Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

anglais
Accueil » Quand l’IREF débat avec l’économiste de Mélenchon

Quand l’IREF débat avec l’économiste de Mélenchon

par
142 vues

Face à une tête pensante de la France insoumise, la discussion fut vive le 28 mars dernier sur Sud Radio. Invité par Philippe David et en présence de Robert Lafont, j’ai eu l’opportunité de représenter l’IREF pour débattre avec Liêm Hoang-Ngoc, rédacteur du programme économique de Jean-Luc Mélenchon. « Payons-nous trop d’impôts en France ? » était la question du jour. Au-delà des arguments avancés qui ne font pas l’économie de plusieurs contradictions, ce débat a révélé l’animosité jamais désarmée envers les riches qui anime ce parti d’extrême gauche.

Les actionnaires sont des rentiers, mais cette rente est trop risquée pour le retraité moyen

Les arguments avancés par Liêm Hoag-Ngoc tout au long de l’émission peuvent être ventilés en deux catégories. D’une part, le constat de la « domination » des riches actionnaires :

– Plus on est riche, moins on payerait d’impôts. Tous impôts confondus, le taux d’imposition des 1 % les plus riches est plus faible que celui de la classe moyenne. Notez ici l’abus de langage démagogique bien utile : en absolu, les riches paient toujours plus, même avec la proportionnalité d’une flat tax.
– Les actionnaires et les grandes fortunes françaises sont des rentiers. Ils placeraient l’argent en bourse sans créer d’emploi et se verseraient des dividendes considérables pour leur seul profit, sans que l’entreprise puisse les réinvestir.
– Si l’éducation était privatisée ou si le monopole de l’assurance santé était mis en concurrence, on « confierait » les rênes de l’économie aux actionnaires ou aux fonds de pension américains.

D’autre part, il rappelle la prétendue excellence des services publics français face aux risques de l’économie de marché :

– Avec son assurance santé monopolistique et son système de retraite par répartition forcée, l’État providence français serait un choix de société. Il est donc normal que l’on paye plus d’impôts que la moyenne pour financer cette décision collective.
– La dette publique ne serait pas plus problématique que la dette privée. Elle serait même nécessaire pour financer nos services publics.
– Les fonds de pension américains démontreraient que le système de retraite par capitalisation est trop risqué. On jouerait notre retraite en bourse et nos pensions seraient à la merci d’une crise financière ou d’une faillite. Il faudrait donc continuer à forcer les Français à financer le système par répartition, moins risqué.

Nous n’allons pas chercher à contredire tous ces arguments dans cet article (vous pouvez voir mes réponses en visionnant l’émission), mais tenter de montrer leur incohérence. Admettons un instant que le leader intellectuel de la France insoumise ait raison et adoptons sa grille de lecture : les actionnaires sont des rentiers et l’ensemble de l’économie est à leur service.

Liêm Hoang-Ngoc considère que les grandes fortunes vivent de la rente. Pourquoi alors refuser que le retraité moyen bénéficie d’une telle rente pour ses pensions ? Il répond alors qu’on « joue notre retraite en bourse […] s’il y a un krach boursier ça se casse la figure ». Sachant mieux que nous quels risques nous sommes prêts à accepter pour financer nos vieux jours, il milite donc pour le maintien de l’obligation de la retraite par répartition.

On peut ici déceler une incohérence intellectuelle dans le raisonnement de Liêm Hoang-Ngoc. Alors que les actionnaires vivent très bien de la rente, cette dernière serait pourtant trop risquée pour le retraité moyen. Les pays qui offrent les pensions les plus généreuses pour l’ensemble de leur population ont tous introduit une part de capitalisation. N’oublions pas que la répartition à la française constitue un véritable système de Ponzi insoutenable sur le long terme.

Ce n’est pas la seule incohérence. Au cours de l’émission, Liêm Hoang-Ngoc dénonce aussi l’importance des fonds de pension américains dans l’économie française. Au-delà de la xénophobie de l’argument, il reconnaît que les Français n’ont pas suffisamment d’épargne à offrir aux entreprises hexagonales vu que leurs retraites ne sont pas capitalisées.

Des incohérences argumentatives qui cachent un sentiment profondément envieux

Liêm Hoang-Ngoc approuve pourtant les vertus de l’économie de marché et de l’entreprise privée. Il propose de baisser l’impôt sur les sociétés pour les PME. Il semble donc convaincu que l’impôt affecte négativement les performances d’une entreprise en termes de création de valeur et d’emploi. Pourtant, il veut à tout prix taxer les dividendes des grandes entreprises et des rentiers.

