue lutte pour sublimer les conflits légitimes entre citoyens dans un champ programmatique et raisonné, grâce à des intermédiaires institutionnels tels que les partis et les élus au Parlement ». Cette époque a pris fin.
La note conclut de manière pessimiste à l’inefficacité prévisible de toute réforme de nature institutionnelle et tout particulièrement de la représentation proportionnelle, dont on attend pourtant qu’elle « incite « rationnellement » au compromis ».
Ce que ne dit pas la note
La note ne comporte aucune proposition. Elle s’en tient au constat désabusé du remplacement de la rationalité par l’émotion. Mais, pour intéressant qu’il soit, ce constat est parcellaire : il ne tire pas les conclusions de ses développements et il évince certains facteurs essentiels.
Il est indéniable que notre Assemblée présente un triste spectacle : députés débraillés, mal élevés, grossiers, incultes, violents. Il est tout aussi indéniable que LFI se distingue, si l’on peut dire, à cet égard. La volonté de « bordélisation » de la vie politique est patente et assumée. Selon les Insoumis, le code « bourgeois » de la civilité est à vomir ; les institutions elles-mêmes ne sont pas plus respectables que les individus puisque l’objectif, tout aussi explicite, est de changer de république. Il n’est pas sûr au demeurant que cette stratégie soit concluante parce qu’elle a permis à l’extrême droite de faire largement disparaître l’ostracisme dont elle se plaignait traditionnellement.
Les causes institutionnelles de cette situation délétère ne sont cependant pas totalement absentes. Le « jeunisme » ambiant a permis d’abaisser l’âge pour être élu parlementaire : 18 ans pour les députés et 24 pour les sénateurs (censés étymologiquement être « sages »…), ce qui ne favorise ni la maturité intellectuelle ni l’expérience professionnelle. Tous les analystes de la vie politique témoignent de la dramatique baisse du niveau moyen de nos hommes politiques.
C’est aussi que certains d’entre eux ont été mal formés. La responsabilité de notre Etat providence doit être relevée. La puissance des médias publics, la prépondérance des écoles publiques, l’interdiction de créer des universités privées à part entière ont permis aux idées interventionnistes de gagner la bataille culturelle, sur fond de « fabrique du crétin », et de largement imposer une « pensée unique » étatiste.
Enfin, une démocratie représentative suppose l’élection des « meilleurs », même si l’idée peut faire sourire. En effet, l’élection a une nature par définition aristocratique. La démocratie pure, elle, se manifeste traditionnellement par le tirage au sort. C’est la raison pour laquelle les constituants américains à la fin du XVIIIe siècle n’en voulaient surtout pas. Croit-on vraiment (les exemples qui suivent sont pris au hasard, cela va de soi…) qu’une personne qui ne sait pas qui est le maréchal Pétain ou ignore que Léon Blum avait connu une longue carrière de parlementaire avant de devenir président du Conseil, soit vraiment armé pour être parlementaire ? N’en déplaise à certains, et particulièrement aux populistes de tous bords, si tous les citoyens votent, tous n’ont pas les capacités à être des hommes politiques et encore moins des hommes d’Etat. Sieyès le pensait justement et Alexis de Tocqueville aussi.
On peut subodorer qu’aucune amélioration ne se fera sentir sous l’actuelle XVIIe législature, surtout après avoir entendu le discours de politique générale de François Bayrou, pollué par les quolibets incessants des Insoumis (peut-être, à leur décharge, pour se tenir éveillés…). « Franchement, c’est invivable ! », a-t-il lancé à ses ministres à la fin de l’exercice. Il est difficile de le contredire sur ce point.
9 commentaires
Notre société est passé du sensible à la sensiblerie, du raisonnable au grotesque, de la logique au kafkaïen, quant au peuple il a été réduit à la fonction de “follower” voir de déconstruit ,sans se rendre vraiment compte qu’il courait à sa perte.
N’est ce pas exactement à l’image du déclin de la France ?
Ah oui j’oubliais , à l’heure où on cherche des économies , combien coûte le fonctionnement de cet observatoire qui doit compter parmi les 1200 auxquels le gouvernement recourt.
L’Exemplarité est un mot que l’on n’utilise pratiquement plus .
Tous ces politiques , sportifs , comédiens , chanteurs qui ont une ” audience médiatique ” ont-ils conscience de leur influence sur les jeunes générations ?
Il faut ” choquer ” dorénavant par des propos , des allures , des provocs pour étre ………” bank-able ”
et aprés le plus affligeant est l’indignation de tous face aux violences des mineurs .
Ou est l’exemple , du compromis , de l’échange
Déliquescence programmée
Avec les tarés de LFI et les autres clowns, inconscients et irresponsables, la France se ridiculise aux yeux du monde entier!
Que les Français qui en ont assez de payer pour ça, aillent bloquer par milliers l’Assemblée.
Comme je l’ai déjà écrit ici, la crise de la démocratie est aussi grandement liée au fait que les gens ne même pas des actions sur le terrain. Alors que c’est leur droit le plus légitime, car payant des impôts, des taxes. Il y a eu totale infantilisation du Français et mouton-ification.
Que le Français se réveille, et sorte dans la rue.
La bureaucratie socialo-étatiste, qui a emprisonné la France tout en la sclérosant, doit la libérer.
Mais la liberté n’est jamais tombée pas du ciel.
Vous ne croyez pas que cette bordélisation est organisée et voulue ? Il y a une raison à tout. Certes le niveaux est bas mais n’est-ce pas le reflet de ce qui se passe dans l’enseignement ? Et puis, plus il y a de bordélisation dans ce monde politique plus facile est-il de taxer et de contraindre. Cette situation semble bien profiter à beaucoup de monde en commençant par le gouvernement qui en douce et sans aucune discussion met en oeuvre toutes les taxes et contraintes voulues par le gouvernement éphémère précédent. Enfin c’est également le reflet de la malhonnêteté chronique de tout ce monde politique aujourd’hui jusque dans les strates locales bien organisées pour trouver de bonnes places à toute cette nouvelle racaille que je traite aisément d’escrocs au regard de leurs actes permanents. Et ne dites pas qu’ils ne savent pas ce qu’ils font et qu’une grande majorité de Républicains cherchent à obtenir durant leur vie, beaucoup de loisir et beaucoup de fric nécessaire à ces loisirs et peu importe le reste et surtout les autres.
Citoyennes,citoyens,baïonnettes aux canons….
Cette note met en lumière la dérive de nos élus qui n’est autre que la dérive des électeurs. Cette dérive se nourrit de la crédulité des électeurs par le fait qu’ils confondent sensibilité et sensiblerie, qu’ils pensent que certains politiques sont des gourous au service d’une idéologie devenue divine. Le déficit culturel des élus n’est en fait que le fruit de l’inculture des électeurs, elle même nourrie par les réseaux dits sociaux et un système éducatif pollué par l’idéologie précitée au détriment de sa mission première qui est d’instruire.