Le nouveau ministre du Logement affirme avec raison qu’un « choc d’offre » est nécessaire pour enrayer la crise. Mais les premières mesures annoncées sont anecdotiques. Au sein de ce gouvernement, pourra-t-il aller plus loin ?
Le ministre délégué au logement, Guillaume Kasbarian, a été qualifié de « Thatcher du logement » par notre presse. C’est assez mauvais signe, le logement étant un des deux domaines clé, avec la santé, où la dame de fer n’a pas pu faire tomber les dogmes ultra-étatistes en vigueur outre-Manche. Cependant, les premières déclarations du ministre semblaient aller dans la bonne direction : après tout, ne déclarait-il pas à qui voulait l’entendre qu’il fallait « un choc d’offre », que produire des logements devait être rendu plus simple ?
Et de fait, quelques simplifications ont été annoncées. Si la bureaucratie ministérielle ne les torpille pas, elles seront bienvenues pour les porteurs de projets immobiliers.
Las, les bonnes nouvelles s’arrêtent là et ces mesures n’auront qu’un effet cosmétique sur l’offre totale de logements.
De très petits pas, donc, et puis s’en vont…
D’autres annonces du ministre montrent qu’il reste prisonnier d’un logiciel intellectuel étatiste. Ainsi de la signature d’accords avec la Caisse des dépôts et certains assureurs pour investir 400 M€ (environ 2000 logements) dans le « logement intermédiaire », qui est un logement social « pour classes moyennes ». Voilà pour le « choc d’offre ».
En même temps, il s’engage à donner aux élus locaux de nouveaux outils pour leur permettre de « réguler la location touristique », comme si des coups de bâton supplémentaires pouvaient inciter les propriétaires concernés à revenir sur le marché de la location classique. Il a également annoncé le maintien des aides à la rénovation (dans un dispositif « simplifié », promis), qui ont surtout pour effet d’augmenter les prix des travaux. On cherche en vain toute inspiration thatchérienne dans cette feuille de route.
Sans douter a priori de la bonne volonté du ministre, il est permis de s’interroger sur la liberté qui pourrait lui être laissée, ou pas, d’aller beaucoup plus loin. En effet, tout à son délire « je lave plus vert que les verts », le président Macron a considérablement renforcé le malthusianisme foncier dans notre législation avec la loi climat et résilience, introduisant le concept de ZAN, ou zéro artificialisation nette, dont l’IREF a montré la nocivité.
Attaquer la racine foncière du mal : mission impossible ?
La loi ZAN, en plafonnant toujours plus fortement la disponibilité du foncier constructible pour les 25 prochaines années, va accroître la compétition entre logement, activité économique et équipements publics, pour accaparer les mètres carrés, de plus en plus rares, nécessaires à la modernisation et à l’agrandissement des différents parcs concernés. On peut prévoir que seuls les gros acteurs et les établissements publics fonciers, dotés de privilèges législatifs, parviendront à survivre. Les petits acteurs de la construction seront inévitablement éjectés.
Déjà , les organisations économiques (CCI, Medef) et de nombreux maires se rendent compte que la ZAN va entraver simultanément la construction de logements et le développement économique. Le député de Haute-Garonne JF Portarrieu, qui en est pourtant un grand promoteur, constate qu’Airbus risque de ne pas pouvoir agrandir ses lignes de production, alors que son carnet de commandes explose. Mais au lieu d’avouer que cette loi était peut-être une erreur, il demande simplement que des exceptions soient aménagées pour certaines industries stratégiques. Au lieu de la réformer, il propose un bricolage qui ne bénéficiera qu’à quelques mastodontes. Tellement français !
En France, le paradigme législatif prévalant depuis les années 70 est qu’un terrain soit par défaut inconstructible, et qu’un permis de construire ne puisse s’obtenir que par un processus politique, lequel est encadré par des lois de plus en plus restrictives. l’IREF a montré dans un rapport de 2021 (pré-loi ZAN, donc) que cela avait contribué à multiplier par 6 (en moyenne et hors inflation) le prix des terrains dans les zones à forte demande durant la décennie 2000-2010. La loi ZAN accroissant cette pression inflationniste, les toilettages normatifs annoncés par M. Kasbarian, s’ils ne feront pas de mal, n’auront aucun poids économique face au rouleau compresseur de l’inflation foncière.
M. Kasbarian n’ignore sans doute pas qu’on ne résoudra jamais la crise du logement sans remettre en cause les verrouillages législatifs actuels du foncier constructible. Mais au sein de ce gouvernement, aura-t-il la possibilité de s’y attaquer ? Et en aura-t-il seulement l’envie ?
2 commentaires
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Christian B.
l’Etat est en faillite, seul des acteurs privés pourront construire les logements nécessaires. Mais pour attirer les investisseurs privés, ils faut revoir la fiscalité de l’immobilier (taxe foncières, IFI, droits de succession), revoir les droits phénoménaux des mauvais locataires, avec des expulsions plus rapides, voir immédiate…..bref, comme cela n’arrivera pas, pas prêt de revoir des investisseurs dans l’immobilier, et donc pas de nouveaux logements et donc pas de baisse des loyers….pathétique