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La participation obligatoire des salariés aux résultats de l’entreprise appauvrit les actionnaires

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Idée gaulliste s’il en est, la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, instaurée en 1959, avait pour ambition initiale de rapprocher patrons et salariés en leur donnant des intérêts communs. Une récente étude du Centre d’analyse économique tend à montrer que cette participation se fait au détriment des actionnaires. Ainsi, elle contribuerait plutôt à les opposer.

En 1959, en lançant la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, le général de Gaulle avait l’ambition de « trouver pour les entreprises un système qui associe les travailleurs comme la Ve République associe désormais les citoyens ».

D’abord facultative, la participation deviendra obligatoire pour les entreprises de 100 salariés ou plus en 1967, puis à partir de 50 salariés en 1990.

La participation est un coût pour l’entreprise

Le Conseil d’analyse économique (CAE), placé auprès du Premier ministre, dont la mission est « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique », a publié, cet été, une note pour tirer des enseignements de la réforme de 1990 (extension de la participation obligatoire dès 50 salariés).

La note révèle d’abord que la participation a un coût pour les entreprises. Puisqu’il est impossible de compenser cette nouvelle dépense, obligatoire, en ajustant par exemple les salaires à la baisse, certaines cherchent à y échapper en décidant de rester sous le seuil des 50 salariés malgré le manque à gagner induit par ce sous-emploi.

Celles qui décident tout de même de franchir le seuil n’ont pas d’autre solution, les profits ayant baissé au contraire des salaires, que de diminuer les dividendes versés aux actionnaires. La note du CAE montre clairement « un décrochage marqué des profits des entreprises » concernées.

Dans cette opération, les salariés sont donc bel et bien gagnants au détriment des actionnaires, c’est-à-dire le plus souvent, s’agissant de PME, des dirigeants et de leur famille. Cela entraîne, par ailleurs, une petite baisse des recettes fiscales pour l’État (moindre rendement des impôts sur les sociétés et sur les dividendes). Dans le long terme cependant, il n’est pas certain que les salariés en tirent un si grand avantage : la baisse des profits peut conduire à une baisse des investissements et donc à une plus faible productivité, voire à un décrochage par rapport à la concurrence.

Les salariés ne sont pas plus impliqués

Cette obligation pour les entreprises permet-elle, pour reprendre les mots de l’ancien ministre Jacques Godfrain, de « donner à l’homme au travail sa responsabilité et aux tâches accomplies tout leur sens » ?

Il est permis d’en douter à la lecture de la note du CAE qui observe « que la participation obligatoire n’affecte pas significativement la productivité des entreprises ». Pour le dire autrement, les salariés, pourtant mieux rémunérés, ne s’impliquent pas davantage dans leur travail.

Nous espérons que le Gouvernement, à qui la note est d’abord destinée, en tirera les bonnes conclusions, lui qui envisage d’étendre la participation aux entreprises de plus de 10 salariés à partir de 2025 (avec la loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise).

Une vraie réforme serait de supprimer la participation obligatoire, tout comme l’intéressement, autre dispositif gaulliste, pour laisser aux actionnaires l’entière liberté de distribuer, ou non, une part des bénéfices qui leur reviennent par définition.

La participation… si je veux

Étonnamment, c’est aussi ce que proposait un rapport de la Fondation Charles de Gaulle en 2021, intitulé « Un enjeu actuel pour la France : la participation ». Les auteurs suggéraient « de supprimer une large partie des textes, en particulier ceux imposant des obligations qui ne sont plus dans l’esprit d’une responsabilité partagée entre l’entreprise et son personnel. Ainsi, la participation ne serait plus obligatoire ». Selon eux, en effet, si la participation permet de meilleures performances dans l’entreprise, elle sera forcément adoptée.

Si l’État, continuaient les rapporteurs, « n’a comme préoccupation que le pouvoir d’achat, il doit aider les entreprises, par un environnement propice, à augmenter leur productivité, base de l’augmentation des salaires ». Et pour augmenter la productivité des entreprises, ajoutons-nous à l’IREF, il convient de baisser les prélèvements et réduire les réglementations.

