Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » Le solaire et l’éolien européens, un modèle à imiter pour la France ?

Le solaire et l’éolien européens, un modèle à imiter pour la France ?

par
258 vues

Au moment où j’écris ces lignes, la révision de la nouvelle Planification pluriannuelle de l’énergie (PPE), vient encore d’être reportée, et devrait être publiée le 27 novembre 2018, avec plus de trois mois de retard.

Derrière ce document se cache la feuille de route de long terme du gouvernement français en matière d’énergie. Une première version avait été publiée sous Hollande, accompagnant la loi sur la Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015, et devait normalement être révisée tous les cinq ans. Cependant cette PPE de 2016[[Publiée le 27 octobre 2018 sur ecologique-solidaire.gouv.fr]] était extrêmement vague, à l’habitude de Ségolène Royal, notamment sur le nucléaire, où elle affichait seulement l’objectif irréaliste d’une réduction de la part du nucléaire à 50% en 2025 sans aucun autre détail …

Face à ce flou artistique typique de l’administration précédente, le nouveau président Emmanuel Macron a décidé d’établir une seconde PPE, qui devait définir précisément la stratégie de l’Etat en matière d’énergie, avec comme objectifs de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en préservant le pouvoir d’achat des Français … Ou plutôt, qui aurait dû, puisque ce qu’il en ressort finalement est une volonté de lancer une transition du système électrique sans justification sous-jacente, tandis que les secteurs d’action auraient dû être de toute évidence le chauffage ou encore le transport.

Ainsi, ce qui aurait dû être une politique de lutte contre les causes du réchauffement climatique et la pollution, causes chères au président nommé « Champion de la Terre »[[Titre décerné par le Programme des Nations-Unies pour l’environnement le 26 septembre 2018]], s’est transformée en course à l’échalote sur le mix électrique français et notamment sur son parc électronucléaire. Rappelons-le, celui-ci permet à la France d’avoir le secteur électrique le moins émetteur de gaz à effet de serre et le moins polluant du G20[[Selon les données de la Banque mondiale]], ainsi que des prix de l’électricité particulièrement stables et bas, ainsi qu’une une forte indépendance énergétique.

Nous en sommes donc à abattre le dernier secteur où nous avions une avance sur le reste du monde, Si nous nous débrouillons bien, nous allons aussi connaître les mêmes déboires que nos voisins européens, qui par leur choix plus que questionnables, ont une électricité plus chère et plus polluante que la nôtre.

Cet article s’attachera donc à présenter un des plus grands gaspillages de ressources de l’histoire moderne, et montrer comment la France s’apprête à balancer un peu plus d’argent dans le magot déjà envolé de ses voisins.

Les investissements européens dans le solaire et l’éolien

Peu de gens mesurent le gâchis qu’ont été les investissements dans les renouvelables non hydrauliques européens.

En 2003, l’éolien et le solaire représentaient à eux deux à peu près 3,5% de l’électricité produite dans l’Union européenne. Pour les années 2016 et 2017, en moyenne, l’éolien y a contribué à hauteur d’environ 10% et le solaire, à peu près 3,5%. Ces plus de 10% de part de marché représentent aujourd’hui environ 320 TWh/an d’électricité, sur un total de production européenne d’environ 3300 TWh/an.

Cette progression peut paraître respectable, jusqu’à ce que l’on en donne le coût : les investissements dans les renouvelables de 2004 à 2017 au niveau européen forment un total de plus de 965 milliards de dollars, soit environ 850 milliards d’euros sur 14 ans[[Source : “Investment in Renewable Energy by Region (2017)” de l’International Renewable Energy Agency (IRENA)]], et cela ne concerne que les investissements directs.

A titre de comparaison, un EPR produit 14 TWh/an, et même au coût FOAK (First Of A Kind) du prototype de Flamanville d’à peu près 10 milliards d’euros, les 23 EPR qui correspondent aux 320 TWh/an du solaire et de l’éolien ne coûteraient que 230 milliards d’euros. Une estimation plus réaliste du coût moyen NOAK (Nth Of A Kind) d’un EPR à 6 milliards d’euros (voir moins)[[Source : « Les coûts de production du nouveau nucléaire français », p.48, SFEN, Mars 2018]] dû à une telle production en série engendrerait un coût total de seulement 140 milliards d’euros.

t1-11.jpg

Avec des différences majeures : un EPR a une durée de vie minimale de 60 ans, quand une éolienne atteinte difficilement 25 ans, et une installation solaire 20 ans. Sans compter qu’à cause d’une intermittence plus ou moins aléatoire et les sauts de fréquence électrique, l’éolien et le solaire nécessitent des backup pilotables (nucléaire, charbon ou gaz), des solutions de stockage de masse encore inexistantes et des adaptations réseaux pour être exploitables, qui font exploser l’addition. Ainsi on estime que le coût total de l’Energiewende, la transition énergétique allemande, se chiffre à elle seule à 580 milliards de dollars, et pourrait atteindre 1000 milliards de dollars d’ici 2030.

