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L’Etat dénature les arts et le sport

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Non seulement l’Etat réglemente de plus en plus la vie au travail et les rapports économiques, mais il s’insinue dans la vie personnelle des individus en prenant en charge leurs activités récréatives, culturelles, sportives, politiques… Ce qui n’est pas nouveau.

Les dérives antiques

Pour favoriser la participation de tous les citoyens aux assemblées politiques, Périclès avait institué le premier, au Vème siècle av. JC, un régime d’indemnisation de la présence aux assemblées, le misthos. Il ne s’agissait que de quelques oboles. Mais les observateurs de la vie politique, et notamment Socrate[1], soulignaient déjà que cette rémunération incitait surtout les citoyens en quête d’argent à envahir les assemblées, attirés par l’indemnité offerte, et y voyaient une des causes de la perte de l’esprit civique.

Les jeux olympiques de l’Antiquité connurent les mêmes dévoiements. Ils réunissaient les cités grecques depuis le VIIIème siècle av. JC pour célébrer le goût de l’effort personnel et volontaire, l’émulation et le dépassement désintéressé des athlètes. Il n’y avait qu’un gagnant qui ne recevait pas de médaille en or, mais une couronne végétale. La vraie récompense des vainqueurs était dans les honneurs qui leur étaient rendus. « Ce n’est pas avec de l’argent mais avec des jambes rapides et un corps robuste qu’on remporte la victoire à Olympie » était-il inscrit sur le socle de l’une des statues édifiées dans l’enceinte sacrée d’Olympie.

Cependant, à l’image d’autres jeux locaux, à partir des Vème/IVème siècles, les jeux olympiques eux-mêmes se professionnalisèrent. Des primes furent octroyées aux athlètes. Et les critiques, non sans excès, ne manquèrent pas. Xénophane de Colophon[2] (VIème siècle) dénonçait déjà leurs privilèges. Dans l’Autolycos, en 420, Euripide considérait les exigences des athlètes comme des fléaux.

Les dévoiements contemporains

Notre démocratie actuelle souffre sans doute des mêmes maux. Elle a créé une classe de politiciens professionnels que l’ENA est venue nourrir en France et dont beaucoup sont étrangers à la réalité, obsédés surtout par leur prochaine élection.

Plus encore, l’Etat veut désormais financer la culture. Il achète les artistes après les avoir (dé)formés. Il paye les jeunes pour qu’ils achètent des livres (ou plutôt des mangas !), il paye les acteurs en mal de rôles… Plus généralement, il subventionne sans compter les associations (11Md€ par an hors les crédits sociaux pour frais de journées et hors dépenses fiscales) pour qu’elles produisent ce qui relevait de la gratuité. Les arts deviennent ainsi conformistes, la créativité est administrée par la pensée servile, le bénévolat indemnisé devient calculateur et réducteur, l’initiative, la responsabilité, l’originalité s’affadissent.

En ce qui concerne les Jeux olympiques, c’est dans l’esprit antique originel que Pierre de Coubertin les a restaurés en 1894 pour célébrer des valeurs universelles de dépassement de soi, de respect de l’autre, de discipline, de fraternité et de joie. Il insistait sur la nécessaire indépendance du mouvement olympique vis-à-vis des politiques et la non-ingérence des États. Mais les Etats se sont réappropriés les jeux et en ont fait un grand cirque moderne pour amuser le peuple !

Depuis les années 1980, il n’est plus nécessaire d’être amateur pour pouvoir concourir aux JO. Il existe encore des sports où un certain amateurisme existe, l’athlétisme, le javelot, l’escrime, la lutte ou le tir à l’arc, où les sportifs doivent gagner leur vie en même temps qu’ils pratiquent et s’entraînent. Leurs exploits sont complètement les leurs. Ceux qui sont payés pour gagner, comme c’était le cas en Union soviétique et comme ça l’est en France pour les athlètes qui sont pris en charge par la fonction publique – au travers d’emplois réservés et plus ou moins fictifs, ou par d’autres aides publiques ne déméritent pas, mais leur effort rémunéré devient dépendant de l’Etat monopolistique qui se l’approprie. Il n’y pas plus de honte à gagner sa vie par la force, l’habileté de son corps et l’intensité de son entraînement, que par ses initiatives, son inventivité industrielle, ses dons commerciaux ou son travail besogneux. Assurément, les autres pays, du moins les plus riches, font de même. Mais s’agit-il encore des jeux olympiques dans leur traditionnelle acception ?

Il faut bien vivre

Certes, il faut bien vivre. Et de tous temps, les artistes et les sportifs de haut niveau ont eu besoin de sponsors. Quand ceux-ci sont nombreux, les bénéficiaires peuvent vagabonder de l’un à l’autre. Ils gardent leur liberté. Les goûts, les styles, les exigences restent riches de leur diversité. Alors que quand les Etats monopolisent tout ce qui relève de la culture des corps et des esprits, ils les appauvrissent en les uniformisant, en les standardisant.

A cet égard, le modèle américain semble plus concret et plus ouvert à la fois. Il incite les riches, nombreux dans ce pays de libertés, à financer des universités concurrentes qui elles-mêmes recrutent des jeunes talents, notamment sportifs, pour les aider à exceller dans leur pratique tout en suivant une formation qui leur permette d’avoir un métier au-delà d’une éventuelle carrière éphémère de sportif de haut niveau. Le parcours de Léon Marchand témoigne de l’intérêt de cette formule. Il a obtenu une bourse de l’université de l’Arizona qui désormais se couvre de gloire grâce à lui. Il va poursuivre ses études à la faculté du Texas à Austin, tout en continuant à s’entraîner sans demander aucune aide à l’Etat français. La multiplicité des solutions d’accompagnement lui permet de s’accomplir au plus haut niveau.

Désormais, grâce au développement formidable qu’a permis l’économie de marché, la plus grande partie des travailleurs des pays développés bénéficient d’un temps libre suffisant pour se consacrer, s’ils le souhaitent, à la vie de la cité ou à la poursuite de leurs fins personnelles dans la culture de leur corps, de leur esprit ou de leur âme. Ne serait-il pas plus sain de laisser chacun engager ses propres efforts à ses frais pour concourir à son propre accomplissement, sauf bien entendu à laisser ceux qui y excellent trouver le moyen d’obtenir un public ou des mécènes et d’en vivre ?


[1] Dans le Gorgias

[2] Athénée, livre X, chapitre VI.

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