Sur le long terne, l’expérience montre que l’investissement en actions est un des plus profitables par rapport aux autres formes de spéculation (pierre, terre, or, obligations …). Certaines grandes familles françaises héritent depuis plusieurs générations de fortunes. L’économiste de Jean-Luc Mélenchon aurait pu se demander pourquoi les premières fortunes sont si peu concurrencées. Pourquoi de nouveaux poids lourds ne voient-ils pas le jour en France? Il aurait pu dénoncer le capitalisme de connivence entre les grandes entreprises et les ministères publics. Il aurait pu aussi s’interroger sur les conséquences de la politique monétaire de la BCE ou de la dette publique dans la redistribution qui profite parfois aux plus fortunés.

Mais pour lui l’actionnaire est un rentier. Or la rente incarne le mal. Elle ne devrait pas être permise pour les retraités. Le profit personnel est érigé comme vice absolu que seule la taxe peut contrer. En adoptant une matrice économique incohérente sur de nombreux points, l’argumentation de Liêm Hoang-Ngoc traduit un discours particulièrement envieux et jaloux vis-à-vis de ceux qui cherchent à réussir ou à s’enrichir.

Plutôt que de considérer que les réussites individuelles servent la société en permettant de mettre sur le marché toujours plus de biens et de services abordables, Liêm Hoang-Ngoc prône l’accaparement des fruits du capital et du travail d’autrui. Plutôt que de faire profiter les retraités de cette rente par la capitalisation, l’idéologue de la France insoumise distille la haine de la réussite et du profit. Une stratégie du ressentiment qui n’a rien à envier, sur la méthode, à un autre extrême qui fait de l’immigré un bouc émissaire idéal.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

3 commentaires

John Sheppard 9 avril 2018 - 3:47

Solidarité ou égoïsme des générations ?
Dans l'opposition entre retraite par répartition et retraite par capitalisation, vous retenez essentiellement la dimension économique, alors que la question est d'ordre moral : solidarité entre générations ou individualisme égoïste de chaque génération ?
La plus grande efficacité alléguée de l'investissement dans le capital des entreprises n'est que vraie que globalement, alors qu'à l'échelle de tel ou tel fond de pension, c'est le règne du risque, du placement douteux et parfois la faillite. S'il n'existe pas de solidarité, les retraités qui ont perdu tout leur investissement sont-ils alors condamnés à la misère ?

Répondre
Laurent Pahpy 9 avril 2018 - 11:15

Monsieur,

Rien ne vous obligerait à faire uniquement de la capitalisation. Vous pourriez diversifier votre portefeuille (répartition + capitalisation, comme en Australie ou aux Pays Bas). Vous n'êtes pas non plus obligé de mettre tous vos oeufs dans le même panier et vous pourriez investir dans différents fonds de pension, pierre, terre, gestion passive …
Rien n'empêche non plus d'assurer les risques de sa spéculation ni d'imaginer des mécanismes de solidarité ou de charité pour les plus démunis.

Aujourd'hui, vous n'avez tout simplement pas le choix, c'est ce que nous critiquons.

Enfin, le mécanisme de retraites actuel n'est pas viable à long terme, c'est un système de Ponzi. Ce n'est pas être solidaire que de continuer à forcer les jeunes générations de financer un système qui ne leur offrira pas de retraite.

Cordialement,
Laurent Pahpy

Répondre
goufio 8 mai 2018 - 8:36

Ce qui me consterne dans cet argumentaire répartition/capitalisation c'est la méconnaissance du risque. Toutes les universités et grandes écoles apprennent dans la spécialisation finance à leurs étudiants la fonction temps/risque où celui-ci est inversement proportionnel au temps couru, donc le risque diminue avec le temps et tend vers zéro sur un espace temps d'une vingtaine d'années ce qui n'exclut, bien entendu, pas la variation annuelle.Le risque est toujours présenté comme une perte alors que M Warren Buffet qui est tout le contraire d'un spéculateur a superbement démontré que l'achat-conservation dans le temps était générateur d'enrichissement. C'est la potion que je me suis administré pendant 40 années de travail et ça marche, même si je n'ai pas atteint les sommet de M Buffet. Mes dividendes sont certes variables mais sont considérablement plus élevés que ma retraite par répartition, le problème en France est la taxation en tranche marginale (qui pouvait atteindre 45 % plus la THR de 4%) et 15,50 % de prélèvements sociaux jusqu'en 2017. Qu'en on parle de rente qui l'a touche l'Etat à travers les taxations du dividendes (et aussi du capital ISF et DMTG) jusqu'à 64,50 % s'en prendre aucun risque sur le capital et s'en avoir participé à sa constitution, mais s'est toujours rappelé par la taxe sur les plus-values, l'ISF et les DMTG en plus de l'imposition des dividendes ou celui qui a pris le risque ? C'est non seulement un scandale, mais un vol manifeste et de mise en esclavage des administrés qui contribuent et des "pauvres" qui ne peuvent même pas penser s'en sortir

Répondre