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Faut-il surtaxer les voitures électriques chinoises ?

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Pékin alloue des aides publiques massives à ses industriels qui produisent ainsi en excès et à bas prix, ce qui leur permet et les incite à faire du dumping déloyal à l’exportation au détriment de nos marchés. Mais l’Occident ne se pénaliste-t-il pas lui-même en surtaxant les produits chinois ?

La multiplication des barrières douanières

Biden quadruple les taxes douanières sur les voitures électriques chinoises, qui passent de 27,5 % à 102,5 %. Il porte les tarifs douaniers à 25% désormais sur les batteries lithium-ion, divers produits de santé, l’acier, l’aluminium, les grues portuaires et, à partir de 2026, le graphite naturel… Un taux de 50% va frapper dès à présent les cellules photovoltaïques et les semi-conducteurs chinois. Biden veut protéger les investissements industriels, qu’il a financés avec son plan – IRA – de 369 Md$ sur dix ans, et réduire le déficit commercial de l’Amérique avec la Chine de 279 Md€ en 2023.

L’Europe envisage de relever ses droits de douane, de 10% aujourd’hui, à 15 ou 30% sur les véhicules électriques chinois, voire à demander des sanctions. Elle a lancé des enquêtes sur les subventions de la Chine aux véhicules électriques, au matériel ferroviaire ou à l’éolien. Le simple fait d’engager ces enquêtes a conduit des géants chinois à se retirer de certains appels d’offre européens.

Les pays intermédiaires ou plus pauvres réagissent également à l’invasion de produits chinois à bas prix en élevant des droits de douane (le Brésil et le Mexique sur l’acier par exemple) ou en obligeant à localiser la production dans le pays (Inde, Indonésie…).

Risques sur le pouvoir d’achat

Contre les géants de l’ultra fast fashion (dont Shein qui, en informatisant toute sa production et en utilisant l’IA, parvient à mettre en ligne 8 000 nouveaux produits par jour de mode éphémère et à les vendre à des prix records : 4,99€ le tee-shirt, 10,99€  la robe…), le Parlement français a adopté en première lecture, le 14 mars 2024, une loi pour interdire la publicité à ces marques et leur imposer un malus progressif de 5 € en 2025 à 10€ en 2030 par article (avec un plafond de 50% du prix de vente). Il voudra peut-être bientôt contrôler le nombre de vêtements que chacun peut s’acheter chaque année. Mais outre l’atteinte à la liberté individuelle des acheteurs et la discrimination des industriels du textile qu’une telle législation représente, ce sont aussi ses effets sur la baisse du pouvoir d’achat qui sont inquiétants. N’est-ce pas un progrès que les foyers les moins aisés puissent suivre la mode à des prix aussi imbattables ?

D’une manière générale, l’augmentation des droits de douane élève les prix à la consommation et risque de réduire, en rétorsion, les exportations des pays pénalisés. Les démocrates américains avaient dénoncé les augmentations de tarifs douaniers sur les produits chinois durant le premier mandat de Trump, qui auraient provoqué une perte de pouvoir d’achat de 50 Md$ des Américains et créé du chômage. Mais ils font la même chose et Trump a annoncé que s’il est élu il fera plus encore avec un tarif minimum de 10% sur toutes les importations et au moins 60% sur les importations chinoises, ce qui coûterait, selon la Maison-Blanche, « 1.500 dollars par an à chaque famille américaine ». Est-ce le moment de mettre en œuvre des mesures inflationnistes ?

Le protectionnisme anémie l’économie

Plus généralement encore, la hausse des tarifs douaniers affaiblit la concurrence et les efforts des industriels pour améliorer leur compétitivité et innover. A terme, les économies des pays qui ferment leur marché s’anémient. A l’inverse, les pays qui acceptent le défi de leurs concurrents s’obligent à « vaincre ou mourir », ce qui les stimule. Le Royaume-Uni en a tiré sa puissance et sa prospérité quand, au XIXème siècle, la force de persuasion du libéral Cobden a convaincu les ministres successifs Peel et Gladstone de réduire les tarifs douaniers sans attendre que les autres pays le fassent[1].

Craignant une concurrence agricole déloyale du Canada, le  Parti communiste et Les Républicains se sont alliés le 21 mars au Sénat pour rejeter le traité CETA qui abolit la quasi-totalité des droits de douane entre l’Europe et le Canada. Pourtant, sans être encore ratifié, il est déjà entré en vigueur depuis septembre 2017 pour 95 % de ses mesures relatives

notamment à la quasi-suppression des droits de douane et les exportations de l’Europe vers le Canada restent, en valeur, très supérieures aux importations. Les éleveurs canadiens n’ont exporté vers l’Europe que 1400 tonnes de bœuf en 2023 tandis que les exportations de bœuf vers le Canada sont passées sur cette période de 1700 à 14000 tonnes.

