Augmenter les recettes fiscales pour réduire les déficits : ce n’est certes pas la bonne méthode, surtout quand les impôts frappent par priorité les hauts revenus. A partir des rapports des correspondants de l’IREF dans divers pays européens, Vesselina Spassova, chercheur à l’IREF, dresse l’inventaire de cette « traque aux riches ».
La crise de la dette fait travailler l’imagination de nos gouvernants qui s’efforcent d’inventer des tours de magie pour remplir les caisses vides de l’Etat. Sans surprise, aux Etats-Unis, aussi bien qu’en Europe, de nombreuses voix se sont élevées pour exiger une contribution supplémentaire de la part des « riches ». Curieusement, certains de ces riches, comme Warren Buffet aux Etats-Unis ou Mme Bettencourt en France, ont accueilli chaleureusement cette idée, en dénonçant un système fiscal qui les empêcherait de contribuer au pot commun à la hauteur de leur conception de l’équité.
Il est pourtant clair qu’une telle contribution supplémentaire serait largement insuffisante pour combler les dettes énormes et les déficits récurrents qui rongent les Etats. Mais taxer les riches reste une « solution» facile à offrir à des citoyens inquiets ; elle a le mérite de permettre de gagner un peu de temps avant le crash (ou les élections suivantes). Il n’est donc pas si étonnant de constater que plusieurs des états membres de l’UE ont d’ores et déjà adopté de telles mesures fiscales, en introduisant des impôts supplémentaires ou bien en augmentant simplement le taux marginal d’imposition.
La France a fait le choix d’une taxe supplémentaire sur les hauts revenus – 3% au-delà de €250 000 annuels et 4% pour les revenus supérieurs à €500 000 – qui sera applicable dès cette année, mais qui devrait être temporaire, jusqu’à ce que l’Etat retrouve sa capacité de confiner le déficit budgétaire dans la limite de 3% imposée par le traité de Maastricht. Elle est supposée donc (de façon un peu optimiste) rester en place jusqu’en 2013. Cette mesure s’inscrit dans la lignée de l’augmentation en 2010 du taux marginal de l’impôt sur le revenu, de 40 à 41%, et de l’augmentation du taux de prélèvement social sur les revenus et produits du capital de 12.3% à 13.5%.
Le même exemple est suivi par le Portugal : augmentation du taux marginal de l’impôt sur le revenu de 42% à 46.5% en 2011 et à 49% en 2012 (concerne les revenus supérieurs à €153 000 annuels). Au Royaume-Uni, l’augmentation du taux d’imposition marginal a aussi été spectaculaire – il est passé de 40% à 50% en 2010 (pour les revenus supérieurs à £150 000 par an). Dans le même esprit, l’Italie a introduit une contribution supplémentaire de 5% pour les revenus supérieurs à €300 000. Ceci ramène le taux marginal d’imposition à 48%. A ce taux, il faut ajouter les taxes supplémentaires aux niveaux municipal et régional, qui alourdissent encore l’addition d’environ 2 à 3%.
D’autres états membres n’ont pas encore franchi le pas, mais l’idée de surtaxer les riches est discutée dans l’espace public. Au Danemark par exemple, deux des trois partis de la coalition au pouvoir récemment formée ont proposé l’introduction d’une « taxe sur les millionnaires » qui chargerait de 6% supplémentaires les revenus qui dépassent 1 million DKK par an (€133 333) et ramènerait ainsi le taux marginal d’imposition à 61.5%. Cette proposition, faite avant les élections en octobre dernier, lorsque les partis en question étaient encore en opposition, a été finalement suspendue grâce au troisième parti membre de la coalition. Il est question maintenant d’une réforme fiscale « sociale », qui diminuerait « considérablement » l’impôt sur les revenus du travail. En attendant, le taux marginal d’imposition reste parmi les plus élevés au monde – 56.1%, assorti à un seuil de revenus très bas – €56 500 par an.
En Allemagne, les sociaux-démocrates sont aux débuts d’une campagne ayant pour objectif l’adoption d’un impôt plus élevé pour les hauts revenus. Deux propositions sont considérées – l’augmentation du taux marginal d’imposition de 42% à 45% pour les revenus supérieurs à €60 000 (ce qui impliquerait une réduction du seuil d’imposition actuellement en vigueur) ou bien une augmentation encore plus importante – 49%, mais en conservant le seuil actuel qui est fixé à €100 000 par an. On remarquera que ce sacrifice fiscal imposé aux hauts revenus a pour contrepartie l’annonce cette semaine d’une baisse globale des prélèvements fiscaux de 6 milliards d’euros.
