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Le Conseil constitutionnel existe-t-il ?

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« La loi doit être la même pour tous ». Ce principe est-il reconnu aujourd’hui en ce qui concerne le droit fiscal? Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, se le demande après les curieuses positions du Conseil saisi d’une question de constitutionnalité soulevée par Contribuables Associés .

Le Conseil constitutionnel a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité relative à la légalité de l’ISF, soulevée par CONTRIBUABLES ASSOCIES.

Par une décision rendue le 29 septembre, le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’Etat dans le cadre de la nouvelle procédure de question prioritaire de constitutionnalité, a rejeté les trois griefs soulevés par le Président de Contribuables Associés à l’encontre de l’ISF, laissant perplexes certains observateurs.

Trois griefs écartés

Etait en premier lieu contestée la différence de traitement entre d’une part, les couples mariés, pacsés ou vivant en concubinage notoire – qui sont soumis à une imposition commune – et d’autre part, les concubins non notoires, imposés séparément.

A l’inverse de ce qu’avait jugé le Conseil d’Etat, les juges de la rue de Montpensier ont écarté cet argument au motif que cette différence de traitement avait déjà été validée dans l’une de ses précédentes décisions… ce qui ne répond pas véritablement au fond du sujet.

Le Conseil constitutionnel a également écarté le deuxième argument invoqué, tiré de ce que l’ISF frapperait de manière inconstitutionnelle des biens non productifs de revenus.

Les Juges ont en effet considéré que le législateur « a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits, qu’ils soient ou non productifs de revenus ». Cette position vient en opposition avec de précédentes décisions du Conseil constitutionnel qui indiquaient expressément que l’ISF avait pour objet de frapper la capacité contributive qui résulte de la détention d’un bien et des revenus que celui-ci procure.

Enfin, le Conseil constitutionnel a écarté le troisième grief, tiré de l’absence de quotient familial pour le calcul de l’ISF, en raison de l’existence de plusieurs mécanismes d’abattement, d’exonération ou de réduction d’impôt qui permettraient de tenir compte des capacités contributives du contribuable.

Un impôt imbécile à supprimer

Exception française régulièrement remise en cause par les acteurs économiques et politiques de tous bords, l’ISF vient donc d’échapper encore une fois à la trappe où l’ont envoyé pourtant au cours de ces dernières années la dizaine de pays de l’Union Européenne qui avaient encore un impôt sur le patrimoine de ce type. Le Conseil constitutionnel a pour le moins manqué de courage et de bon sens tout autant que, nous semble-t-il, de pertinence juridique dans son analyse. En matière fiscale, le Conseil constitutionnel s’en remet toujours au droit du législateur de pressurer les contribuables à l’envi. C’est ainsi qu’il a considéré par exemple qu’il était constitutionnel de taxer les revenus fictifs des professionnels et entrepreneurs indépendants qui, lorsqu’ils n’ont pas d’expert comptable ou n’adhèrent pas à un centre de gestion agréé par l’Etat, sont imposés sur 125% de leur revenu réel. Curieuse justice ! Le Conseil constitutionnel sert-il à quelque chose ? Existe-t-il ?

Pour autant, d’autres actions ne sont pas à exclure en matière d’ISF : il n’est pas exceptionnel en effet de voir des contribuables obligés de céder leurs biens pour s’acquitter de l’ISF, justifiant par exemple un recours pour atteinte au droit de propriété.

Par ailleurs, et surtout, l’ISF assimile les couples mariés à des célibataires pour l’application de la franchise (790 000 €) et de la progressivité de l’impôt de 0,55 à 1,8%. Ce faisant, l’ISF surtaxe les époux et/ou les concubins notoires qui joignent leur patrimoine. Deux personnes qui possèdent chacune un patrimoine de 790 000 € ne paieront donc pas d’ISF si elles vivent ensemble sans se déclarer concubins et paieront un impôt de 5 746 € si elles se marient ou apparaissent comme concubins notoires. Il y a là une discrimination qu’il conviendrait peut être de soumettre à la Halde.

Cette situation est contraire aux dispositions de l’article 1er de la constitution de 1958 aux termes duquel : « la France… assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens…. » ; violation aussi des articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 disposant respectivement que « Les hommes naissent et demeurent …égaux en droit » et que « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

En l’absence de quotient familial prenant en compte les enfants, la règlementation sur l’ISF viole aussi l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « …pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ».

A cet égard, une procédure peut aussi être envisagée devant la Cour Européenne des droits de l’Homme contre l’ISF. Sauf si la majorité présidentielle, ainsi qu’elle le laisse entendre, était enfin prête à remettre en cause cet impôt imbécile dont le rapport afférent au budget de l’Etat, de l’ordre de 4 Mds € par an, est compensé par le coût du bouclier fiscal (600 M€ /an) et surtout par la fuite qu’il génère chaque année de près de mille contribuables fortunés dont les profits, les emplois et les revenus vont générer des produits fiscaux sous des cieux plus cléments.

