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Il a eu cette idée folle, de réinventer l’école. Sacré Milei !

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Tout va très vite et très fort en ce moment, dans l’Argentine de Milei,sur à peu près tous les plans. Comment évolue le système éducatif, secteur crucial s’il en est, sous la présidence de celui qui passe tantôt pour un génie tantôt pour un fou ? Qui est encensé autant que décrié ? Beaucoup de facteurs contradictoires rendent tout verdict encore prématuré.

Peut-être serait-il bon que nous effectuions – à grands coups de serpe – un premier état des lieux de l’école avant la prise de fonction de Milei. C’est peu de dire que le système scolaire argentin était depuis longtemps à l’agonie. Les résultats obtenus en 2018 aux tests Pisa étaient pour le moins préoccupants, les élèves se situant en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE et cela sans même prendre en compte leur abyssale disparité selon les provinces : dans les  terres agricoles enclavées, les élèves sont par exemple à 88 points derrière leurs camarades scolarisés à Buenos Aires ou à Mendoza. Cet écart correspond peu ou prou à trois années de scolarisation perdues.

À ces problèmes s’ajoute une violence endémique qui ravage les établissements. Nombreux sont les élèves à subir, au mieux des brimades, au pire des violences systématiques. Côté infrastructures, rien de bien joyeux non plus. Un rapport de l’UNICEF daté de 2022 révèle que 20% des écoles publiques (surtout celles qui sont situées en zones rurales) n’ont pas accès à l’eau potable et que 30% d’entre elles ne sont toujours pas équipées de sanitaires adéquats. C’est dans ce climat d’urgence qu’interviennent les réformes engagées par Milei. A la tronçonneuse !

Que s’est-il passé depuis le 10 décembre 2023 ?

Première nouvelle qui n’en est pas vraiment une, le budget de l’Education fut, comme les autres, réduit de 30% en 2024, passant de 120 milliards à 84 milliards de pesos (environ 78 millions d’euros –inflation oblige), les salaires des enseignants diminuèrent d’1/5ème et plus de 1.000 programmes éducatifs subirent des coupes budgétaires qui touchèrent en priorité le système éducatif spécialisé. Alors certes, on peut se demander s’il est bien utile de disposer d’un millier de programmes, surtout que, bien souvent, less is more comme disent les Anglais… Toutefois, si la simplification semblait nécessaire, il y eut des coupes parfois un peu hâtives et c’est peut-être là où le bât blesse. Selon le journal El Diario de Córdoba, certains programmes d’utilité publique tel celui de la « Educación Especial para Todos » virent leur financement réduit à peau de chagrin, ce qui conduisit à la fermeture de centres spécialisés. Il est incontestable aussi que les infrastructures situées en zones rurales pâtissent du désengagement de l’Etat. C’est qu’il est difficile de suffisamment motiver des investisseurs privés pour qu’ils viennent s’installer au sein de régions pauvres et enclavées. Quelles perspectives leur assurer ?

De l’autre côté du miroir, au sein des vastes métropoles, la politique de Milei a indéniablement vivifié le secteur de l’éducation privée. En moins d’un an, les ouvertures de nouveaux établissements ont augmenté de près de 15%, ce qui représente, la création de près de 3.200 nouvelles institutions ! Un système de « vouchers » fut organisé afin de permettre aux familles de choisir l’école privée dans laquelle elles souhaitent scolariser leurs enfants tout en bénéficiant d’une aide financière de l’État. Ils peuvent couvrir jusqu’à 70% des frais. Ainsi Milei est-il moins contre la distribution d’argent que contre la distribution d’argent non ciblée.

L’enseignement supérieur bousculé lui aussi

L’enseignement supérieur, lui non plus, ne fut pas épargné par la déréglementation. Les universités publiques ont connu une baisse de leur budget de l’ordre de 40% et certains départements furent même contraints de fermer à l’instar de celui de sociologie à l’Université de Buenos Aires (UBA). Quant aux frais d’inscription, ils sont passés de 1.000 à 5.000 pesos par an (soit… 5 euros par année).

D’un autre côté, la libéralisation du domaine des savoirs permit à plus de 50 startups éducatives de s’établir sur le marché. Ainsi « EduTech Argentina », basée à Mendoza, propose-t-elle des cours en ligne interactifs à plus de 200.000 étudiants, ainsi les partenariats entre grandes entreprises et écoles ne cessent-ils de se multiplier afin qu’enseignement et monde du travail puissent multiplier les passerelles.

La population dubitative mais pas d’opposition massive

Qu’en pense la principale intéressée, à savoir la population ? Les réactions ne sont pas vraiment claires. L’annonce des réformes fut accueillie avec une certaine réticence (plus de 500.000 personnes participèrent à une manifestation nationale) mais le corps enseignant n’a comptabilisé « que » douze journées de grève  en 2024. Ce qui reste modeste en comparaison des grandes grèves « à la française ».

Les économistes restent réservés

Si les économistes restent encore divisés sur ces réformes, il sera intéressant de se pencher sur les résultats, dans quelques années. L’économiste argentin Eduardo Levy Yeyati est intimement persuadé qu’elles pourraient, à long terme, stimuler l’efficacité du système éducatif en misant tout sur la concurrence accrue et l’innovation. Alors qu’une autre personnalité, Marina Dal Poggetto, professeur d’économie à l’UBA, déplore l’augmentation des inégalités entre quartiers déjà « paupérisés » et ceux qui sont relativement plus argentés.

S’il ne fallait retenir qu’une seule expression de cette réforme, ce serait celle-ci : « au long terme ». C’est tout à la fois un espoir et une promesse d’amélioration future. Actuellement, cette libéralisation de l’école semble, en effet, pénaliser les plus démunis mais le milieu éducatif était dans un tel état d’incurie avant l’arrivée de Milei qu’on ne savait de toute manière plus très bien jusqu’à quand il pourrait tenir. Peut-être faut-il en passer par ce débroussaillage vigoureux pour qu’il retrouve un peu de vigueur.

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