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Liberté pour les retraites !

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Dans le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, on lit que le régime de retraite par répartition va rester déficitaire jusqu’en 2040, au lieu de 2025 comme cela était prévu auparavant. La réaction de chacun est immédiate : que va-t-il se passer ? Elle est justifiée : c’est très inquiétant ! Mais cela montre aussi qu’on ne peut accorder aucune confiance aux prévisions des économistes, pas plus qu’aux promesses électorales. La conclusion, c’est que confier à des économistes et à des politiques la responsabilité de nos retraites relève de l’aveuglement.

De nombreux articles sur les retraites ont été publiés sur les sites libéraux, en particulier Contrepoints et l’IREF. Deux tendances s’opposent :

• La première, défendue par Jacques Garello, est favorable au passage à un régime par capitalisation. Les capitaux investis dans des fonds de pension ou des contrats d’assurance-vie produisent des dividendes réinvestis pendant la période d’activité, et servent à financer une pension pendant la retraite. Ce régime existe déjà en France (Préfon pour les fonctionnaires, PERP et Madelin pour les salariés et les professions libérales), mais il est très réglementé et son importance est réduite. Des pays comme le Chili l’ont mis en place il y a quelques années, avec succès.
• La seconde est proposée par Jacques Bichot. Il considère, avec Bourgeois-Pichat, qu’un régime unique par capitalisation est impossible : le montant considérable des capitaux qu’il nécessiterait empêcherait leur absorption par les marchés. Il propose d’attribuer des droits à pension sous forme de points, comme cela existe déjà dans les régimes complémentaires (AGIRC, ARRCO), et dans de nombreux pays de l’Union européenne. Son argumentation est fondée sur la solidarité intergénérationnelle, les générations d’actifs remboursant en quelque sorte les retraités de leurs investissements pendant leur période d’activité.

Il faut savoir que les conclusions de Bourgeois-Pichat sont contestées par d’autres économistes. L’avantage de la capitalisation est de dynamiser les investissements français, de rétablir un actionnariat français dans les entreprises françaises en particulier celles du CAC40, souvent propriétés de fonds de pension étrangers. Le risque financier existe : le fonds de pension Préfon, réservé aux fonctionnaires, qui prévoit des niveaux de rente garantis à vie, a dû faire appel en 2010 à des compagnies d’assurances (CNP, Axa, Groupama, Allianz) pour faire face à ses difficultés financières.

Dans le projet de Jacques Bichot, le régime reste celui de la répartition : les cotisations versées par les actifs financent les retraites calculées en fonction des cotisations versées et ouvrent des droits sous forme d’attribution de points. La valeur du point est fixée de façon que la somme des cotisations soit égale à la somme des retraites, pour garantir l’équilibre budgétaire du système. L’inconvénient est la baisse éventuelle de la valeur du point et donc des retraites. Cela s’est produit en 2010 en Suède, où les retraites ont diminué de 3%.

Quel que soit le régime de retraite mis en place, il y a un fait incontournable : tout régime de retraite est un prélèvement sur les richesses produites par les actifs, et les difficultés de financement viennent de la croissance exponentielle du nombre de retraités.

Les réformes envisagées ne peuvent régler ce problème d’ordre démographique. Les améliorations qu’elles apportent cherchent en fait à augmenter la production par l’investissement dans le secteur productif (Garello) ou en capital humain (Bichot) pour augmenter les richesses à partager, mais ne donnent aucune règle de partage. Cette règle est actuellement fixée par le pouvoir politique en place, en fonction de la conjoncture économique et sociale et des prévisions démographiques, mais aussi des intérêts politiques et syndicaux et donc d’une idéologie.

Le problème n’a donc pas de solution objective. En fait, c’est le problème qu’il faut supprimer. D’ailleurs, pourquoi le système de retraite est-il collectif ? Parce que, comme pour tous les autres systèmes sociaux, le caractère collectif donne un immense pouvoir à ceux qui sont chargés de définir les conditions d’attribution et de répartir les droits. Pour un keynésien comme Amarouche (Vers une économie patrimoniale des retraites ?, Hermann, 2015) l’existence d’un régime de retraite soutient la demande et par suite l’activité. Pour tous les responsables politiques, il est très tentant de fiscaliser à outrance l’épargne constituée : par exemple, les souscripteurs d’un PERP paient deux fois (sans le savoir) les prélèvements sociaux sur le capital investi !

Les enjeux financiers et sociaux, les intérêts politiques et syndicaux sont trop importants en France pour que le partage des richesses entre actifs et retraités soit exempt de conflit. C’est ce que l’on constate actuellement : les revendications catégorielles se multiplient sous le prétexte du principe d’égalité réelle, et les conflits naissent du fait que tout avantage sur la retraite accordé à une catégorie qui se considère défavorisée, est financé en désavantageant les autres ou en augmentant les cotisations des actifs. Un dialogue aboutit difficilement à un accord dans ces conditions-là, et encore plus lorsque les richesses à partager se réduisent.

Ces conflits donnent aux pouvoirs en place l’occasion de soutenir les revendications des uns ou des autres, suivant leur orientation idéologique, d’affirmer qu’ils défendent les intérêts de leurs électeurs et en fin de compte de maintenir leur pouvoir. Pourtant, ce n’est pas par la lutte sociale que les conditions de vie des Français se sont améliorées, mais par le progrès économique, scientifique, technique et médical. Ce n’est pas le Front populaire qui a donné les congés payés, puisqu’ils existent dans tous les pays occidentaux, ce n’est pas Giscard d’Estaing qui a informatisé la société, c’est le progrès technologique. Mais c’est François Mitterrand qui a avancé l’âge de la retraite à 60 ans en 1981, faisant preuve lui aussi d’irresponsabilité. Nous en subissons encore les conséquences pourtant prévues de longue date par les démographes Babeau et Sauvy. Il faut priver les responsables de ce pouvoir d’intervenir dans la vie des gens.

