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Les chauffeurs Uber paient plus de charges sociales que les taxis

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Dernier rebondissement dans la lutte qui oppose les chauffeurs de taxi à la société californienne Uber ; l’entreprise a décidé de suspendre son application UberPop et s’en remet à l’avis du Conseil constitutionnel, dont la décision sera rendue le 30 septembre prochain. Dans cette attente, les chauffeurs occasionnels qui arrondissaient leurs fins de mois sont en quelque sorte mis au chômage technique.

Depuis quelques mois, Uber est accusé de travail dissimulé et de concurrence déloyale par le gouvernement et par les chauffeurs de taxi. Ces derniers reprochent notammnet aux chauffeurs d’Uber de ne pas payer de charges sociales, tandis qu’eux contribueraient à la solidarité nationale et à la stabilité de notre modèle social. Qu’en est-il vraiment ?

La profession de chauffeur taxi n’est pas homogène: 80 % seraient artisans (détenant leur licence), 11 % locataires de leur licence auprès d’une compagnie, 3 % salariés d’une société de taxis et 6 % en coopération ou sous un autre statut. Parmi eux, les locataires ont le statut le plus précaire. « Ce statut, rappelle le Sénat, est ambigu car ces chauffeurs sont affiliés au régime général de la sécurité sociale et donc assimilés à des salariés, mais ne perçoivent pas l’assurance chômage. En outre, en matière fiscale, ils sont assimilés à des artisans. »[[Disponible sur : http://www.senat.fr/rap/l13-741/l13-7417.html.]] Pour ces derniers, les charges sociales s’élèvent à près de 40 % du revenu net déclaré sous le régime simplifié des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Tandis que pour un salarié, elles sont équivalentes à environ 45 % du salaire brut, payées directementpar l’employeur.

En outre les artisans taxis croulent sous de multiples charges : comme le remboursement de leur licence (non amortissable), leur cotisation obligatoire à la chambre des métiers, la taxe de stationnement, le reversement de la TVA (à 7 %), la formation obligatoire tout au long de la carrière professionnelle, ou encore une assurance spécifique[[Une situation ubuesque puisque les assureurs couvrent déjà à titre individuel les dommages causés par tiers. Par exemple, ce n’est pas parce que vous voyagez avec un ami dans son véhicule que vous cesserez d’être couvert en cas d’accident. Idem dans le cas d’un covoiturage, où une simple assurance de responsabilité civile ainsi qu’une assurance auto sont nécessaires. Dans ces conditions, on se demande pourquoi la législation diffère pour les chauffeurs de taxi.]]

Les Uber Pop payent plus de charges

Mais les chauffeurs de véhicules de tourismes (VTC) et les conducteurs UberPop payent souvent plus de charges sociales que les chauffeurs de taxis règlementés par rapport à leur chiffre d’affaires.

Depuis le 21 mars dernier, les VTC, tout comme les chauffeurs UberPop ont l’obligation d’adhérer au statut de l’auto-entrepreneur. Sous ce régime, les charges sociales s’élèvaient à 21,3 % du chiffre d’affaires en 2012[[Après une forte augmentation en 2013 à 24,6 %, les charges sociales ont été réduites à nouveau en 2015, pour atteindre 22,9 %. L’année 2012 correspond aux dernières données disponibles sur les chauffeurs de taxi.]]. Or, lorsqu’on rapporte les charges sociales qui pèsent sur l’ensemble des entreprises de transports de voyageurs par taxis à leur chiffre d’afffaires, il apparaît que celles-ci s’élèvent à 13,5 %[[Cette donnée provient de la base de données sur les statistiques des entreprises Alisse, qui répertorie les 39 920 entreprises de transports de voyageurs par taxis et indique les produits et charges de celles-ci.]] du CA du secteur. Soit un écart de près de 8 points de pourcentage entre les entreprises de taxis (artisans et autres statuts) et les conducteurs de VTC opérant sous le statut d’auto-entrepreneur ! Non seulement les VTC et chauffeurs UberPop paient des charges sociales, mais rapportées au CA, ils en paient dans des proportions supérieures à celles des chauffeurs taxi. En réalité, les statuts d’artisan et d’auto-entrepreneur ont tous deux leurs inconvénients et avantages et l’arbitrage se fait clairement au niveau individuel par rapport aux revenus anticipés des chauffeurs de taxi. Ce qui est certain, c’est qu’être auto-entrepreneur ne dispense en rien de payer des charges sociales, bien au contraire.