Le Président de la République et le Premier Ministre ont ouvert le débat. Souhaitons qu’il aille à son terme.

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11 commentaires

Anonyme 15 octobre 2010 - 9:41

isf
a priori si je me separe de mon epouse je ne paierai plus l’isf

dans la mesure ou nous ferons chacun une declaration separee

et en precisant bien que nous avons chacun 1 domicile propre

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Anonyme 16 octobre 2010 - 4:39

Exactement
Exactement

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Anonyme 15 octobre 2010 - 10:05

ISF…et son retour !
Si je suis d’accord sur tout ce qui est exposé ci-dessus, on peut se demander s’il n’est pas un peu tard pour cette législature.

En effet, cette idiotie d’ISF serait aussitôt remise en vigueur si le parlement repassait à gauche en 2012, ce qui est envisageable, et pas un seul expatrié pour cause d’ISF ne songerait à revenir, sauf si cet impôt était enfin déclaré anticonstitutionnel. Nous venons de voir que nos « sages » (!) en ont décidé autrement. Pauvre France !

Je connais personnellement plusieurs français résidents en Belgique qui ne sont pas près de revenir au bercail. Ils ont peur, à juste titre, de l’instabilité fiscale française.

Reste donc l’espoir de la justice européenne pour nous débarrasser de ce cancer hérité des socialo-communiste de l’ère mitterrand…

Bravo pour votre combat. Continuez !

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Anonyme 15 octobre 2010 - 10:36

Conseil constitutionnel
Bravo à Mr Lecaussin pour cet article.Il me semble en effet qu’il vient de soulever un lièvre.Il serait judicieux en effet d’examiner si le Conseil Constitutionnel est….Constitutionnel lui-même !

Dominique FELLOT

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Anonyme 15 octobre 2010 - 10:57

ISF
ca fait longtemps qu’ils auraient du le faire fuite de capitaux obligation de vendre son bien le conseil devrait rajeunir ses membres et ne pas dormir lors des questions

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Anonyme 15 octobre 2010 - 12:00

I S F
encore une INSOLENCE..Il s’agit de l’ I S P IMPOT SUR LE PATRIMOINE (I S P ) et non sur la FORTUNE

Pourquoi personne n’avait pense à la COUR EUROPEENNE.

Allez y nous sommes pour

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Anonyme 16 octobre 2010 - 4:05

ISF
il est important d’ecrire à son député pour préciser que l’on ne votera pas pour eux aux prochaines elections s’ils ne supprimment pas l’ISF et le bouclier fiscal

2/ une action à bruxelles peut aussi apporter quelque chose

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Anonyme 16 octobre 2010 - 6:43

imposition des couples
En GB un couple marié peut choisir d’être imposé ensemble ou séparément.

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Anonyme 17 octobre 2010 - 7:33

Petite réflexion personnelle
Le fait que des gens soient obligés de vendre une partie de leur patrimoine pour payer l’ISF semble en contradiction avec l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « …elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ».

Vendre son patrimoine pour payer ses impôts: n’est-ce pas la preuve formelle que la contribution de certains excède leurs facultés financières ?

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Anonyme 5 novembre 2010 - 1:40

ISF ultime recours…
toutes les voie de recours nationales ayant été épuisées, Contribuables Associés n’a plus qu’à saisir La Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Le fera-t-il? Est-ce déjà en cours?

il y a gros à parier que la CEDH donne raison aux classes moyennes françaises, seules concernées par cet Impôt, les véritables grosses fortunes y échappant grâce à une réglementation qui leur est favorable…et qu’elles savent exploiter.

Ou est l’égalité devant l’impôt?

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Anonyme 10 novembre 2010 - 3:07

Nouvel angle d’attaque contre l’ISF
Comme vous l’avez sûrement noté, Olivier Fouquet, président de section honoraire au Conseil d’Etat a publié dans la Revue de droit fiscal sous le titre « L’assiette de l’ISF est-elle constitutionnelle ? » un article qui permettrait d’exploiter une nouvelle faille créée par l’avis rendu suite à la QPC de contribuables associés. En effet, en ne subordonnant pas l’assujettissement des biens à l’existence d’un revenu correspondant, l’avis rendu suite à la QPC disqualifie la quasi totalité des exonérations actuelles (oeuvres d’art, biens professionnels). Si tel était le cas, et qu’il soit ainsi possible de contester les exonérations en vigueur (nouvelle QPC ?), l’effet serait suffisamment destructeur pour que le pouvoir doive soit rapidement passer à une base large et un faible taux, soit qu’il se résolve à supprimer cet impôt scélérat.

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