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Inclusion bancaire : le marché plus efficace que l’État !

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Inclusion bancaire ? Que se cache-t-il derrière cette expression qui sent le jargon administratif à plein nez ? Si l’inclusion est le contraire de l’exclusion, alors l’inclusion bancaire s’oppose à l’exclusion bancaire.

Sans banque, pas de vie sociale

Un économiste, Georges Gloukoviezoff, dans un ouvrage de 2008, définissait celle-ci de la manière suivante : « L’exclusion bancaire et financière concerne les personnes rencontrant de telles difficultés d’accès ou d’usage dans leurs pratiques bancaires qu’elles ne peuvent pas ou plus mener une vie sociale normale ».

Il est vrai qu’aujourd’hui ne pas posséder de compte bancaire peut être un réel handicap, car c’est ne pas pouvoir émettre ni recevoir de chèques et de virements, c’est ne pas avoir de carte bancaire, c’est ne pas pouvoir accéder au crédit, c’est ne pas avoir accès aux différents produits d’épargne, c’est ne pas pouvoir recevoir de salaire…

Les personnes peuvent être exclues des banques pour de multiples raisons : surendettement, accumulation de découverts, coûts des services bancaires, revenus insuffisants, etc. La numérisation accrue des banques a également pour conséquence d’exclure toute une partie de la population, par exemple les personnes âgées qui ne sont pas à l’aise avec l’outil numérique.

Mais on peut se demander si l’État ne participe pas activement à cette exclusion bancaire. En faisant la chasse à l’argent liquide, sous couvert de lutte contre le terrorisme et le blanchiment, les pouvoirs publics contraignent, en effet, de plus en plus de personnes à être dépendantes des banques, et donc à être de potentiels exclus bancaires.

Le temps des bas de laine, des billets de banque rangés sous le matelas, et du facteur passant à domicile régler en liquide la pension des retraités est définitivement derrière nous.

Des lois contre l’exclusion bancaire

Comme nous sommes en France, l’État s’est bien évidemment intéressé au problème (qu’il a donc en partie créé) et a pondu des lois pour éviter l’exclusion bancaire.

En 1984 est instauré le droit au compte qui permet à toute personne de bénéficier d’un service bancaire minimum. Modifié de nombreuses fois depuis son entrée en vigueur, ce droit au compte ne s’arrête pas à l’ouverture d’un compte de dépôt. Il comprend tout un package de services de base jugés indispensables, comme la délivrance de relevés d’identité bancaire (RIB), les dépôts et retraits d’espèces, la mise à disposition d’une carte de paiement, la domiciliation de virements, etc. Tous ces services sont alors gratuits. Le droit au compte a même été étendu à l’ouverture d’un Livret A.

C’est la Banque de France qui a été chargée de faire appliquer ce droit. Comme elle l’indique sur son site internet, elle met en œuvre « la procédure légale du droit au compte qui permet à toute personne ne disposant pas d’un compte bancaire ou dont le compte a été clôturé de se faire désigner un établissement de crédit tenu de lui ouvrir un compte bancaire ». En 2018, 45 000 personnes ont bénéficié de cette procédure.

Par ailleurs, une loi de 2013 a créé un Observatoire de l’inclusion bancaire, présidé par le gouverneur de la Banque de France. Cet observatoire a notamment promu une offre spécifique pour les personnes en situation de fragilité financière. Rendue obligatoire en 2014, cette offre spécifique doit être proposée par les banques à leurs clients jugés fragiles, c’est-à-dire ayant été inscrits au fichier central des chèques (FCC) de la Banque de France pendant plus de trois mois consécutifs pour chèques impayés ou ayant été déclarés recevable à la procédure de surendettement. Cette offre est à prix réduit – 3 euros maximum par mois – et comprend un minimum de services comme une carte de paiement à autorisation systématique, le dépôt et le retrait d’espèces dans l’agence de l’établissement teneur du compte, quatre virements mensuels, deux chèques de banque par mois, etc. Selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire, 384 000 personnes en ont bénéficié en 2018 (+ 10 % par rapport à 2017).

Enfin, on ne serait pas complet sans mentionner la mission d’accessibilité bancaire confiée à La Banque postale. Une convention pluriannuelle entre l’État et La Banque postale, prévoit que cette dernière a les obligations suivantes :
• ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande ;
• effectuer gratuitement les opérations de dépôt et de retrait à partir de 1,5 euro (contre 10 euros dans les autres réseaux) ;
• permettre à son titulaire d’effectuer des opérations de versement et de retrait dans tous les bureaux de poste ;
• accepter à titre gratuit les domiciliations de virements et de prélèvements de certaines opérations (minima sociaux, factures de gaz et d’électricité…) ;
• proposer gratuitement les services complémentaires suivants : virement sur le compte à vue du titulaire du Livret A, chèque de banque tiré au profit du titulaire du Livret A, mise à disposition d’une carte de retrait utilisable dans les DAB/GAB de La Banque postale.

