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Réforme de l’État : le discours remarquable mais inconséquent de François Bayrou

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réforme de l'état
François Bayrou se présente comme l’un des rares hommes politiques français qui aient compris la méthode pour réformer l’État. Quel dommage qu’il n’aille pas au bout de sa logique !

L‘interview de François Bayrou sur France Inter le 16 mars dans l’émission « Questions politiques » n’a pas été évaluée à sa juste mesure. Les journalistes qui l’ont interrogé n’ont manifestement pas compris la portée de ses propos les plus importants. Quant aux réactions en ligne immédiates dans la presse, elles sont passées à côté de l’essentiel en titrant tous « François Bayrou dit  “non” à la retraite à 62 ans » (Le Figaro, Le Monde, Le Nouvel Obs, Le Parisien, Ouest France, 16 mars 2025).

Une position de plus en plus claire et affirmée sur la réforme de l’État

Cet entretien a largement porté sur la réforme de l’État. Les auditeurs qui suivent attentivement les propos du Premier ministre n’ont pas été surpris par sa teneur. Certes, la déclaration de politique générale du 14 janvier comportait des phrases sibyllines qui pouvaient faire croire à de la pusillanimité : « Il nous faut repenser tous nos budgets, à partir non pas de ce qui se faisait l’année précédente, augmenté d’un pourcentage d’inflation, mais de ce qu’exige le service ou l’action à reconduire. Ces budgets redéfinis, repensés, je demanderai à tous les ministres de les préparer dès le printemps ».

François Bayrou a été autrement plus clair, le28 février, dans le Figaro : « Dans les trois mois qui viennent, pour préparer le prochain budget, nous allons partir des missions de l’État, les énoncer en termes compréhensibles par les Français et les évaluer. Nous allons nous demander si c’est bien à l’Etat de remplir ces missions et si l’allocation des moyens est bonne. »

La méthode Bayrou

 Ces propos démontrent que le Premier ministre a parfaitement saisi la méthode à appliquer pour réformer l’État. Egratignant au passage Elon Musk, qui « fait le contraire de ce qu’il faut faire. On ne peut guérir une plaie avec une tronçonneuse », il a surtout contredit sans les citer les prétendus réformistes de droite qui lancent depuis des années de grands mots dans le vague ou qui s’en tiennent au concours Lépine de celui qui supprimera le plus de postes de fonctionnaires. Or, le préalable est de déterminer le périmètre de l’État. De deux choses l’une : soit l’Etat doit intervenir, et dès lors, pour paraphraser Benjamin Constant, il doit être fort ; soit l’État ne doit pas intervenir et dès lors il doit se retirer.

On doit également apporter une double précision. D’abord, lorsque l’on allègue que l’État n’intervient pas, le terme doit être compris au sens large en incluant les collectivités locales. Autrement dit, il laisse la place à la société civile. Ensuite, lorsque l’on dit que l’État intervient, le terme doit au contraire être entendu au sens large et l’État central doit laisser jouer de la manière la plus ample possible la subsidiarité, en commençant par l’échelon communal.

La méthode de François Bayrou s’oppose ainsi directement aux propos confus tenus par Valérie Pécresse (Le Nouvel Obs, 13 mars 2025) selon lesquels l’État doit se recentrer sur ses missions essentielles, entendues hélas de manière large, et « décentraliser le reste » ou « déléguer au secteur privé », ce qui n’est pas la même chose !

Les résolutions conséquentes de François Bayrou…

Lors de son passage sur France Inter, François Bayrou a donné un certain nombre d’informations. Celle-ci, entre autres : « J’ai convoqué tous les ministres et tous les directeurs d’administration centrale il y a trois semaines en leur disant : vous allez me faire la liste précise de toutes les missions que votre administration remplit et on va se poser deux questions : est-ce que les résultats sont à la hauteur ? Est-ce que c’est bien à l’État de faire ce que vous faites ? J’ai reçu la semaine dernière la totalité de ces missions. Je vais les partager avec les commissions parlementaires et je vais les mettre en ligne ».

Nous pouvons imaginer à quel point la demande du Premier ministre a dû déconcerter, pour ne pas dire effrayer, certains membres du gouvernement et certains bureaucrates. François Bayrou a donc confirmé que le préalable à toute réforme était de mettre sur la table la question du périmètre de l’Etat. De tels propos nous rappellent ceux qu’Alain Madelin a tenus en ce sens il y a des années, selon lesquels François Bayrou est un libéral qui s’ignore, même s’il n’est pas certain qu’il le prenne pour un compliment…

… et ses inconséquences

Malheureusement, notre éloge du Premier ministre doit s’arrêter là. François Bayrou a ensuite affirmé sur France Inter : « Le modèle social, j’y suis profondément attaché », tout en faisant de Jacques Delors l’un de ses « modèles de référence », de manière bien inquiétante. Voulant se distinguer expressément d’Edouard Philippe, il a magnifié la « démocratie sociale » et fait de la « question du travail » la question centrale, laquelle devait être dénouée « avec les partenaires sociaux »… c’est-à-dire avec les principaux enrailleurs des réformes !

Pas de surprise là encore puisque François Bayrou se répète dans les mêmes termes depuis longtemps, on l’a aussi entendu lors de son discours de politique générale en janvier. Le 6 mars, il a profité de la passation pouvoir à Clément Beaune en tant que haut-commissaire au plan pour déclarer que si la « priorité » budgétaire était donnée à la défense, ce serait « sans rien abandonner du modèle social qui fait partie de l’identité française ».

Comment peut-on, d’une part, vouloir réformer profondément l’État au regard de ses déficits abyssaux et, d’autre part, conserver le « modèle social français » qui est directement à l’origine de nos difficultés ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Encore un effort, Monsieur le Premier ministre !

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