Pourquoi ne pas laisser chacun préparer sa retraite lui-même, suivant ses propres choix ? Pourquoi fixer l’âge de sa retraite, sa cotisation en fonction de ses revenus ? C’est indispensable dans un régime collectif, mais ces contraintes n’existent pas si c’est l’individu lui-même qui prépare sa retraite, fixe le montant de ses cotisations, sélectionne les investissements : cela revient à passer d’un système collectif privant l’individu de sa responsabilité à un système libéral laissant chacun assumer les conséquences de ses choix. Naturellement, un encadrement doit être prévu pour l’aider dans ses choix, mais sous forme de conseil, pas d’obligation.

L’avantage de ce système libéral est son adaptation aux circonstances tout au long de la vie : c’est le contraire d’un système collectif dont la moindre réforme suscite des contestations parfois violentes. Cela passe par la création d’un compte personnel retraite regroupant les investissements réalisés dans le but exprès de préparer la retraite, et bénéficiant de mesures fiscales avantageuses.

La solidarité, ce n’est pas un système fusionnel, c’est un système de retraite minimale obligatoire pour tous, destiné aux malchanceux, aux faibles, aux personnes dépendantes…, et la liberté c’est une retraite préparée par l’individu, suivant sa situation personnelle et familiale, sa santé, ses choix de vie. On peut imaginer une retraite par point pour le régime minimal obligatoire, et un système libéral pour les retraites complémentaires.

Une telle libéralisation est une perte de pouvoir pour les responsables politiques et syndicaux, et c’est peut-être là la difficulté principale pour la mettre en œuvre.

Thierry Foucart est l’auteur de l’essai Un projet social-libéral pour la France (Libréchange, 2017). Un chapitre entier y est consacré à la retraite.

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2 commentaires

Septime 18 juillet 2017 - 5:42 pm

Démocratie ou « démocrature » ?
En matière de retraites et autres couvertures sociales, il demeure surprenant, voire suspect, qu’hormis une limite de base naturellement due à la solidarité nationale, que le principal ne soit pas soumis à la concurrence.
Et, qu’en outre, alors que Bruxelles abrogeait le monopole de la sécurité sociale en 1992, cette dernière persiste à traquer en hérésie toute dissidence en complicité de gouvernements ne visant qu’à promulguer des augmentations de CSG qu’ils qualifient désormais « impôts ».
Le constat est que ces minorités qui dirigent le pays ont peur de la liberté.

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Dufournet 19 juillet 2017 - 7:55 pm

perspectives des retraites
Parfaitement d'accord avec votre diagnostic et votre conclusion: la collectivisation des retraites est un moyen d'exercer les pouvoirs discrétionnaires à des buts de démagogie électorale des politiques de droite comme de gauche. Pire,le conseil d'administration des caisses de retraite, à commencer par les retraites dites "complémentaires" est essentiellement composé de syndicalistes CGT-FO d'anciens responsables politiques et d'idéologues à recaser et non de représentants des salariés et des retraités ce qui est un comble et une honte pour un pays comme la France qui se targue d'être le pays des l'égalité et la fraternité.
Quand au COR dont on connait la composition,il est organisé de sorte que les intérêts bien compris des salariés et retraités ne soient pas correctement pris en compte, bien au contraire.Il ne s'agit donc même pas d'"économistes" ainsi qu'il est dit dans votre article ou bien plutôt "d'escronomistes"!
Cette dégradation de l'équilibre financier des caisses de retraite est très ancienne et l'on se souvient du "livre blanc" de Rocard qui avait déjà tiré la sonnette d'alarme mais en vain car le COR nous a ensuite expliqué pendant vingt ans que tout allait allait très bien, jusqu'à un passé très récent ou devant les déficits abyssaux il fallait réagir en disant que c'était de la faute de la crise et du chômage alos que le problème, comme vous le dites vient du systéme de répartition dans un monde ou la démographie s'est retournée fortement depuis des années. Nos grands cerveaux des conseils d'Administration des caisses, nos bons esprits des dirigeants politiques n'ont pas voulu voir le problème alors que tout un chacun pouvait consulter les chiffres démographiques depuis 60 ANS
Moralité: il est temps de cesser le déni de réalité de notre personnel politique et de prendre les choses en main, mais comment?
J'adhère totalement à vos propositions de refonder le système de retraites sur deux piliers:
une retraite obligatoire minimale type SECU mais assainie
une retraite complémentaire contractée librement par chacun selon ses désidératas auprès des assurances privées.
Ains l'Etat n'aurait plus à laisser entendre que grâce à sa générosité il subviendrait encore à panser les blessés de la vie de retraité.
Dernier point: la France a presqu'autant desystèmes de retraite que de types de fromage et que je n'ai parlé que des retraités des entreprises privées qui sont largement majoritaires et non du secteur Public qui ne connait aucun déficit en l'absence de Caisses de retraites puisque le Trésor prend en charge tous les ans la part considérable qu'il reste à financer pour servir les pensions des fonctionnaires conformément aux règles de leur statut privilégié
Rappelon sseulement que ce "reste à financer"représentait il y a quelques années près de soixante milliards d'euros par an, selon la publication du Figaro et devrait avoisiner les 70 milliards, si l'on en croît l'évolution fortement dynamique du service des pensions de l'Etat, des hospitaliers et territoriaux dont faisait état l'un de rapports du Sénat.
IL est temps de mettre un peu d'équité dans ce maquis particulièrement dans les temps ou le gouvernement cherche désespérément sept à huit milliards.
Merci de votre attention
JP D

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