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L’éthique libérale du nouveau président de l’Argentine, Javier Milei : une leçon pour la France ?

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L’opinion ne comprend pas le vote des Argentins qui se sont prononcés à près de 56% en faveur de Javier Milei, jugé tour à tour trop libéral ou trop conservateur. En réalité il est juste cohérent avec ses convictions libérales.

Sur le plan économique Javier Milei s’inscrit dans la droite ligne du libéralisme autrichien qui veut moins d’Etat et plus de concurrence, y compris sur les monnaies. Il le fait avec une gouaille populiste, grossière et agressive, proche de celle de Trump, presque insupportable. Mais c’est ainsi qu’il a obtenu le vote populaire. Il n’est pas certain que ses remèdes de cheval appliqués à un pays très malade après des décennies de collectivisme péroniste, non moins populiste, soient immédiatement efficaces. Au surplus, il n’a pas de majorité au Parlement pour les mettre en œuvre. Mais ses propositions ont une logique et la radicalité peut-être nécessaire pour sortir de l’étatisme qui gangrène ce pays comme une bonne partie de l’Occident.

Sur le plan sociétal, les positions de Milei sont moins ultraconservatrices que celles d’un libéral accompli. Il lui est reproché ses positions sur l’avortement ou sur les transgenres. Pourtant, sa position est rigoureuse comme on aimerait que les politiques le soient plus souvent.

Sur l’avortement

Milei propose de « protéger l’enfant depuis la conception et l’adulte jusqu’à sa mort naturelle » et il annonce un référendum sur la légalisation de l’avortement. Par ailleurs il souhaite respecter les décisions des familles en éliminant « le caractère obligatoire du programme d’éducation sexuelle intégrale dans les établissements éducatifs à tous les niveaux ».

Certes, les libéraux considèrent volontiers que chacun est déjà propriétaire de son propre corps. Mais si certains ne voient aucune limite à l’usage qu’il peut en faire, le libéralisme classique reste le plus souvent attaché, avec Kant[1], à l’idée que l’homme ne peut pas utiliser son corps ou celui d’autrui comme une chose voire seulement comme un moyen. Il doit le respecter en tant qu’il est constitutif de son être dans son essence et que de ce fait, il ne peut pas le transformer indûment ni le supprimer de sa seule volonté. La dignité consiste à respecter l’intégrité de l’être, celle de l’autre comme celle de soi-même. Celle de l’enfant à naître comme celle du vieillard cacochyme. Ce qui justifie aussi des réserves à l’égard de l’autorisation de toute drogue qui attente à l’intégrité du corps et de l’esprit et génère des comportements déréglés à l’égard d’autrui.

Sur les transgenres

Au regard des identités sexuelles, Milei ne s’est opposé ni au mariage pour tous ni aux transidentités, en ajoutant seulement : « tant que tu ne me fais pas payer l’addition ». Il n’a pas tort de s’inquiéter de ces écolos-gauchistes qui voudraient désormais interdire au genre humain de toucher à la nature, sacralisée par eux, mais qui prétendent surmonter leur propre constitution naturelle pour se construire entièrement eux-mêmes et façonner à leur gré un nouveau genre qu’il serait criminel de nommer un homme ou une femme puisqu’il n’est que l’objet du fantasme de chacun ainsi que l’exprime la multiplication sans fin des acronymes utilisés pour nommer les fruits de cette reconstruction : LGBTQQIAAP …

Il ne s’agit pas, dit Milei à juste titre, d’interdire ces pratiques quand celui qui les initie en supporte toutes les conséquences et n’attente pas à autrui. Mais cette petite minorité, fantasque quand elle n’est pas dangereuse, n’a aucun droit à vouloir imposer sa façon de faire et de vivre aux autres. Elle a encore moins de raisons de disposer de droits spécifiques en matière de soins ou dans les entreprises ou les familles… Toute minorité a le droit d’être respectée comme chacun des citoyens d’un même pays. Mais il faut aussi que chaque minorité assume ses choix et rien ne justifie qu’on la favorise. On peut s’interroger en France sur la loi du 2 août 2021, qui permet et prend en charge à 100 % par l’assurance maladie la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires et non plus seulement aux couples ayant des difficultés à avoir un enfant ou ne pouvant en avoir. De même, la liberté des transgenres est excessive quand elle s’exerce à la charge des autres, comme en France quand la phalloplastie (création d’un pénis) et la vaginoplastie (création d’un vagin) sont intégralement prises en charge par l’assurance maladie, ou quand des médecins accompagnent, aux frais des contribuables, des enfants qui veulent changer de sexe pour les soigner ensuite quand ils le regrettent. Et ces pratiques conduisent à de nouvelles discriminations inadmissibles comme celles de ces athlètes hommes qui se déclarent transgenres et vont concourir chez les femmes pour y rafler des médailles (cf. par exemple le cas de Lia Thomas parmi d’autres). Milei comme chacun de nous doit avoir la liberté de dire, sans médire ni diffamer, ce qu’il en pense, le droit de faire savoir son opinion, surtout s’il estime qu’il est dangereux pour l’homme lui-même de jouer avec son corps et sa propre nature à la recherche d’une nouvelle identité artificielle.

