A la fin du 1er trimestre 2024, la dette publique s’établissait à 3 159,7 Md€, soit 110,7% du PIB selon l’Insee et sur la base des critères de Maastricht. Mais ce calcul ne tient pas compte des dettes de l’Etat au titre de la retraite par répartition et de la dette liée à la retraite des fonctionnaires.
En effet, les retraités et les actifs qui ont cotisé à leur retraite par répartition ont une créance sur l’Etat : ils ont en quelques sorte un « droit à » une retraite. Certes, dans le système actuel de répartition, il est prévu que les générations à venir cotisent pour payer les pensions des générations précédentes. Mais si pour une raison quelconque les actifs ne pouvaient plus ou ne voulaient plus payer les cotisations nécessaires pour assurer le paiement de ces pensions, l’Etat devrait trouver par ailleurs le moyen de payer les pensions dues au titre des cotisations antérieures.
Si par exemple les actifs devenaient si peu nombreux [1] qu’ils ne pouvaient plus supporter les cotisations nécessaires pour payer les pensions promises, ils se révolteraient et refuseraient de continuer à payer des cotisations toujours plus importantes pour pallier l’imprévoyance des gouvernements antérieurs. Les actifs pourraient aussi se rendre enfin compte que les régimes de retraites par capitalisation, qui gèrent les cotisations des actifs comme un capital qui prospère et le leur restitue quand ils prennent leur retraite sous forme de pension, sont plus sécurisées que les retraites par répartition et d’un rendement bien meilleur. Ils pourraient, alors, exiger que leurs cotisations de retraite soient capitalisées et il faudrait trouver le moyen de payer les droits acquis par les actifs ayant jusque-là cotisé en répartition.
Des engagements de retraite considérables
Or ces créances peuvent aisément être évaluées en euros 2023. En effet, en 2023 les dépenses de retraite ont représenté 386,3 Md€ financés par les cotisations des actifs pour 256,8 Md€ et pour le solde, 130 Md€, par des fonds de l’Etat, c’est-à-dire par les contribuables.
En retenant l’hypothèse que les deux générations à venir travailleront en moyenne 44 ans avant de prendre une retraite d’une durée moyenne de 22 années (estimation de l’espérance de vie à 65 ans), on peut considérer que début 2024, l’Etat français avait contracté un engagement de payer au moins égal aux cotisations versées (actualisées en valeur 2023) par les retraités actuels et par les actifs :
- au profit de ceux qui ont ouvert leurs droits à la retraite antérieurement au 1er janvier 2024, avec une espérance de vie moyenne de 22 ans, un montant de 256,8 Md€ (en valeur 2023) par an pendant 11 ans en moyenne soit 2 824,8 Md€,
- et au profit de ceux qui ont cotisé en répartition mais qui sont encore actifs, le même montant annuel actualisé (256,8 Md€) qu’ils ont versé sous le bénéfice d’une dégressivité sur 44 ans de 100% à 0% correspondant aux années de cotisation en répartition des intéressés, soit un montant de 5 649,6 Md€.
Il faut y rajouter les dettes de l’Etat au titre des pensions des fonctionnaires qu’il a souhaité assurer par lui-même plutôt que de créer une caisse de retraite spécifique à cet effet et ses contributions aux régimes spéciaux, l’ensemble de ces dépenses représentant une soixantaine de milliards d’euros par an, soit un engagement à ce titre pour les retraités et les actifs bénéficiant de ces régimes (dans les mêmes conditions de calcul que pour les pensions du privé) de l’ordre de 1 980 Md€.
Un lourd handicap
Ces créances sur l’Etat ne sont pas enregistrées en dette publique dans les comptes de l’Etat. Mais elles représentent 10 454,4 Md€ à fin 2023 qui s’ajoutent à l’endettement budgétaire des collectivités publiques de 3 159,7 Md€, soit un endettement total de 13 613,7 Md€ égal à environ 4,75 années de PIB.
Certes, dans tous les pays il existe une dette de retraite à l’égard des cotisants. Mais dans les pays qui ont adopté très tôt et majoritairement des régimes de capitalisation, ces dettes sont garanties par des actifs correspondant aux cotisations accumulées et placées avec des taux de rendement généralement significatifs. C’est le cas en Islande, Australie, Colombie, Danemark, Israël, Suisse… où les taux de cotisation obligatoire à des plans de capitalisation sont supérieurs à 10% du salaire. C’est vrai aussi dans des pays comme le Canada, le Luxembourg, les Pays-Bas où les taux de cotisations volontaires additionnelles sont les plus élevés en proportion du salaire annuel moyen.
En France, les retraites ne sont gagées sur rien sinon des promesses de cotisations faites par l’Etat au nom des actifs et futurs actifs qu’il obligera à cotiser pour d’autres. Sur le fond, le régime de répartition apparaît ainsi comme un mécanisme fondé sur de fausses promesses et sur la violence institutionnelle que l’Etat doit employer pour les faire respecter. Ce système n’est pas viable et nous handicape par rapport aux pays de capitalisation qui profitent des capitaux disponibles pour favoriser les investissements dans leurs entreprises.
Il faudra sans tarder trouver les moyens de passer progressivement de la répartition à la capitalisation. A défaut la France risque la faillite. Au-delà d’un niveau raisonnable, l’endettement public est immoral car il met en danger les personnes dans leur avenir et leurs projets.
