Créé en 2014, le dispositif Pinel, du nom de Sylvia Pinel, ministre du Logement sous la mandature de François Hollande, devrait s’éteindre l’année prochaine. En pleine crise de l’immobilier et à l’heure où les taux d’intérêt sont si hauts que les Français ne peuvent plus emprunter, il est temps d’étudier l’impact de cette dépense qui a déjà coûté 7 milliards d’euros au contribuable depuis sa création.
Depuis plus de trente ans, les exonérations d’impôts touchant le secteur de l’immobilier se sont succédé. Scellier, Censi-Bouvard, Cosse, Duflot, Girardin, pour ne citer que les plus récentes. Parfois elles se sont même chevauchées. En plus de quarante ans, le rythme annuel de la production de logements s’est élevé à 1,1 % par an (pour un stock total de 36,6 millions en 2022), un chiffre manifestement insuffisant pour couvrir la demande puisque, malgré une démographie en berne, la « décohabitation », c’est-à -dire le morcellement des familles, entraîne un besoin toujours plus élevé de nouveaux logements.
Alors qu’entre 2017 et 2022, la moyenne annuelle des nouvelles habitations mises sur le marché s’était établie à 430 000, selon le ministère de la Transition écologique, seuls 369 300 logements ont été autorisés à la construction entre février 2023 et janvier 2024, soit 23,3 % de moins que pendant les douze mois précédents et 19,9 % de moins qu’avant la crise sanitaire, une chute catastrophique mesurée par le graphique suivant :
 Des effets non évalués, apparemment très limités
Les conditions du dispositif Pinel ont évolué dans le temps. Pour les résumer, elles permettent à un investisseur individuel de bénéficier d’une réduction d’impôts s’il achète un logement neuf ou ancien, qu’il réhabilité et loue, situé en zone tendue[1], soit soumis à un loyer plafonné, soit loué à une personne dont les revenus ne dépassent pas un certain seuil. Cette réduction d’impôt était initialement de 12, 18 et 21 % (selon la durée de la location six, neuf ou douze ans), elle a ensuite été abaissée à 9,11 et 14 %.
Première surprise : selon la Cour des comptes, qui a publié un rapport sur la question à l’automne 2024, « ni la direction générale des finances publiques (DGFiP), ni la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ne sont en mesure de fournir un chiffre consolidé du nombre de logements construits ou rénovés grâce au dispositif ».
Ni la Cour ni personne d’autre d’ailleurs n’en est capable. La Cour donne un chiffre compris entre 42 500 et 550 000… Il est, en revanche, possible de comparer l’évolution du marché de l’immobilier entre 2014 dans les zones B2, sorties du dispositif en 2018, et la zone B1, dont les caractéristiques sont assez proches (les « zones » administratives d’une communes sont établies en fonction de la tension en matière d’habitat, par ordre décroissant de A à C). Terrible constat : le marché évolue de la même manière dans les deux cas, sans que la fin de l’exonération fiscale change la donne en zone B2.
Comme le reconnaît d’ailleurs la plus haute juridiction financière française, l’investissement s’est révélé assez peu rentable pour ceux des particuliers qui se seraient laissés tenter, surtout situés dans le dixième décile de l’échelle des revenus (c’est-à -dire le plus élevé), et ce notamment à cause du plafonnement des loyers. C’est, en fait, l’éventuelle plus-value à la revente du bien qui a constitué le gain réel de l’opération, en fonction, naturellement, du flair des propriétaires.
Un modèle fiscal obsolète, parmi les plus confiscatoires des pays développés
Selon une étude de l’Union sociale pour l’habitat, le besoin en logements neufs devrait atteindre 518 000 par an d’ici 2040, alors que la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) table plutôt sur 449 000. Quoi qu’il en soit, ces chiffres sont bien au-dessus des niveaux actuels et laissent prévoir un déficit d’accès au logement, aggravé par l’adoption de la loi ZAN, qui engendre une augmentation des loyers.
En 2023, comme le note le ministère du Logement, le secteur immobilier a généré 379 Mds€ d’activité et acquitté plus de 93 Mds€ d’impôts et taxes en tous genres, et ce malgré une dépense fiscale de 15,7 Mds€, dépense appelée à baisser avec la fin du dispositif Pinel. On y retrouve notamment 2,3 Mds€ d’IFI, 19,1 Mds€ de droits de mutation et 28,4 Mds€ de taxe foncière.
La Cour des comptes, dans un autre rapport, note que la France est le pays européen qui impose, le plus fortement, et obstinément, la propriété avec une pression fiscale de l’ordre de 2,2 % du PIB, un chiffre bien supérieur à celui du Danemark (1,9 % du PIB), de l’Italie (1,3 %) et de l’Allemagne (0,4 % du PIB).
En mitant l’assiette des impôts fonciers, les dépenses fiscales (c’est-à -dire les niches qui réduisent l’impôt)  et singulièrement le dispositif Pinel, poussent à l’augmentation démesurée des impôts, croissance qui est l’une des causes principales, avec la remontée des taux d’intérêt due au retour de l’inflation, de la crise que nous connaissons. Sans rationalisation de la dépense publique et de l’organisation des collectivités locales, il sera difficile de desserrer l’étau qui étouffe les propriétaires.
[1] À partir de 2019, le périmètre géographique du dispositif a été limité aux zones A bis, A, et B1, soit l’Île-de-France, la Côte d’Azur, les Outre-mer et les grandes aires métropolitaines.