En résumé, les chiffres indiqués plus haut pour la transition électrique européenne déjà entamée sont bien plus bas que le coût réel à terme.

De plus, il est important de noter que les investissements dans le solaire et l’éolien profitent de nos jours en grande partie à l’industrie chinoise[[L’Asie produit 80% des panneaux solaires installés en Europe selon Bloomberg Energy International]], leader du marché, quand la construction d’EPR engendrerait un ruissellement sur l’industrie européenne, et surtout française.

Le back-up

En fait, le problème du backup est même bien plus lourd que ce qui avait pu être envisagé. Ainsi, lorsque l’on regarde le mix allemand, on remarque que la capacité installée pilotable ne décroît pas, alors que la consommation est restée quasi-constante. Cela indique qu’avec ou sans renouvelables non hydrauliques, les investissements à faire dans le pilotable restent les mêmes.

t2-6.jpg

Autrement dit, introduire de l’éolien ou du solaire ne diminue pas le nombre de réacteurs nucléaires ou de centrales fossiles nécessaires sur le réseau : ce sont des investissements incompressibles à terme. Et lorsque l’on sait que l’investissement et les charges fixes d’exploitation forment l’essentiel (90%)[[Chiffre donné par la World Nuclear Association]] du coût de l’électricité produite par le nucléaire, on comprend alors que le coût moyen de l’électricité ne peut que croître avec l’introduction de sources intermittentes dont on aurait pu très bien se passer.

Ainsi pour le cas français, le nombre de réacteurs nucléaires ne peut diminuer sans l’introduction d’autres sources pilotables, c’est-à-dire du gaz, et le coût du combustible (uranium) n’ayant presque pas d’impact sur le prix de l’électricité, le développement de l’éolien et du solaire sera de l’investissement totalement inutile, dont le seul effet sera de rendre le kWh plus cher, comme on l’a déjà observé dans le reste de l’Europe.

t3-4.jpg

Les projets français

Chiffrons un peu mieux combien coûteraient les différents projets français en matière de solaire et d’éolien.

Tout d’abord, EDF projette de mettre sur la grille 30 GW de capacité solaire[[Plan olaire d’EDF de décembre 2017]], soit 3 GW effectifs lorsque l’on sait que le facteur de disponibilité, la proportion moyenne de la capacité installée réellement utilisable, est de seulement 10% en France pour le photovoltaïque.

Ces 3 GW correspondent à moins de deux EPR, ils seraient installés sur 15 ans entre 2020 et 2035 et il faudrait les remplacer tous les 20 ans. Le coût serait à l’heure actuelle de 45 milliards d’euros, mais EDF annonce pouvoir le faire pour 25 milliards grâce à la baisse des coûts des panneaux. Sur 60 ans, ce parc solaire coûterait donc au moins trois fois plus cher que la production électrique équivalente à base d’EPR, sans prendre en compte les adaptations réseaux et la baisse d’un coût de série de l’EPR.

Nous pouvons également, tel le gouvernement, voir plus grand, diminuer la part du nucléaire dans la consommation électrique de 72% actuellement à 50% du total, et compenser la différence par de l’éolien et du solaire. En gardant une consommation constante moyenne de 540 TW/an et le ratio actuel de 3/4 d’éolien pour 1/4 de solaire de renouvelables intermittents, il faudrait donc produire environ 90 TWh/an en plus de l’éolien et 30 TWh/an en plus du solaire. Avec les facteurs de disponibilité correspondant, cela implique de construire environ 50 GW d’éolien et 35 GW de solaire. Aux prix actuels d’environ 2 milliards d’euros le gigawatt d’éolien, et de 1,5 milliard d’euros celui du solaire, on arrive à un charmant total d’environ 150 milliards d’euros, encore une fois, sans les adaptations du réseau. Et cela dans le cas où les matières premières, telles que les terres rares, ne voient pas leur coût s’envoler. Et cette somme sera utilisée pour acheter des produits chinois.