Pour cette mission d’accessibilité bancaire, La Banque postale a perçu, au titre de la convention pluriannuelle 2015-2020, 1,83 milliard d’euros de la part de l’État.

Économiser près de 2 milliards d’euros

Il nous semble qu’aujourd’hui le marché offre des solutions qui répondent aux critères d’inclusion bancaire. De nouveaux acteurs sont apparus qui bouleversent la banque traditionnelle.

N26, par exemple, née à Berlin, en Allemagne en 2013. Présente en France depuis 2015, elle y compte désormais plus d’un million de clients. C’est une banque en ligne, qui n’a pas d’agences physiques, et dont les services sont accessibles à partir d’un téléphone portable. Certes, avec N26, l’accessibilité bancaire est réservée aux détenteurs d’un smartphone, mais qui n’en a pas aujourd’hui ? Même la personne qui fait la manche en bas des bureaux de l’IREF en possède un ! L’offre de base de N26 comprend une carte de débit Mastercard, les paiements par carte sans frais dans toutes les devises, cinq retraits d’argent liquide par mois en euros, le tout gratuitement.

On peut citer également Orange Bank qui offre gratuitement une carte Visa, les retraits d’espèces, le paiement par mobile, un livret d’épargne, l’assurance perte et vol de moyens de paiement, etc. Orange Bank offre en outre l’avantage de pouvoir disposer de certains services, certes payants, dans près de 300 agences Orange habilitées partout en France. A ce jour, Orange Bank a séduit 500 000 clients.

Enfin, il convient d’évoquer Nickel, créé en 2014, qui s’appuie aujourd’hui sur un réseau de 5 500 bureaux de tabac partenaires, dont 40 % sont situés en zone rurale. D’ailleurs, la Confédération des buralistes est actionnaire de l’entreprise aux côtés de BNP Paribas. Nickel rassemble plus de 1,5 million de clients. Pourtant, l’offre de base est payante, en partie parce qu’elle sert à rémunérer les buralistes. Ainsi, pour 20 euros par an, les clients de Nickel bénéficient d’une carte de paiement Mastercard, de l’émission et la réception de virements, de la mise en place de prélèvements, etc. Nickel permet aussi de retirer des espèces chez un buraliste, moyennant une commission de 50 centimes par retrait.

On le voit, les offres sont nombreuses et présentent une multiplicité de services, souvent complémentaires. Par exemple, si les services de Nickel sont payants, c’est parce qu’ils s’appuient sur un réseau de débitants de tabac. A l’inverse, les services proposés par N26 sont gratuits mais accessibles exclusivement en ligne. Et d’autres offres existent. On aurait pu mentionner Anytime, C-Zam, Eko by CA, Ma French Bank, Qonto, Revolut, etc.

La multiplication de ces « néobanques » permet l’accessibilité bancaire et le droit au compte sans intervention de l’État. D’ailleurs, la plupart de ces banques n’exigent pas de revenu minimum et ne pratiquent aucune discrimination à l’entrée. Elles ne coûtent rien à l’État – contrairement à La Banque postale –, mais lui rapportent de l’argent. Nickel, par exemple, a réalisé 6 millions d’euros de résultat en 2019, et table sur 12 à 15 millions en 2020. La banque paie donc l’impôt sur les bénéfices, et s’acquitte en outre de multiples impôts annexes.

Alors que la convention pluriannuelle entre l’État et la Banque postale prend fin cette année, certains parlementaires se demandent si ce n’est pas l’occasion de mettre cette dernière en concurrence. Mais ne serait-ce pas plutôt l’occasion d’économiser le 1,83 milliard d’euros que l’Etat lui verse, en mettant fin purement et simplement à cette convention et à cette mission d’accessibilité bancaire ? Et plus généralement, ne peut-on se demander si le droit au compte mérite de figurer encore dans la loi ? Car, nous l’avons vu, aujourd’hui, le marché fait mieux que l’État en matière d’inclusion bancaire.

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1 commenter

zelectron 24 mars 2020 - 7:48

la suppression des banques ?
David Chaum avec DigiCash avait réussi (presque) à éliminer les banques sauf qu'elles ont réagit et l'ont mise à genoux !

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