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Les éoliennes ou la voie vers le totalitarisme écologique

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Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique dite loi ASAP (as soon as possible) a été adopté par les parlementaires le 3 novembre et est en cours d’examen par le Conseil constitutionnel qui a été saisi.
Dans son article 25 ter, cette loi tente d’accélérer tant et si bien les procédures pour l’installation d’éoliennes marines qu’elle dispense le ministre chargé de l’énergie d’attendre la fin du débat public pour lancer la ou les procédures de mise en concurrence.

Elle supprime surtout tout appel juridictionnel possible contre les projets éoliens en mer en instituant désormais un seul niveau de juridiction :
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du Code de justice administrative est complété par un article L.311.13 ainsi rédigé :
« Article L. 311.13. – Le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort des recours juridictionnels formés contre les décisions relatives aux installations de production d’énergie renouvelable en mer ainsi qu’à leurs ouvrages connexes…. ».

On peut craindre que cette justice expéditive ressemble à celle des tribunaux révolutionnaires qui refusaient un avocat à ceux qu’ils désignaient d’avance de « conspirateurs » comme s’ils étaient déjà jugés et dont « les jugements, disait le décret de la Convention du 22 prairial an IIl, seront exécutés sans recours au tribunal de cassation», c’est-à-dire sans recours en appel possible.
Certes, l’autorisation des éoliennes n’est pas encore d’ordre pénal, même si peut-être bientôt il pourra être considéré que le fait de s’opposer aux éoliennes est une forme d’« écocide » !
Et il est vrai que contrairement à ce que l’on croit communément, le principe du double degré de juridiction n’a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle. Les normes européennes du procès équitable consacrent le droit à un recours juridictionnel effectif, qui n’est d’ailleurs pas absolu, et non le droit à un double degré de juridiction ou même à un pourvoi en cassation.

L’’article 2 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme exige un double niveau de juridiction en matière pénale, mais la France a approuvé la Convention en émettant une réserve d’interprétation sur ce principe et en précisant que l’examen par une juridiction supérieure pouvait se limiter à un contrôle de l’application de la loi, tel que le recours en cassation.La possibilité de déroger au principe du double degré de juridiction est donc possible au législateur, voire dans certains cas au pouvoir réglementaire, particulièrement en dehors du pénal.

Mais bien que dépourvue de valeur constitutionnelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la règle du double degré de juridiction « ne reste pas sans valeur constitutionnelle ». Le Conseil d’Etat n’ignore pas la valeur de la règle. Il lui a reconnu le statut de principe général du droit (Cf. rapport de M. Blatman, conseiller rapporteur sous l’arrêt n° 533 du 24 février 2006, Cour de cassation – assemblée plénière).On peut trouver au principe du double degré de juridiction un fondement constitutionnel en l’incluant dans le concept plus large de « droits de la défense » dont le Conseil constitutionnel a affirmé le caractère constitutionnel (ass. plén. 30 juin 1995, bull. n° 4). Une large partie de la doctrine considère que l’exercice des voies de recours fait partie des droits de la défense (Cf. avis de M. Cedras, avocat général sous l’arrêt n° 525 du 11 mars 2005 Cour de cassation – assemblée plénière).

Plus généralement, le droit de double juridiction relève d’un principe démocratique, de la reconnaissance de la faillibilité de la nature humaine, dont peut être victime une seule juridiction plus que deux successives, et de la légitimité, voire de la nécessité d’un échange approfondi sur les questions qui fâchent. Supprimer le droit de recourir en appel contre un premier jugement dans le domaine aussi sensible que celui des éoliennes est d’une agressivité monstrueuse et fait craindre le pire pour le respect de la diversité des opinions. C’est le meilleur moyen d’aggraver les fractures sociales et politiques qui divisent déjà les Français. C’est pas malin !

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4 commentaires

Richard HANLET 3 décembre 2020 - 10:35

On n'est plus dans le domaine du droit…
L'écologisme étant depuis longtemps sorti du domaine de la science, laquelle autorise la controverse et pèse avantages et inconvénients, pour entrer dans celui d'une véritable religion basée sur des dogmes (réchauffement anthropique, toxicité du C02, etc.), il fallait s'attendre à ce qu'il se protège par un droit exorbitant, radical et sans appel, réintroduisant une sorte de crime de blasphème assez proche de la fatwa…

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BABEL Pierre 3 décembre 2020 - 11:15

la dictature écologique
Eoliennes le scandale à la hauteur des avions renifleurs

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Louis Gardet-Fabien 3 décembre 2020 - 12:07

Ecocide ou liberticide …
Merci à Jean-Philippe Delsol de cette remarquable analyse juridique et politique. Je n'aurais jamais pu penser, quand j'étudiais autrefois le droit (il y a bien longtemps il est vrai), que je pourrais connaitre un jour un tel dispositif d'exception, hors d'une situation de guerre.

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AlainD 3 décembre 2020 - 7:37

Un pas vers la dictature verte
C'est intéressant de voir comment s'y prennent les verts pour nous imposer leurs visions un brin utopiques. Qui a mesuré les nuisances que font naître la seule installation de ces immenses brasseurs d'air(les verts ?) que ce soit sur terre ou en mer ? A t on demandé leur avis aux gens qui vivent de la mer ? A t on tenu compte de la pollution marine, la destruction de la flore et des fonds, l'habitat de la faune? Qui a mesuré les nuisances qui naîtront lorsque viendra l'heure du démantèlement ? On veut nous imposer une écologie à tout crin et les politiques s'y engouffrent à qui mieux mieux pour récupérer les électeurs qu'on aura bien pris soin d'orienter. Ils veulent peindre la France tout en vert, attention que la couleur ne nous étouffe pas…

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