Mieux vaudrait baisser les charges et assouplir les réglementations… pour sauver les taxis

La profession de taxi ne se sauvera pas en s’enfermant dans la défense, au surplus par la violence trop souvent, d’un corporatisme destructeur. Car la baisse de compétitivité et le sentiment d’injustice et de concurrence déloyale que ressentent à juste titre les taxis ne disparaîtront pas avec la suspension d’UberPop. Le vrai combat des taxis doit être dans la réduction de leurs charges sociales. Ils feraient mieux de revendiquer la liberté de s’assurer socialement auprès de caisses privées qui ne seraient pas pillées par l’Etat au profit d’autres caisses déficitaires, de réclamer la liberté de ne pas adhérer aux chambres de métier, qui sont des émanations d’un corporatisme désuet, d’obtenir le cas échéant un déplafonnement du régime d’autoentrepreneur et de se battre surtout pour le remboursement de leur licence par l’Etat qui les a obligé à en acquérir une à défaut de leur délivrer une gratuitement comme il aurait dû le faire. L’Etat est responsable de la pénurie qu’il a créée et qui a suscité de nouveaux modes d’organisation pour répondre à un besoin réel de la clientèle La solution est là sans doute dans l’obligation que prendrait en charge l’Etat de rembourser, sur 20 ans par exemple, les licences des taxis en même temps qu’il permettrait une plus grande concurrence. Le nouveau monde de la communication s’imposera quoiqu’il en soit et tôt ou tard à la profession de taxis comme les ventes par internet se sont imposées au commerce, petit ou grand, et l’ont forcé à évoluer. A eux d’obtenir la liberté de mieux s’organiser plutôt que de vouloir empêcher le développement d’un service utile qu’ils pourraient rendre de manière plus profitable s’ils avaient moins de contraintes et savaient mieux s’organiser.

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3 commentaires

wpjo 13 juillet 2015 - 9:44

finir avec le système pourri
Mieux vaut-il d'augmenter le nombre de licences de 3% par an au prix du marché, et en même temps, décréter qu'après 2065 (50 ans !) plus aucune licence ne pourra plus être cédée contre rémunération ou non.

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liberal 13 juillet 2015 - 10:24

pourquoi remlbourser des sommes non perçues
Pourquoi l'Etat, donc nous!, devrait-il rembourser des sommes qu'il n'a pas perçues? J'ai cru comprendre que le prix des licences était lié à la fraude sur le chiffres d'affaires, que le propriétaire d'une licence refusait le paiement par carte pour minimiser son chiffre d'affaires. Personne et même pas l'Etat, a obligé les acquéreurs de licence à payer ces prix!
Faudrait-il que l'Etat rembourse toutes les professions qui font des mauvais choix? Pas très en ligne avec le libéralisme!

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Lucas Leger 13 juillet 2015 - 12:20

L'obligation de remboursement
Bonjour,

Les licences relèvent aujourd'hui du droit de propriété puisqu'elles sont considérées comme un bien incorporel. Dans ce cadre, le droit administratif français et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme impose un remboursement au moins partiel lorsqu'il y a expropriation. Je vous renvoie à nos travaux sur le marché des taxis, et notamment aux quelques paragraphes sur le droit de propriété, dans cette étude : http://fr.irefeurope.org/Taxis-et-VTC-Etude-pour-une-vraie-reforme-du-marche,a3064.

Cordialement,

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