Un investissement minimum de plus de 150 milliards d’euros à renouveler tous les 20 ans, soit en moyenne 7,5 milliards à investir par an. Sans prise en compte des coûts externes qui corseraient fortement l’addition. Pour donner une idée de la somme, c’est l’équivalent du coût estimé de construction de deux porte-avions ou de l’organisation des Jeux olympiques, chaque année. Et rappelons-le encore, pour rien !

Dans un pays en déficit chronique et où la population est de plus en plus hostile à toute augmentation de la pression fiscale, comment financer de tels investissements vides de sens ?

Surtout qu’une partie du pilotable (fioul et charbon)[[Environ 6,5 GW qui sortiront de la grille dans la prochaine décennie selon les plans du gouvernement]] devra être remplacé par du nucléaire ou du gaz si l’on veut continuer de diminuer les émissions de CO2 de la production électrique française et éviter les blackouts (pannes générales).

Ainsi, en imitant ses voisins européens ayant déjà probablement gaspillé plus de 1000 milliards d’euros dans les renouvelables pour rien, la France ne se tirerait pas une balle dans le pied, mais dans la tête…nucléaire.

t1-11.jpgt2-6.jpgt3-4.jpg

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

11 commentaires

scandaledahy 27 novembre 2018 - 11:44

Le réchauffement n'est pas démontré scientifiquement
Dans cet article très bien fait, on a oublié que le réchauffement climatique n'est pas démontré scientifiquement. C'est des scientistes, genre Hulot, qui prêchent une utopie, en forme de religion, et comme toute religion, attise les peurs sur un futur que jusqu'à maintenant personne ne peut prévoir de façon sûr. C'est donc une croyance farfelue !
En conclusion ne gaspillons pas nos ressources, utilisons-les de manière économe et intelligente ! Après nous verrons bien ce que l'avenir nous réserve.

Répondre
Roger 28 novembre 2018 - 10:21

Quelles sont vos sources scientifiques qui démontreraient qu'il n'y a pas réchauffement? Contestez-vous toutes les mesures de températures faites dans tous les endroits de la planète pour obtenir la température moyenne?
Pourquoi la date des vendanges est toujours plus précoce?
Pourquoi les chenilles processionnaires remontent vers le nord?
Pourquoi la surface et l'épaisseur des glaciers diminuent (des photos de différentes époques le prouvent)?
Pourquoi la route maritime de l'atlantique au pacifique au nord du Canada a été ouverte récemment pour la première fois depuis les débuts de la marine?
Pourquoi le moustique tigre peut-il rester en métropole?
La nature prouve la réalité du réchauffement climatique.

Répondre
Vent du Sud 20 février 2019 - 11:58

à Roger
Il y a une différence entre prouver le réchauffement et prouver qu’il n’y en a pas.
Je crois que la réalité du réchauffement est à peu près constatée, toutefois en ce qui concerne les mesures de températures, des doutes sérieux ont été exprimés (couverture des zones de mesure, notamment dans l’Atlantique Sud)
Date des vendanges: la mode est aux vins jeunes, d’ailleurs cela dépend plus de l’humidité que de la température.
Chenilles: désertent elles le Sud?
Surface des glaciers, ce sont des mouvements très lents, commencés bien avant que les pays émergents n’aient pu déséquilibrer la balance production/absorption du CO2 par la mer. Le volume des précipitations peut aussi être en cause.
moustique: Rien ne prouve qu’il n’aurait pas pu s’acclimater plus tôt. etc
route maritime, idem

Répondre
FLEURY 28 novembre 2018 - 4:10

L'écologie selon Mr Macron
Après avoir lu cette analyse précise du problème et vu ce que nous sert nos gouvernants sur le sujet ,je doute de leur intelligence à saisir vraiment le sujet, aveuglés qu'ils sont par l'aspect politique qu'ils en ont
J'en conclue que ce sont tous des incapables !

Répondre
Roger 28 novembre 2018 - 9:49

Démonstration qui ne convainc pas les investisseurs
Votre plaidoyer pro-nucléaire basé sur une analyse économique n'est pas réaliste. Vous ne tenez pas compte des coûts de recherche et développement, du démantèlement et du traitement des déchets.
Pourquoi les énergéticiens privés sans garantie de l'Etat ne commandent-ils pas de centrale nucléaire?
Peter Bradford (ancien membre dirigeant de l’autorité de sûreté nucléaire des États-Unis) dans son article "The nuclear landscape" publié en mars 2012 par la prestigieuse revue scientifique Nature, écrivait :
"Toutefois, l’ennemi le plus implacable du nucléaire dans les 30 dernières années a été non pas le risque pour la santé du public, mais celui pour le portefeuille des investisseurs. Aucun nouveau projet nucléaire n’a jamais été commandé avec succès sur un marché de l’énergie compétitif, nulle part dans le monde. […]"

Les investissements dans les renouvelables sont faits en majorité par des investisseurs privés.

