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Des origines de l’identification biométrique à l’intelligence artificielle– la biométrie comme catalyseur des tensions entre sécurité et liberté

Cet article est extrait du Journal des libertés n°21 (été 2023)

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  1. Un champ d’application en extension constante

C’est un bien curieux objet que la biométrie. Étymologiquement, il s’agit bien d’une métrique, une mesure de caractéristiques physiologiques individuelles destinée à discriminer un élément individuel à l’intérieur d’une masse (à partir d’une démarche statistique et pré-algorithmique). C’est la définition la plus simple. Mais l’objet est en réalité protéiforme, labile, insaisissable et la critique semble glisser dessus. Depuis l’époque où j’ai enquêté sur cet objet avec d’autres collègues[1], il y a un peu plus d’une quinzaine d’années, ses usages, ses applications ont littéralement explosé. C’est cette prolifération que j’interroge ici, en revenant sur certains des étonnements qui nous avaient saisis à l’époque.

Premier constat donc. Depuis le moment où ont été introduits les premiers éléments biométriques dans les passeports et les visas, ou mises en place par certains établissements scolaires des bornes biométriques d’accès aux cantines, il y a presque une vingtaine d’années, le champ d’application n’a fait que croître : avec une accélération notoire, coextensive aux dernières évolutions de l’intelligence algorithmique (dite à tort IA), de la puissance de calcul des machines et, tout récemment, du renforcement des relations « sans contact » en réponse à la pandémie de covid (avec comme au Japon ou en Corée des applications recourant à la reconnaissance faciale) . Nous pourrions d’ailleurs, au regard de ces premiers éléments, rebaptiser la biométrie « identification bio-numérique ».

Deuxième constat. Conjointement aux usages régaliens et sécuritaires qui continuent de se développer et de se perfectionner, les domaines du e-commerce et de l’e-banque constituent le nouvel Eldorado de la biométrie[2]. Des quantités de données d’origines très diverses peuvent désormais être croisées et corrélées pour rendre des services évidemment toujours plus nombreux : aujourd’hui vous pouvez payer un trajet en train en Chine en utilisant votre visage, à condition d’avoir le feu vert du SCS (le Crédit Social Chinois) ou payer votre déjeuner avec un simple sourire (une filiale d’Alibaba a mis en place le Smile-to-Pay dans les restaurants KFC de Hangzhou). British Airways utilise ce type de dispositif pour faciliter l’embarquement des passagers à l’aéroport d’Heathrow à Londres. Un scan numérique du visage est enregistré lors du passage de la sécurité associé à la carte d’embarquement, ce qui est censé optimiser les flux. Dans l’automobile l’identifiant biométrique est utilisé en remplacement des clés, en domotique pour ouvrir les maisons ou actionner à distance d’autres applications domestiques, en téléphonie mobile pour remplacer les mots de passe[3]. Cette liste est en réalité une liste à la Prévert, ou à la Bouvard et Pécuchet.

Il y a presque quelque chose de programmatique dans cette expansion. Le simple fait de stocker de plus en plus de données sensibles sur un mobile semble imposer de nouvelles normes de sécurité pour leur accès et leur authentification, et la biométrie alliée à l’IA est la solution toute trouvée. Selon une étude réalisée par MasterCard et l’Université d’Oxford, 93% des Français étaient favorables à la biométrie pour remplacer les mots de passe.

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