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Réforme des retraites et primes des fonctionnaires :

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Monsieur Adrien Sénécat, à qui notre étude sur les surcoûts à attendre de la prochaine réforme des pensions de la fonction publique n’a visiblement pas plu, vient d’en publier le 15 novembre dernier une critique au vitriol dans la rubrique des décodeurs du « Monde ».

1. Il faut d’abord rappeler qu’avant de subir les foudres de monsieur Adrien Sénécat, cette étude a été reprise, illustrée et commentée pendant plus de deux jours sur plusieurs chaînes de télévision publiques ou privées par une bonne vingtaine de ses confrères spécialisés (dont plusieurs faisant référence) et que dans l’ordre expérimental où elle s’était volontairement placée avec l’indication claire des choix effectués, elle n’a pas fait l’objet de leur part de la moindre remise en question, ni par sa méthode, ni par ses chiffres.

2. Par ailleurs, la critique systématique et solitaire entreprise par monsieur Adrien Sénécat est uniquement négative et destructrice, puisque d’une part aucun chiffre ou presque ne résiste à l’examen et d’autre part Monsieur Sénécat s’abstient prudemment de fournir la moindre donnée. Car s’il prétend que notre étude est erronée de bout en bout, il se sent lui-même incapable de fournir les chiffres justes, les seuls pourtant qui nous intéressent. Sur ce plan son désarroi est tel qu’il nous annonce avoir été informé par le haut-commissaire aux retraites lui-même qu’il est encore beaucoup trop tôt pour dresser une esquisse chiffrée de la réforme, laquelle devrait n’être publiée qu’en 2020 (probablement après les élections municipales ?). Le problème est que, plus de deux ans après le lancement de la réforme, de plus en plus de Français commencent légitimement à s’impatienter de la chape de plomb que le pouvoir fait peser sur leur information en ayant l’impression que ce qu’on leur cache actuellement dépasse et de loin ce qu’on leur dit. C’est sans nul doute une des raisons pour lesquelles beaucoup d’entre eux comptent descendre dans la rue le 5 décembre prochain.

3. Revenons donc sur la méthode que nous avons choisie et pour laquelle nous avions indiqué avoir préféré utiliser les chiffres officiels d’aujourd’hui, plutôt que d’anticiper dans des conditions parfaitement hasardeuses des taux, dont nous ne savions même pas s’ils seraient ceux de demain. L’essentiel des reproches de monsieur Sénécat vient de ce choix qu’il déclare mauvais tout de go, sans pour autant daigner nous indiquer comment ses propres calculs lui permettraient de ramener d’un coup les taux patronaux publics actuels de 74,28% (fonction publique civile de l’État) et 126,07 % (fonction militaire publique du même) au taux-cible unique de la réforme de 16,87% (= 60% de la cotisation globale universelle de 28,12%) qu’il nous somme d’utiliser. Or pour l’année 2017, l’application de ce taux-cible au total des rémunérations cotisables (salaires+ 22% de primes, soit 55*1,22 = € 67 milliards) procure une recette d’à peine plus de € 11 milliards (puisque 67*16,87% = 11,30 milliards), là où actuellement plus de 40 milliards (40,672 exactement) sont nécessaires pour financer le reste à charge de l’État (PLF 2019: Rapport sur les rémunérations de la fonction publique, page 155) De même, Monsieur Sénécat nous assure que le nouveau calcul par point des pensions va susciter des économies substantielles, qu’il nous reproche – sans être pourtant lui-même capable de les évaluer, ni de les garantir – de ne pas avoir prises en compte ou réservées. Or c’est mal connaître l’IREF: nous ne moulinons jamais des calculs hypothétiques, tant que personne n’est capable de nous les expliquer ou de nous les justifier. Nous avons donc décidé et clairement annoncé que nous nous en tenions aux chiffres et taux actuels, dans une démarche dont nous avions expressément admis le caractère exploratoire, en citant en outre et en tant que de besoin plusieurs postes qui pourraient encore aggraver l’addition.

