La notion de défaillance, ou de faillite, désigne, pour une entreprise, un état de cessation de paiement, le moment où sa trésorerie ne lui permet plus d’honorer ses engagements ni de régler ses fournisseurs. Cette situation mène à deux conséquences juridiques possibles : le redressement ou la liquidation judiciaire. La première de ces deux procédures collectives vise à sauver l’entreprise : maintien de l’activité et de l’emploi, apurement des comptes ; le second conduit à la cessation pure et simple de l’activité de la société, à la cession de ses actifs et à la fin de son existence juridique.
Le flux des faillites a énormément diminué pendant la crise par rapport à son niveau habituel
Depuis 2008, le flux annuel de défaillances est resté relativement stable, autour de 60 000, avec deux pics liés à la crise financière en 2009 et à celle de la zone euro en 2015. Depuis cette date, le nombre de faillites s’est réduit progressivement pour chuter en 2020 dans des proportions jamais atteintes jusque-là : seulement 31 000, contre 50 000 l’année précédente, soit une baisse de 37%. Au total, le nombre de défaillances passe de 85 000 entre mars 2018 et octobre 2019 à 45 000 entre mars 2020 et octobre 2021, soit une diminution de 45%.
Après la baisse enregistrée lors du premier confinement, le nombre de défaillances est demeuré faible sans se relever par la suite, comme le montre le graphique suivant :
En 2021, le nombre de faillites est resté très en retrait de son niveau d’avant-crise, la somme cumulée des défaillances jusqu’à fin octobre étant inférieure de 45% par rapport à la même période en 2019. Le nombre de redressements judicaires passe ainsi de 27 000 entre mars 2018 et octobre 2019 à 11 000 entre mars 2020 et octobre 2021, soit une chute de 59%. De son côté, le chiffre des liquidations judiciaires diminue de 39% pour la même période, de 58 000 à 35 000. La proportion de liquidations judiciaires parmi le total des défaillances croît ainsi de 68 à 76% du fait de la crise.
Effets différenciés des mesures de soutien public aux entreprises
La batterie de mesures de soutien mises en œuvre par les pouvoirs publics, activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, report et exonération de cotisations sociales, est venue répondre à une baisse d’activité dont les causes diffèrent beaucoup d’un secteur à l’autre.
Premier constat, la baisse du nombre de faillites dans les secteurs fermés administrativement, entre 44 et 51% selon les domaines d’activités, est similaire à celle des entreprises affectées directement ou indirectement par la crise, alors que la contraction du chiffre d’affaires des entreprises directement affectées par la crise (le spectacle, l’hébergement restauration, les arts), de l’ordre de 32%, est bien supérieure à celle de la moyenne nationale (9%).
En ce qui concerne les activités d’hébergement et dans la restauration, par exemple, on observe respectivement une chute des faillites de 39 et 57%, assez proche de la moyenne, mais une baisse du chiffre d’affaires de 41 et 31%.
Ce sont les TPE-PME qui ont été le plus sensibles aux mesures de soutien de l’État. Entre mars 2020 et octobre 2021, 56 défaillances d’ETI-GE (entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises) ont pu être observées, contre 36 entre mars 2018 et octobre 2019, soit une hausse de 56%. À l’inverse, le nombre de faillites de TPE et de PME ont baissé respectivement de 45 et 37%, (de 73 000 et 3 300 à 41 000 et 2100) entre les deux périodes.
Le nombre d’emplois menacés, en revanche, a peu diminué en 2020 et n’a commencé à suivre la courbe des défaillances qu’en avril 2021 :
Les procédures collectives en 2020 ont naturellement concerné les sociétés ayant des comptes de résultats les plus fragiles avec un endettement important. Les entreprises défaillantes ont vu leur endettement augmenter de 92 à 93% de leur passif quand celles qui restaient en activité ont connu une baisse de celui-ci de 34 à 31,7%.
Des dettes élevées, des liquidités faibles, une productivité faible, un chiffre d’affaires en baisse sont les déterminants classiques des défaillances d’entreprises. En 2020, l’ensemble de ceux-ci a été atténué : les secteurs et les entreprises le plus affectés (les TPE-PME) ont été le plus épargnés par les faillites.
En 2021, comme l’illustre le graphique suivant, l’effet des déterminants classiques des faillites sur les entreprises, dont une fonction de calcul de leur productivité, est encore plus réduit :
Les mécanismes de sélection du marché se sont maintenus pendant la crise et n’ont pas épargné les entreprises les moins viables, mais les canards boitillants sont arrivés à s’en sortir grâce aux aides publiques, un phénomène corroboré par la baisse plus forte des liquidations que des redressements. Les victimes ont, logiquement, été les entreprises dont la situation financière était trop dégradée pour que le soutien public puisse les maintenir à flot. Mais nous risquons de connaître des lendemains difficiles quand beaucoup d’entreprises soutenues artificiellement pendant la pandémie se retrouveront seules face à leurs problèmes et leur endettement. Il apparaitra alors combien l’argent public a été utilisé pour reporter les difficultés plutôt que pour y remédier.
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L’argent public ne remédie à rien. Il ne fait que masquer la réalité qui finit toujours à un moment ou à un autre par s’affirmer. C’est tout le problème du quinquennat qui est un temps court, alors qu’un septennat sec (ou huit ans), non renouvelable obligerait l’élu à se préoccuper de son mandat et prévoir un successeur à la hauteur si tant est que l’avenir de la France soit son objectif et que ses projets mis en place ou en route dépassent la durée d’un septennat.