Répondre
L'Auteur 5 décembre 2018 - 1:47

Bonjour,

Les coûts de recherche et de développement sont pris en compte dans le coût des réacteurs. Le traitement des déchets a un coût ridicule (moins de 5% du prix de l'électricité) et celui du démantèlement est faible comparé aux couts de construction et surtout face aux revenus issus de l'exploitation d'un réacteur. Un démantèlement à l'herbe d'un PWR de 900 MW (tranche CP) coûte en FOAK (sans expérience), 500 millions de dollars (exemple de Maine Yankee). Une broutille pour un réacteur exploité pendant une période de 50 à 80 ans.

Je reconnais qu'il y a un problème d'attractivité pour les investisseurs, et je vous invite à lire mon précédent article qui explique que la solution existe et commence à se développer fortement en Amérique de Nord : les Small Modular Reactors (SMR).

Je détaillerai plus en détail ce concept novateur dans l'industrie nucléaire dans un éventuel article futur.

Pour ce qui est de l'attractivité des investissements dans les renouvelables, celle-ci est fabriqué de toutes pièces par les règlementations : les subventions et les prix de vente ahurissants assurés par les gouvernements, mais surtout le priority dispatch et le free curtailment qui imposent aux gestionnaires de réseaux d'acheter en priorité l'électricité issue des renouvelables, et de la payer même si celle-ci ne peut être consommée. Imaginez un marché de commodités tel que celui ci pour le pétrole ou le gaz ! Il n'y a presque pas de possibilités de contrats futures par exemple.

Cette situation est tout sauf celle d'un marché libre et honnête ! Et cela se ressent dans les prix de l'électricité.

Répondre
L'Auteur 5 mars 2019 - 4:30 Répondre
Roger 28 novembre 2018 - 10:12

Danois et allemands incompétents
Les allemands et les danois sont des incompétents notoires en matière économique. La preuve ils sont capables d'avoir des excédents budgétaires et commerciaux. Cela explique probablement qu'ils aient investi dans l'éolien et le photovoltaïque.

Répondre
VERDEBON 19 février 2019 - 11:19

L'ECONOMIE FAUSSEE DES ENR
Les comparaisons entre nucléaire et ENR sont en permanence un faux débat entretenu pour masquer la réalité économique mensongère des ENR, réduites à leur expression d'éoliennes. La raison en est simple, puisqu'on a conçu une économie artificielle faite de prix réglementés constituant des subventions garanties sur des périodes longues (15 ans au minimum). Le secteur n'assure ni recherche, ni emploi significatif, et permet effectivement à des entrepreneurs privés de s'enrichir sans risque à partir d'une rente garantie par l'Etat. L'investissement en capital est faible, ce qui permet à bon nombre d'aventuriers de la finance de "se lancer". Le mécanisme d'enrichissement est celui de l'exploitation d'un effet d'aubaine permettant de constituer des rentes élevées (voire très élevées) qui plus est sans risque et avec un effet de levier important par financement bancaire. L'artifice ne marche que parce qu'il est conçu par un monde politique totalement déphasé et idéologisé refusant a priori le lien avec le réel.
Le nucléaire permet encore des avancées scientifiques énormes mais aléatoires et financièrement lourdes à porter. C'est pourquoi il ne peut s'agir que de projets soutenus par des Etats et non par des entreprises. La confiance en l'avenir consiste à croire au progrès rationnel et non au gavage financier d'opportunistes à la courte vue.

Répondre
L'Auteur 5 mars 2019 - 4:26

Je ne peux que vous conseiller de jeter un œil à l'écosystème privé dynamique du nucléaire en Amérique du Nord qui se développe depuis une dizaine d'années.

Le nucléaire n'est pas forcément l'apanage des Etats, et pourrait très bien se développer par du capitalisme privé. Le problème du nucléaire actuel est lié au paradigme de production des réacteurs : des structures uniques, puissantes, centralisées, risquées économiquement, avec beaucoup de génie civil et donc plus proche de l'infrastructure (autoroute, tunnel, pont) que du produit d'ingénierie lourde (avions, fusées, navires, voitures ect …).

Un nouveau paradigme est en train de naitre : fabrication en usine, modularité, standardisation, économie d'échelle par le nombre. Cela va révolutionner la filière et le domaine de l'énergie en général.

Répondre
L'Auteur 5 mars 2019 - 4:32 Répondre