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Réforme des retraites :

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En ces temps de pandémie, l’actualité médiatique est évidemment accaparée par la progression plus ou moins rapide du virus et par des discussions et des débats à perte de vue sur la pertinence des moyens mis en œuvre, alors que les scientifiques eux-mêmes étalent devant le peuple ébahi des divisions qui ne tiennent pas toutes à l’art médical. Or il s’agit, dans un premier temps, de maîtriser l’expansion de cette pandémie qui n’est plus la « grippette » annoncée, avant de parvenir à faire changer de camp le confinement en l’appliquant de plus en plus au virus et de moins en moins à la population. Pourtant la Terre continue à tourner et, même si trop de retraités tant en EHPAD qu’à l’hôpital ou en ville ont déjà payé et continuent à payer un tribut extrêmement lourd à la pandémie, ceux qui ont eu la chance d’échapper au mal ou d’en guérir auront peut-être porté attention à de récentes annonces officielles. Elles ont laissé dans un premier temps entrevoir une suspension de la réforme des retraites en cours, avant dans un second temps de ne plus exclure sous condition son abandon pur et simple.

Certes le pouvoir avait laissé courir la fable selon laquelle la future réforme ne concernait en rien les retraités actuels. Mais pour ne citer qu’un seul exemple, alors que les retraités avaient réussi à arracher ici ou là un ou deux postes d’administrateur dans les Caisses de retraite les plus accueillantes, la réforme les chassait sans exception du Conseil d’Administration de la future CNRU. Les futurs retraités comme les retraités actuels peuvent donc légitimement se demander ce qu’il va advenir d’une réforme, qui avait réussi à enchaîner les grèves et les manifestations, tant elle avait été mal préparée, tant elle s’avérait confuse, injuste et coûteuse. Arrachée à la hussarde en première lecture par la mise en oeuvre de l’article 49-3 de la Constitution, elle avait été transmise pour examen le 8 mars au Sénat, avant que les mesures d’exception décidées en urgence huit jours plus tard ne provoquent de fait sa suspension. La question est désormais de savoir quel est le devenir d’une réforme présentée comme emblématique du quinquennat macronien.

Dès son allocution du 16 mars, le Président de la République avait déjà indiqué que les réformes en cours se trouvaient immédiatement suspendues, les priorités du pays se situant désormais ailleurs. Pourtant, on pouvait alors s’interroger sur l’issue de cet atermoiement en se demandant s’il pencherait du côté du report ou de l’abandon. Pressé par l’opposition, Gilles Le Gendre, le chef du groupe majoritaire à l’Assemblée Nationale, confirmait dans un entretien au JDD du 12 avril – sans que cette annonce ne fasse jusqu’à ce jour l’objet d’aucun « recadrage » – que c’était bien l’avenir même de la réforme qui se trouvait désormais en question. En effet sa poursuite serait désormais subordonnée à la condition qu’elle ne menace pas « le pacte républicain », dont la Nation a absolument besoin pour affronter tous les problèmes sanitaires, économiques et financiers de l’après-virus. Autant dire,
– quand on a vu la foire d’empoigne à laquelle ont donné lieu les derniers affrontements à l’Assemblée Nationale,
– quand on a observé les oppositions frontales, qui ont mobilisé vent debout l’ensemble des professions libérales,
– quand on a suivi les réactions qui ont ponctué la mise en jeu de l’article 49-3,
que le début de discussion de la réforme n’a pas laissé que des bons souvenirs à une opposition systématiquement écartée de tout véritable débat et à des syndicats déchirés par leurs divisions. Dans ces conditions et sauf profond remaniement d’un projet confus, mal ficelé, financièrement évasif et qui a réussi à devenir en quelques mois le plus grand diviseur commun de tous les Français, on ne voit vraiment pas comment l’Exécutif pourrait s’y prendre pour transformer brusquement cette réforme si conflictuelle en réforme consensuelle. Il est donc fort peu probable que la condition d’unité nationale mise à la poursuite de la réforme ne soit jamais satisfaite. Alors surtout que les sujets de division et d’affrontement ne manqueront pas, lorsqu’après avoir clos la période où l’on rase gratis (indemnités, primes, subventions, prêts etc.), on en viendra à se soucier du financement définitif de toutes ces mesures et de leur répercussion sur le pouvoir d’achat des Français dans une économie durablement en pleine récession.

On nous a aussi savamment expliqué qu’il fallait savoir dans les temps de crise renoncer aux projets conçus pour des périodes plus sereines. On s’aperçoit bien que cet abandon des projets de loi en cours pour cause de pandémie fournirait au pouvoir une porte de sortie honorable pour une réforme qu’il a fort mal engagée et qui, même menée à terme, risquerait au final d’encourir sur plusieurs points les foudres du Conseil constitutionnel, tant le principe d’égalité et quelques autres s’y trouvent souvent mis à mal. Le Président gagnerait sans doute à ce renoncement une fin de mandat plus sereine, en évitant qu’une sorte de fronde « têtue » ne vienne durablement perturber dans la rue et ailleurs la remise au travail et la relance du pays. Ce n’est pas pour autant qu’on ne puisse sauver en les détachant de la réforme les quelques innovations qui ont séduit les Français : notamment le minimum de pension pour tous, l’unification par le haut des conditions de la réversion et une définition plus objective et plus réaliste de la pénibilité pour qu’elle couvre tous les métiers vraiment pénibles et non pas ceux seuls que les partenaires sociaux ont décidé de mettre en avant. Ces quelques améliorations relativement peu coûteuses gommeraient quelque peu le sentiment d’échec dû à l’abandon du projet initial, tout en montrant aux Français qu’on a su tenir compte des quelques rares mesures qu’ils avaient quasiment plébiscitées.

Ensuite, bien plus tard, une fois les équilibres fondamentaux rétablis, il sera sans doute possible de remettre l’ouvrage sur le métier :
– mais en partant d’une véritable concertation ouvrant la voie à de vraies négociations,
– en évitant soigneusement toute provocation et tout passage en force,
– en conduisant à temps une étude d’impact plurielle, préalable et sérieuse,
– en segmentant la réforme entre les 5 grands régimes existants (fonctions publiques civiles, fonction publique militaire, autres régimes publics subventionnés, salariés de droit privé et indépendants),
– et en organisant et en imposant à chacun des trois régimes publics (promus juridiquement et comptablement autonomes) le retour progressif à l’équilibre à une échéance raisonnable,
– et surtout en intégrant progressivement la capitalisation dans le système pour le rendre plus juste, plus pérenne et plus contributif pour les retraités.

bref en s’y prenant de manière radicalement opposée à la méthode sournoise et autoritaire qui a été privilégiée et dont on a vu 30 mois après qu’elle menait droit à l’échec. Nous ne manquerons pas de revenir sur ce sujet, parce que nous savons que, par-delà la pandémie, notre système de retraite ne pourra longtemps encore demeurer en l’état, quand tous ses régimes publics ne cessent de solliciter de plus en plus un contribuable au bord de l’asphyxie et qui n’en peut mais.

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