Le président argentin Javier Milei est en bonne voie pour gagner la guerre contre l’inflation, victoire cruciale pour rebâtir une économie durablement prospère. Il voudrait rendre cette victoire définitive… par voie législative.
Le chiffre officiel de l’inflation mensuelle de décembre 2024 en Argentine vient de tomber. Il est légèrement décevant, à 2,7%, c’est la première fois depuis l’accession au pouvoir de Milei qu’il ne bat pas la marque du mois précédent.
Indice des prix mensuel en Argentine, chiffres officiels (INDEC)
Cela dit, sur 12 mois glissants, les 12 premiers de Milei au pouvoir, la baisse est sensible puisque depuis son pic du printemps à 289%, la hausse des prix est redescendue à 118%, un progrès notable aussi par rapport au mois précédent. Rappelons que juste avant son accession au pouvoir, le taux mensuel culminait à 25% et que personne ne pouvait prévoir jusqu’où il pourrait monter.
Taux d’inflation cumulé sur 12 mois (INDEC)
Ce taux de 118% avec une pente en très forte amélioration est à comparer aux 211% cumulés sur les 12 mois de 2023 avec une inflexion parabolique inquiétante que Milei a retournée en seulement 4 mois. À noter que les gauches mondiales se gaussent du chiffre de 117% sans tenir compte, en toute mauvaise foi, du retournement opéré.
Historique de l’inflation en Argentine, trading economics
Si le taux de 2,7% venait à être reconduit sur 12 mois, l’inflation résultante serait de 37%, chiffre non atteint depuis août 2018. C’est évidemment en net progrès par rapport à l’époque péroniste, mais cela reste encore insuffisant et Milei a encore du travail pour terrasser l’hydre inflationniste. Nul doute qu’il mettra tout en œuvre pour améliorer cette performance en 2025.
Milei veut criminaliser le financement des déficits par l’impression monétaire !
Milei voudrait en effet aller plus loin et rendre la victoire contre l’inflation définitive : il n’envisage rien de moins que de criminaliser, de façon imprescriptible, l’usage de la création monétaire par les dirigeants politiques et la Banque centrale pour compenser les déficits budgétaires. Dès février 2024, il annonçait vouloir présenter une loi en ce sens au Parlement. Faute de majorité, il n’a pas pu le faire, mais gageons que si les législatives de 2025 lui sont favorables, il remettra cette proposition sur la table.
Nos politiciens et notre presse, très étatistes, y verront une tentative de putsch anti démocratique contre la capacité d’un gouvernement à utiliser la dépense publique, et le grand public européen, peu habitué à une telle rhétorique, pourrait y voir une forme d’extrémisme. Mais pourtant, cette proposition est tout à fait concevable. Comme l’explique l’économiste Jesus Huerta de Soto, la monétisation des déficits, en dépréciant la monnaie, prélève un impôt caché sur l’ensemble de la population, impôt qui n’est voté par personne. Elle constitue donc un déni de démocratie, quand bien même peu de gens en ont conscience.
En outre, cette dépréciation monétaire est très inégalitaire. Elle affecte peu ceux qui bénéficient de l’argent en premier, à savoir le secteur financier connecté à la Banque centrale, et l’État, instigateur de la monétisation. Mais lorsque cet argent atteint la société civile, notamment les plus modestes, il a déjà perdu une part importante de sa valeur.
Si les politiciens peuvent recourir à la solution de facilité qu’est la monétisation du déficit, alors rien ne les empêche de dépenser cet argent de façon stupide, clientéliste, ou malhonnête. A contrario, un État contraint de financer son déficit uniquement par l’emprunt obligataire est tenu de conserver une gestion crédible, faute de quoi les emprunteurs lui réclament des taux d’intérêts qu’il ne peut plus supporter. De fait, ce sont les déficits excessifs qui sont anti-démocratiques, démagogiques et populistes. La monétisation des déficits publics n’est que du faux-monnayage. La proposition de Milei est donc parfaitement sensée.
La lutte contre l’inflation, mère de tous les succès économiques
Au-delà de ces considérations de pure théorie économique, l’inflation n’est pas qu’une statistique, elle est destructrice des conditions de vie. En Argentine, il était difficile pour tous les ménages de se procurer des billets de banque afin d’effectuer leurs achats quotidiens, les distributeurs étant constamment en pénurie. Et la pauvreté galopante poussait une part croissante de la population vers des activités criminelles, si possible rémunérées en dollars (cf l’excellente série d’articles dans « le Point » – décembre 2024).
Malgré les critiques de la gauche sur ce terrain, la trajectoire des taux de pauvreté a été également infléchie à la baisse à partir du printemps 2024, retrouvant les niveaux, certes fort peu satisfaisants intellectuellement, de début 2023. Et pour la première fois, une vraie perspective de plongée de la pauvreté semble se dessiner.
Taux de pauvreté et d’indigence en Argentine
Vaincre l’inflation est le préalable indispensable pour créer les conditions d’une prospérité future. Déjà, la prime de risque demandée par les emprunteurs sur les obligations argentines a considérablement diminué, même si elle reste encore plus élevée que celle des autres pays d’Amérique latine. De plus, une inflation maîtrisée signifie un retour à l’accès au crédit pour nombre d’entreprises argentines, notamment les plus petites d’entre elles, et les investisseurs semblent retrouver confiance dans l’avenir du pays, ouvrant la voie à la création de nouveaux emplois dont il a besoin.
Prime de risque (en Bps) sur les obligations argentines, Reuters
Les différents prévisionnistes ne s’y trompent pas et estiment qu’après une année 2024 en récession, la croissance devrait se situer entre 3 et 5% en 2025, voire 6% pour les plus optimistes. Mais pour que ce succès se confirme, il faut qu’il soit perçu comme durable par les investisseurs, d’où la proposition de bannir à jamais la possibilité de monétiser les déficits publics pour éloigner le spectre de l’hyperinflation.
Et en Europe ?
Rappelons que la FED ou la BCE pratiquent, de façon certes plus subtile qu’un gouvernement péroniste argentin, une monétisation partielle des déficits de leurs États de tutelle, en se positionnant comme acheteurs de dernier ressort des titres de dette publique émis par les gouvernements.L’État français, très mauvais élève de la zone Euro en termes de contrôle de ses déficits, a été grand bénéficiaire de cette pratique depuis 2010. Si la BCE a cru pouvoir maintenir ce phénomène dans des limites raisonnables, l’épisode d’inflation post-covid que nous avons connu entre 2021 et mi 2024 devrait nous servir d’alerte : en cas de perte de contrôle de nos déficits, nous pourrions connaître un dérapage inflationniste difficile à maîtriser. Et aucun dirigeant français n’a été inquiété pour s’être essuyé les pieds sur les clauses antidéficits du traité de Maastricht !
Aussi, comme l’Argentine, l’Union européenne et ses États membres devraient sérieusement se pencher sur un renforcement des lois antidéficits excessifs et sur la responsabilité des dirigeants qui les enfreignent.
1 commenter
Nous devrions adopter la même démarche pour la dette qui est un impôt différé non démocratique car à l’insue des contribuables!