Mais le monde ne comprend surtout pas que Milei ait été si bien élu avec un programme aussi libéral. La gauche bien-pensante préférait le péronisme. Elle critique Milei qui est disposé à apaiser le passé argentin, mais elle oublie les liens de Perón avec le nazisme, notamment lorsqu’il a accueilli sur son sol, entre 1946 et 1952, plusieurs milliers d’anciens nazis dont de nombreux criminels de guerre notoires. Elle méconnaît les forfaitures du président Kirchner et de son épouse. Elle n’aime le peuple que lorsqu’il vote pour elle. Elle craint les référendums lorsqu’ils peuvent lui être hostiles ! Milei n’a pas encore réussi et les difficultés seront grandes. Il risque de s’égarer dans le populisme, mais gardons un esprit objectif à son égard et ne nous laissons pas abuser.


 [1] Emmanuel Kant affirme que « l’homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non simplement comme moyen pour un usage arbitraire par telle ou telle volonté, et doit dans toutes ses actions orientées vers lui-même ou vers d’autres êtres raisonnables être constamment considéré en même temps comme une fin »,  Fondement pour la métaphysique des mœurs, Hatier, 2000, p.68.

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6 commentaires

GERALD AQUILINA 27 novembre 2023 - 9:27

Lorsqu’un pays tombe économiquement aussi bas que l’Argentine les partis modérés sont incompétents. Milei était le meilleur choix même si on peut ne pas être d’accord avec certains aspects de son programme. De plus il connaît l’économie et comme chez nous son libéralisme n’a jamais été tenté.
Il sera bon de voir dans l’avenir les résultats.

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Jean-Aymar de Sékonla 27 novembre 2023 - 11:06

Moi je suis primaire: si ça emm…. la gauche, c’est qu’on est sur la bonne voie !

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Guy 27 novembre 2023 - 4:33

Excellent article qui décrit un libéralisme cohérent. On ne peut que souhaiter bonne chance au nouveau président argentin, car on peut compter sur tous ceux qui profitent, ou croient profiter du système alors qu’ils en sont victimes, pour lui mettre tous les bâtons dans les roues possibles et imaginables. Au moins savons nous que sa connaissance étendue du libéralisme lui permettra, comme il l’a fait pendant sa campagne, de dénoncer les injures et attaques personnelles pour ce qu’elles sont : les arguments de ceux qui n’en ont pas.

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Christiane MASSERON 27 novembre 2023 - 4:42

Quant à moi, je suis tout à fait d’accord avec ce programme. C’est entièrement ma vision des choses. Puisse un tel programme être appliqué en France.

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Michel 29 novembre 2023 - 10:13

Merci pour cet article quiexplique nos sujets d’actualité, et met le point sur les « i » de cette dérive populaire qui veut que les minorités aient raison contre tout le monde, et veulent imposer leurs manières de penser et d’agir.
J’ajouterai que tous ces critiqueurs qui s’insurgent contre la montée de ce qu’ils appellent les « populistes » feraient bien de se poser la question la savoir dans quelle mesure ils ne sont pas la cause première de cette poussée du populisme suite à ce qu’ils nous imposent (et je parle ici surtout de la France) depuis 50 ans, que ce soit au travers de gouvernements de gauche et réputés tels, qu’au travers de gouvernements de droite, qui, par électoralisme, ont mené des politiques de « gauche ».

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Jean Guicheteau 3 décembre 2023 - 8:50

Nous ne sommes propriétaires que de ce que nous avons acheté, hérité ou fabriqué. Notre corps n’appartient à aucune de ces catégories, par conséquent nous ne sommes pas propriétaires de notre corps. Nous ne pouvons pas en abuser et encore moins d’un fœtus qui est un tiers. Je rappelle que l’automutilation était considéré il n’y a pas si longtemps comme un délit. Vive le progrès mais on ne peut pas faire n’importe quoi en son nom.

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