[1] Selon Statista le rapport entre le nombre de personnes en emploi qui cotisent au système des retraites et le nombre de retraités en France est de 1,7 et il serait de 1,2 en 2070.
11 commentaires
Ce que tout le monde oublie c’est que la retraite par repartition est en fait une… capitalisation!
Certes les citoyens payent une « cotisation » pour la retraite qu’ils doivent à leurs parents mais aussi « capitalisent » sur leurs enfants en les élevant (coût moyen 250000€ par enfant). Ils espèrent qu’en retour ils en toucheront les « dividendes », c’est à dire les cotisations retraite de leurs enfants.
L’erreur (l’escroquerie) c’est que ceux qui n’élèvent pas d’enfant (et donc ne « capitalisent » pas la répartition) toucheront aussi une retraite!
Imaginez un système par capitalisation ou même ceux qui n’ont pas capitalisé toucheraient une retraite et vous retrouveriez les mêmes difficultés que celles que rencontre la répartition actuellement.
La solution? Tres simple:
Ceux qui ont élevé deux enfants ou plus touchent une retraite par repartition, ceux qui n’ont élevé qu’un enfant touchent une demi retraite par repartition.
… et ceux qui n’ont élevé aucun enfant sont exclus de la repartition mais capitalisent! (avec les économies réalisées sur le coût des enfants)
Mon analyse vous choquera peut être, mais c’est la réalité. Posez vous simplement la question : qui est ce qui met le système par répartition en difficulté ? … les citoyens qui n’ont pas elevé d’enfants mais qui prétendent avoir droit à la répartition !
Et on peut les comprendre. Pourquoi depenser ses ressources à élever des enfants (voiture plus grande, logement plus grand, dépenses en nourriture, habillement, activités et à chaque foi un petit coût de TVA, etc. ) sans compter les multiples contraintes et tracas. On est bien plus libres pour profiter de tout ce que nous offre la vie… Et, de toute façon, les enfants des autres payeront notre retraite!
Finalement, ce n’est qu’un des aspects de l’irresponsabilité organisée de notre société.
Surtout celles des Fonctionnaires pour lesquelles l’Etat ne cotise RIEN c’est le privé qui paye !!! et ils en vident toutes les caisses. C’est idem pour les assurances maladie. Maintenant il suffit de regarder autour de soit pour voir le niveau d’activité et l’énergie mise en oeuvre !!!
En France, le passage d’un système de retraite par répartition à un système par capitalisation ne risque pas de produire demain… En effet, les politiques devraient annoncer à leurs électeurs, que les générations actuelles devront payer deux fois pour la même chose, une fois pour eux au titre de la capitalisation et une fois pour payer la répartition des retraités qui n’ont pas capitalisés durant leur époque active. Ces politiques feront l’autruche et passeront la patate chaude à leurs successeurs… mais impossible n’est pas français!
Je croyais que la dette française, engagement publics inclus, était de l’ordre de 6500 milliards d’euros. D’après cette analyse, je me trompais. Plus de 13.000 milliards d’euros de déficit, dans un pays désindustrialisé et qui a déjà la médaille d’or en matière de prélèvement! Je ne sais pas pourquoi, je pense souvent à la Grèce…
Faudrait tout de même expliquer aux français le système des retraites en France : Il y a en fait 2 systèmes, un qui concerne le secteur privé qui fonctionne par répartition avec cotisation patronale et salariale avec une caisse de retraite dans la SS, gérée par les patrons et les syndicats, et un deuxième système pour la fonction publique ou il n’y a pas de caisse de retraite, quelques retenues sur salaires, qui restent dans la caisse de l’état donc gérés par Bercy. Les retraites de la fonction publique sont donc budgétées par Bercy, donc payées par nos impôts. L’état employeur ne paie aucunes cotisations, il pompe dans nos impôts chaque année. Celui qui n’est pas d’accord peut s’adresser à Contribuables associés pour avoir confirmation de mes écrits.
Réservez la pension de retraite par répartition à ceux qui ont élevé des enfants et le système s’autoéquilibrera. En effet, il n’y aura plus de dette « retraite » de la nation car ceux qui la toucheront recevront la cotisation de leurs enfants (on peu dire, si vous voulez, qu’ils rembourseront la dette qu’ils doivent à leurs parents).
Ouvrez les yeux, ceux qui touchent une retraite par répartition sans avoir élevé d’enfant sont des profiteurs qui mettent la France en difficulté.
Comment se fait il que les commentaires apparaissent seulement si on en crée un?
c’est le système
Après le régime de retraite des fonctionnaires et autres régimes spéciaux etc. Il faudrait un régime spécial « parents d’enfants » censés créer de la richesse !!! Curieusement, ceux là même qui ne trouvent pas normal de financer la retraite de leurs parents trouvent normal que les Français n’ayant pas d’enfants financent les crèches, écoles, université et autres avantages dont ils ne bénéficient pas . On marche sur la tête
Article réel il s’en faut, mais ALARMISTE et incompréhensible pour une majorité.
Cela a tjs existé mais on ne l’a quasiment jamais évoqué, sans rien cacher a la population, mais la période est assez anxiogène pour éviter de présenter ces chiffres.
A part mettre une dictature en place jamais on n’arrivera à résoudre le problème de la dette ou bien il faut rattacher la France à l’Argentine !