Alors oui, libérons les entrepreneurs de la participation et de l’intéressement obligatoires (entre autres). Laissons-les imaginer eux-mêmes les mécanismes permettant de faire bénéficier les salariés des fruits de la croissance, si tel est leur souhait. Les dirigeants de La Redoute, par exemple, ont choisi en 2014 d’associer les salariés au capital. Ceux qui ont alors investi 100 € et retroussé leurs manches pour sauver l’entreprise, ont touché 80 000 € en 2022 au moment de son rachat par les Galeries Lafayette.

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5 commentaires

Serge CIBOXER 28 septembre 2023 - 5:31

La participation vue par De Gaulle c’était en 1959. C’est une version .0; nous sommes 60 ans plus tard ! Mentalités, comportements, aspirations, dérives sociétales diverses, délabrement des valeurs fondamentales, progrès technologiques, ont changé la donne. Il convient donc de faire une sérieuse mise à jour. Au delà, la participation est probablement l’un des meilleurs antidotes à l’exploitation de l’homme par l’homme, cette tumeur maligne marqueur de l’espèce humaine. Les rapports humains sont en bug permanent. Les fautifs étant… les humains eux-mêmes !!! Cherchez l’erreur.

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Louis 28 septembre 2023 - 6:20

Plutôt que la participation, Il est prioritaire de permettre aux salariés de devenir d’authentique actionnaires . Ceci passe d’abord par une pédagogie expliquant l’importance et la nécessité de ceux ci.

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PIERROT 28 septembre 2023 - 6:45

Dans un contexte où la main d’œuvre est à profusion et en quête d’emploi, les propos de cet article sont-ils judicieux?
Dans un contexte de recherche du plein emploi, la participation et l’intéressement ne sont-elles pas des formules appropriées pour les entreprises qui ne veulent pas ouvrir le capital et les décisions aux salariés?
Ne serait-ce pas un leurre de penser que baisser le coût salarial par l’arrêt des participations, car les salariés les plus motivés partiront? Si les salariés les plus motivés partent, qui gagnera? Les actionnaires ne seront-ils pas plus perdants?
Qu’en est-il de la considération de certains dirigeants vis à vis de ces participations, ce qui influe sur le management et donc l’intégration du travail dans le bienfait de l’entreprise ?
Et que penser de la proportionnalité de participations (toutes confondues stock option, parachute, intéressement, . . .) entre les différents niveaux de l’entreprise?
Les salariés actuels n’ont-ils pas plus de capacités qu’hier à déchiffrer certains résultats et comprendre comment le résultat de l’entreprise peut-être fait sur des « pertes d’avenir » donc dommageables sur la vie de l’entreprise à long terme ? ET donc l’effet inverse de ces participations s’en suit?
Ces constructions alambiquées de résultats ne sont-elles pas propices à provoquer des participations disproportionnées, sachant que les plus gros bénéficiaires ne seront pas ceux qui resteront longtemps dans l’entreprise?

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Bonet 28 septembre 2023 - 11:44

En ce qui concerne les participations en entreprise n’y a-t-il pas un peu de naïveté à penser que les actionnaires seraient aussi généreux envers leurs salariés au point de leur attribuer des primes … sans y être obligés ???? Si DeGaulle a mis en place ces obligations c’est bien que pour la majorité des entreprises le bénéfice allait exclusivement dans la poche des actionnaires !!! Argent et altruisme ne font pas bon ménage !!!!

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I-Cube 2 octobre 2023 - 8:43

Et Chez Ricard, ils payaient, grâce à ses dispositifs, jusqu’à 15 mois de salaires hors charges sociales, tel qu’il fallait avoir deux parrains pour être embauché à la belle époque !!!
Et comme disait un ancien PDG de Saint Gobain, personne ne râlait quand j’investissais en Pologne plutôt qu’en France avec les retombées sur ces mécanismes…

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