Jean-Marc Daniel constate dans les Echos du 15 mai 2024 que la France souffre moins des excès de production de la Chine que de sa propre insuffisance de production face à une demande croissante qu’elle ne parvient pas à satisfaire sans importer. Elle accumule donc des déficits extérieurs qu’elle essaie de palier en incitant les entrepreneurs étrangers à venir produire en France, ce qui conduit à appauvrir la France à terme de la rémunération qui sera versée à ces étrangers pour leur investissement.

L’exception de la guerre ?

Il reste que la Chine mène une guerre larvée à l’Occident et fait de son dumping une arme de guerre pour lutter contre l’Occident et asservir le monde comme elle l’a fait déjà avec ses routes de la soie. Cette guerre pourrait justifier une sorte de blocus de la Chine. Quand on est en guerre, on ne commerce pas avec l’ennemi. Notre tort est d’ailleurs peut-être de continuer à commercer avec la Russie. Certes, ces blocus ne sont jamais très efficaces, mais ils peuvent contribuer à l’affaiblissement de l’adversaire. Il faudrait alors que l’Occident soit uni et que, dans une vision commune et en compensation, il libéralise sa fiscalité et sa réglementation pour favoriser la concurrence et l’innovation en son sein. Qu’il en profite aussi pour reconquérir le cœur et les marchés des pays qui de l’Amérique du Sud à l’Afrique et jusqu’en Asie sont courtisés insidieusement par la Chine communiste et la Russie proto-communiste. Mais la Russie et la Chine font la guerre à l’Occident sans l’avoir déclarée. Et nous n’en sommes pas encore au point où nous devrions leur déclarer la guerre.


[1] Lire sur le sujet l’excellent article de Jean-Philippe Feldman, Bastiat et Cobden. Libre-échange et protectionnisme en France et en Angleterre dans les années 1840, Droits 2017/1 (n° 65).

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3 commentaires

Oncpicsou 20 mai 2024 - 7:26

Ne serait il pas plus simple de rechercher la loyauté dans la concurrence. Comment?
En supprimant les charges sur nos salaires et nos entreprises ainsi que tous les impôts, et en les transférant sur la consommation, d’où qu’elle vienne. Une sorte de super TVA…
La vrai richesse c’est la jouissance, pas la possession.
Et laissons chacun libre de choisir et alimenter sa retraite par capitalisation.
Imaginez la simplification, la transparence, le regain de compétitivité de nos entreprises!
Le rôle des impôts se résumant à chasser la fraude.
Il est vrai que simplifier n’arrange pas forcément l’état!

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herve 20 mai 2024 - 8:46

C est un sujet délicat mais la France ne peur rester sans pendre de mesures , si la France ne fait rien sous prétexte de vendre son cognac , dans 5 ans toutes nos usines automobiles seront fermées et avec elle ,les nouvelles Gygafactory et les Méga usines de panneaux solaires en construction car nos politiques ne savent pas gérer ce genre de situation économique ou pour cela il faudrait mettre les gens au travail une bonne fois pour toute .Contrairement à vos dires la guerre est déclaré avec la chine et en passe d être gagnée , l invasion est à notre porte sur les parkings des grands ports .réveillons nous

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Papili-aussi 20 mai 2024 - 2:45

L’IMPOSTURE ÉCOLOGIQUE DES BATTERIES DES VOITURES ÉLECTRIQUES
– Composition: Les batteries Lithium-Ion se composent de : lithium, cobalt, nickel, manganèse et graphite.
Et parce que le lithium n’apprécie pas les trop hautes températures, une batterie dotée de cette technologie est agrémentée d’un système de refroidissement.
-Production minière cumulée de Lithium 2005 – 2050 estimée à 15,7 Mt pour le scénario de mobilité durable. Le LITHIUM produit aux dépens de l’environnement:
—-CO2 : 15 tonnes de CO2 en moyenne pour produire une tonne de lithium (roches dures) = 235.5 Mt sur 2005-2050
—- Eau : 469 m3 d’eau pour une tonne de lithium. = 7 363 M m3 sur 2005-2050.

Et je ne parle pas du cobalt

N’est-ce pas sur ce point particulier qu’il faut s’interroger : est-ce que les batteries électriques sont bonnes pour l’environnement ?

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