En Belgique, une augmentation de l’impôt sur les revenus d’intérêts est à prévoir – il devrait passer de 15% à 20% ou peut-être même à 25%. On parle également d’une taxe sur les plus-values. En Suède, où le taux marginal d’imposition reste le plus élevé dans le monde (67%), certains leaders de l’opposition ont essayé, en vain, de faire la promotion d’une contribution supplémentaire des hauts revenus.
La propagande anti-riches a même touché certains des nouveaux états membres, qui sont pourtant habituellement adeptes du libre marché et de l’impôt modéré. En Lituanie, par exemple, la flat tax de 15% est remise en cause et actuellement les parlementaires lituaniens discutent le retour à l’imposition progressive.
Heureusement, il n’en est pas question dans la plupart des pays de l’Est. La Bulgarie s’en tient à ses 10% de flat tax sur les revenus et sur les bénéfices. Et la Slovaquie va même à contrecourant – le Parlement doit, dans les jours qui viennent, voter une proposition qui réduit de fait le taux marginal d’imposition, en permettant aux plus riches de déduire une partie de leur revenu du montant imposable.
De bonnes nouvelles nous parviennent aussi des Pays-Bas, où le ministre des finances a proposé l’introduction d’une flat tax pour les entrepreneurs, remplaçant ainsi le système d’impôt progressif allant jusqu’à 52%. Ceci pourrait être, espérons-le, un pas vers la flat tax pour tous les contribuables. Enfin, le Luxembourg a supprimé la « contribution exceptionnelle de crise» introduite pour l’année 2011. Cette contribution de 0.8% s’appliquait aux revenus du travail, les revenus de remplacement et les revenus de l’investissement perçus au Luxembourg. Le taux d’imposition effectif pour les individus est ainsi ramené à 41.34% en 2012.
Ces quelques bonnes nouvelles redonnent de l’espoir, du moins à ceux d’entre nous qui croient que la sortie de la crise ne passe pas par plus d’impôt, mais par moins de dépense publique.
(Ce texte est publié aussi dans la version anglaise du site www irefeurope.org).
4 commentaires
impot et richesse extrême
La vrai question n’est pas savoir si l’on doit taxer plus ou moins les riches que les autres, mais de savoir qu’elle est l’intérêt d’amasser autant d’argent qu’une vie, ou plusieurs générations même, ne pourront suffir à dépenser.
Mais avec le système actuel, et en l’accentuant encore, en taxant beaucoup plus les extrêmements riches, l’argent revient tout de même à la société entière, tout en leur laissant assez de moyen pour subvenir à tous leurs caprices les plus fous.
CD
Quel est l’intérêt de
Quel est l’intérêt de collectionner des timbres ou de se passionner pour les voyages lointains? On est pas dans la peau des autres et ce qui parait important à leurs yeux peut-être minime aux notres. Néanmoins, est-ce que cela me donne le droit de confisquer votre collection de timbres ou de vous empêcher de faire le tour du monde? Il s’agit de liberté individuelle, ni plus ni moins. Et aussi d’incitations économiques. De plus, comme explique l’article, surtaxer les riches n’est en aucun cas une voie de sortie de la crise, c’est du populisme à l’état pur…
Partage des richesses
Cela sert-il de taxer encore et encore, mais il y a une question que l’on ne souléve pas ici, les travailleurs ayant permis d’amasser cette richesse ont-ils été suffisamment payés ou récompensés?
Il est bon d’être riche mais dans la reconnaissance des mérites de l’autre.
Zidane est-il vraiment justement payé par rapport aux smicards qui sont venus l’applaudir?
Si tel chanteur est si riche, les disques ne sont-ils pas trop chers?
Partage des richesses
Je pense que vos exemples (Zidane ou un chanteur) ne sont pas les plus adaptés, car dans ces cas, on peut choisir ce qu’on veut leur donner (en partie).
Le problème c’est la plupart des autres situations où on n’a pas le choix, face à des groupes organisés (médicaments, matériaux de construction, …). On ne peut pas dire « je ne veux pas acheter chez vous car j’estime que vous rémunérez trop vos cadres non productifs », parce que le concurrent fait exactement pareil.