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Simplification administrative : le secteur privé à la rescousse du public

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La simplification administrative est un véritable serpent de mer depuis des années. Le vote, par le Parlement, du projet de loi portant simplification de la vie économique, de Bruno Le Maire, a été ajourné du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale. Cela n’empêche pas la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) de continuer son travail. Mais est-elle la plus apte à simplifier les démarches administratives ?

La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) est chargée, notamment, de coordonner l’action des administrations pour simplifier les démarches et améliorer la qualité du service pour les usagers. Forte de 120 agents, elle compte quatre services qui tous, d’une manière ou d’une autre, contribuent à cette mission de simplification : le service « Expérience usagers », le service « Innovation et Participation citoyenne », le programme « Fonction publique + » et, bien entendu, l’Agence de conseil interne de l’État dont nous avons parlé récemment.

« Dites-le-nous une fois »

Le 8ème comité interministériel de la transformation publique (CITP), qui s’est tenu au mois d’avril 2024, a permis au Gouvernement de « réaffirmer sa volonté de débureaucratiser l’action publique pour des services publics plus proches, plus simples et plus humains ». Le dossier de presse – qui aurait mérité lui-même d’être simplifié puisqu’il compte 54 pages ! – liste trois priorités, déclinées en 18 engagements.

Arrêtons-nous sur l’engagement n°10 : « Supprimer les formulaires inutiles, simplifier et pré-remplir les formulaires restants, grâce notamment au “Dites-le-nous une fois” ». Il est question ici d’une part de « simplifier et supprimer les Cerfa », d’autre part de « simplifier le langage administratif pour retrouver la confiance des usagers ».

Le premier objectif – « simplifier et supprimer les Cerfa » – est, à lui seul, une tâche titanesque. N’existe-t-il pas 1 800 formulaires différents – 1 200 pour les entreprises et 600 pour les particuliers ? Dans une interview au Monde, en mars 2024, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, annonçait que 80% des formulaires seraient pré-remplis par l’administration d’ici 2026 et qu’ils seraient tous supprimés à l’horizon 2030. C’est dans ce sens que le projet de loi portant simplification de la vie économique a été rédigé.

Si nous prétendons que la tâche est titanesque, c’est parce que nous nous référons à ce qui a déjà été réalisé. En 2021, un CITP avait fixé l’objectif de refondre 100 formulaires parmi les plus utilisés par les Français, avec l’appui des designers et des experts en sciences comportementales de la DITP. Selon le dernier bilan réalisé à la mi-2023, 84 formulaires seulement avaient été révisés. Qui sait, peut-être l’objectif a-t-il été atteint alors que nous sommes à la mi-2024 ! S’il faut trois années pour refondre 100 formulaires, il est permis de douter que les objectifs fixés par Bruno Le Maire pour 2026 et 2030 puissent être atteints. Pourtant, c’est possible. Dans une étude de mars 2023, l’IREF donnait l’exemple de l’Estonie où, depuis maintenant une bonne vingtaine d’années, l’administration pratique le « Dites-le-nous une fois » : elle ne demande jamais à un citoyen de fournir deux fois une même information au cours de son existence !

Quant au second objectif – « simplifier le langage administratif pour retrouver la confiance des usagers » – il se traduira notamment par la production d’un « kit formulaire » pour aider les administrations à concevoir des formulaires accessibles pour tous. Elles auront eu, auparavant, l’occasion de participer à un webinaire sur le « langage clair dans les services publics » qui, cela ne s’invente pas, a permis d’évoquer la norme ISO 24495 sur le « langage clair et simple ». Quand on aime la norme, il est difficile de s’en extraire !

Faire appel au secteur privé

C’est pourquoi il est permis de se demander si l’administration est la mieux placée pour simplifier les démarches administratives. Le secteur privé ne serait-il pas un acteur autrement plus qualifié ?

Nous ne parlons pas ici des cabinets de conseil, tant décriés, souvent trop proches de leurs clients fonctionnaires pour vraiment remettre en question l’existant. Nous pensons plutôt aux startups.

Prenons l’exemple de Buddy, créé par trois jeunes dépassés par les tâches administratives… qui se sont vite aperçu qu’ils n’étaient pas les seuls dans ce cas. Un tiers des Français, et la moitié des 18-34 ans, seraient atteints de « phobie administrative » !

Leur startup Buddy propose, d’abord, une newsletter qui vulgarise des sujets complexes comme la Sécurité Sociale ou l’optimisation des impôts, et qui informe les lecteurs d’une manière personnalisée, en fonction de leur profil (âge, statut professionnel, lieu d’habitation).

Ensuite, un outil a été développé, avec l’aide de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), pour aider à la déclaration de revenus. Céline Bertrix, l’un des 3 cofondateurs de Buddy, explique qu’ils ont décidé de créer cet outil lorsqu’ils ont appris qu’un tiers des 25-34 ans déclaraient « souffrir d’angoisse en remplissant leur déclaration » d’impôt. Le fonctionnement est simple : le jeune (seuls ceux qui ont entre 18 ans et la trentaine sont visés car tous les cas spécifiques ne sont pas encore traités) remplit un questionnaire, sans jargon, et reçoit, dans un délai de 5 minutes, un guide personnalisé qui lui indique, étape par étape, ce qu’il doit cocher ou remplir sur sa déclaration. Mis en service cette année, l’outil a été utilisé par plus de 4 000 personnes pour déclarer leurs revenus.

L’entreprise vient de lancer une levée de fonds de 500 000 euros, notamment pour créer une application mobile.

Buddy ou le marché venant à la rescousse de l’État.

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5 commentaires

Aquilina gerald 28 juin 2024 - 8:36 am

Demander à l’administration de simplifier c’est demander à l’incendiaire d’éteindre le feu.

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Cardonne Yves 28 juin 2024 - 8:53 am

En “administration” française, tous les chocs de simplification claironnés ont, soit avortés, soit se sont traduits par une strate ou un formulaire supplémentaire … comment confier à ceux qui sont à l’origine de ce maquis inextricable la responsabilité de nous en extraire, eux qui n’en ont ni la volonté ni la compétence.

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JDR85 28 juin 2024 - 3:07 pm

Lors de mon arrivée à Nantes dans les années 70, il a été créé la M.A.N. (Maison de l’Administration Nouvelle). Je ne sais pas ce qui a été vraiment générée par ladite Maison
! Et maintenant, on est train de construire une cité administrative pas loin de la précédente pour la remplacer, qui va regrouper des Administrations paraît-il ? Sans doute avec pléthore de personnels.

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Jean-Aymar de Sékonla 28 juin 2024 - 4:15 pm

Et si… le gouvernement et les députés s’arrêtaient de faire TOUT ce qu’ils font et consacraient leur énergie à une seule chose: Faire le ménage dans les lois et normes actuelles, avec comme objectif d’en diviser le nombre par deux et de rendre celles qui restent deux fois plus efficaces?
Et ce que les français ‘arrêteraient de vivre? Non bien sur, alors qu’est ce qu’on attend?
On peut se demander s’il s’arrêtaient et ne faisaient RIEN ce ne serait pas déjà un progrès !!!

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lecotre 28 juin 2024 - 4:38 pm

En parrallele de simplication administrative , il faut absolument diminuer le nombre de fonctionnaires qui nous coutent un argent fou. A quand le retour d’obtention de passeport , carte d’identite en delais raisonnables sans passer par le systeme fou actuel?.

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