4. Le moins qu’on puisse dire, c’est donc qu’il règne aujourd’hui plus qu’un certain flou sur la suite du programme. N’oublions pas que, pour la fonction publique d’État, le slogan présidentiel « retraite égale à cotisation égale » butte toujours plus de 30 mois après sa formulation sur des cotisations patronales publiques qui sont plus de 4 à 7 fois supérieures à celles du secteur privé. Or présentement, personne, pas même monsieur Sénécat, n’explique comment surmonter cette contradiction. Et c’est précisément pour l’ensemble de ces raisons que nous avons refusé de nous engager sur des voies incertaines, non balisées et dont nul ne sait présentement où elles mènent. Ne sachant rien des baisses de pensions à attendre du passage au calcul par points, il nous a semblé normal de ne pas soustraire du coût de notre étude des moins-values pour l’instant purement conjecturelles. Ne sachant rien non plus du chemin de passage qui conduirait des taux actuels au futur taux-cible, nous nous sommes refusés à « bidouiller » ou à « inventer » des taux intermédiaires qui, de toute manière, auraient été immédiatement critiqués par Monsieur Sénécat. Et le seul tort des taux que nous avons utilisés – et qu’il critique tout autant- est en effet d’être ceux d’aujourd’hui, publiés et officiels, en indiquant clairement que nous laissions de côté et à toutes fins utiles quelques « poires pour la soif » comme le probable effet de contagion sur les rémunérations des autres corps de la revalorisation substantielle des salaires des enseignants, ou la prise en charge par l’État du supplément de cotisations salariales correspondant à l’intégration des primes dans les bases cotisables.

5. Par ailleurs, si comme notre contradicteur l’affirme en citant le cabinet du haut- commissaire, l’objectif de la réforme est bien de se faire à « masse constante », il est à craindre qu’à défaut d’une martingale encore secrète, le casse-tête du financement du reste à charge de l’État ne se résolve d’une manière ou d’une autre par une réduction drastique ou par un gel fort prolongé des pensions en cours, ce qui expliquerait la durée du silence-radio actuel.

6. En outre, le Conseil d’orientation des retraites vient de mettre en ligne son dernier rapport, dans lequel il conclut jusqu’à 2025 à une insuffisance de financement des retraites actuelles de 8 à 17 milliards d’euros, en aggravant quelque peu son précédent diagnostic en juin dernier d’un système plus proche de l’équilibre. Or pour l’hypothèse haute de 17 milliards, le COR ne se cache pas d’avoir utilisé à titre exploratoire pour la fonction publique d’État les taux implicites civils de 74,28% et militaires de 126,07%,

« C’est pourquoi, afin d’éclairer au mieux le débat, le COR fait le choix de présenter les ressources et le solde du système de retraite selon trois conventions comptables concernant le régime de la fonction publique de l’État et les autres régimes spéciaux : la convention TCC (pour taux de cotisation constant, ex-convention COR), où les taux de cotisation implicites de l’État en tant qu’employeur et les taux de subvention des régimes spéciaux sont figés à leur dernier niveau constaté (ici 2018)… (Page 7 du rapport)

ceux-là mêmes que nous avions retenus et qui ont déclenché l’indignation de notre censeur. Pourtant, au moment de la signature de cette réponse et alors que ce choix du COR était connu depuis plusieurs jours, nous n’avons pas encore vu s’afficher dans la rubrique favorite de monsieur Sénécat un bandeau vengeur dénonçant « les calculs trompeurs d’un rapport du COR » sur l’équilibre des retraites, ce qui nous amène à nous demander si ce qui intéresse prioritairement notre contradicteur, c’est la recherche exigeante de la vérité ou le lynchage médiatique d’un article qui lui déplaît.

Pour conclure, tous nos lecteurs savent qu’ils peuvent librement critiquer nos articles dans nos colonnes et que nous nous efforçons dans des délais raisonnables de répondre aussi précisément et honnêtement que possible à leurs objections, comme de satisfaire à leurs demandes de précisions. Il reste qu’en dépit de son inspiration « libérale » et bien que sa rédaction ne comporte pas de décodeurs émérites, l’IREF a toujours développé suffisamment de sens critique vis-à-vis de ses propres études pour pouvoir les défendre sérieusement et pied à pied quand elles sont injustement attaquées.

Thierry BENNE
Docteur en droit – INTEC
Diplômé d’Expertise-comptable

Nous estimons enfin ne pas avoir abusé de notre droit de réponse dans nos propres colonnes, en ayant utilisé en tout à peine plus de 7 000 caractères pour répondre à une mise en cause qui n’en comportait pas moins de 8 197.

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1 commenter

phiphiar64 26 novembre 2019 - 1:22

Le Monde est devenu un torchon du niveau des tabloids anglais…
Tout est dit dans le titre : il suffit de comparer les unes toujours "classe" et objectives du Monde d'il y a 30 ans avec les unes type "chiens écrasés" aussi racoleuses que sectaires, spécialement contre la droite et l'extrême droite, du PQ d'aujourd'hui !

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