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La France est-elle une démocratie « illibérale » ?

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L’adjectif « illibéral » a été utilisé surtout à partir de l’année 2010 et comme référence à la Hongrie de Viktor Orban. Pourtant, l’ « illibéralisme » a été théorisé bien avant, dès le début des années 1990.

Pour Pierre Rosanvallon, une démocratie « illibérale » est un Etat « centralisé, bonapartiste ». Il faut se rappeler aussi l’ouvrage de Jean-François Revel intitulé L’Absolutisme inefficace ou contre le présidentialisme à la française (1992). Réquisitoire implacable contre le système politique de la Vème République, ce livre mince (moins de 200 pages) mais, ô combien, concis, riche et complet, dénonçait le paradoxe de l’omnipotence du pouvoir exécutif français devenu avec le temps d’une saisissante inefficacité. Nous vivons dans une « démocrature », tenait à préciser Revel. Il s’agit d’un régime centralisé dans lequel l’Elysée décide à la place de tout le monde et dans tous les domaines. Le journaliste et chercheur américain Fareed Zakaria en a proposé une définition en 1997 : « Une démocratie sans libéralisme constitutionnel qui produit des régimes centralisés, l’érosion de la liberté, des compétitions ethniques, des conflits et la guerre ». Toute ressemblance avec la France n’est peut-être pas fortuite. A part la guerre, la définition donnée par Zakaria s’applique parfaitement à la France.

Nous sommes évidemment dans une démocratie avec un centralisme fort et un Etat qui saigne les contribuables. Pourtant, plus de 50 % des Français ne payent pas l’impôt sur le revenu et une partie de la population vit sur le dos des autres tout en refusant les réformes. L’Etat phagocyte 57 % des richesses du pays mais est incapable de protéger ses propres citoyens et d’assurer l’ordre public. Une minorité violente et privilégiée – les syndicats –s’oppose à tout changement et, au nom du « dialogue social », participe à tous les processus décisionnaires. Le président de la République concentre pratiquement tous les pouvoirs, y compris celui de dissoudre l’Assemblée et d’éjecter le Premier ministre alors qu’il reste intouchable au sommet de l’Etat. Notre système avec un double exécutif a été copié par d’autres démocraties « illibérales » comme la Roumanie. La société civile est étouffée par les organisations dites « représentatives » qui ne représentent que de petites minorités. Un ministère, Bercy, décide de la politique fiscale du pays et soumet les contribuables à un contrôle dictatorial. Au nom de la « lutte contre a fraude fiscale », il est même question de surveiller les profils des individus sur les réseaux sociaux comme le faisait la STASI. Des hauts fonctionnaires issus de l’ENA sont présents dans toutes les sphères du pouvoir, surtout dans les cabinets ministériels où ils peuvent influencer les choix des ministres.

Un organisme de contrôle comme la Cour des Comptes est ignoré par les administrations et les décideurs politiques malgré des rapports extrêmement sévères. De même, c’est en France que des fonctionnaires de l’Assemblée nationale bénéficient de rémunérations impressionnantes et d’énormes privilèges tout en refusant de communiquer au rapporteur spécial les vraies grilles salariales et le budget de plusieurs associations liées à l’Assemblée. C’est bien en France qu’a été votée une loi contre les fake news, ce qui confère aux médias « traditionnels » le monopole de la vérité bien que les journalistes bénéficient de nombreux avantages fiscaux, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays.

Que dire aussi de notre passion pour les « boucs émissaires », de l’Europe « ultralibérale » à la mondialisation, en passant par l’Amérique et les multinationales ? Et de ce fameux « prurit antilibéral » comme l’appelait Raymond Boudon, cette maladie dont on n’arrive pas à guérir ? Les récentes violences et l’incapacité du pouvoir politique à y répondre ont bien prouvé que la France pourrait très bien être considérée aujourd’hui comme membre du club des démocraties « illibérales ».

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