Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

anglais
Accueil » Après les débâcles de l’EPR, quel avenir pour le nucléaire français ?

Après les débâcles de l’EPR, quel avenir pour le nucléaire français ?

par
290 vues

L’EPR devait coûter en 2003, selon Areva, environ trois milliards par exemplaire, constructible en quatre ans. Aujourd’hui, l’entreprise a fait faillite pour être racheté par EDF et renflouée par l’Etat tout en changeant de nom, et les deux exemplaires de son réacteur de 3ème génération vont être achetés au coût unitaire de 10,5 milliards d’euros (218% d’augmentation) et un temps de construction moyen de 13 ans (225% d’augmentation). Comment expliquer la descente aux abîmes de ce fleuron de l’industrie française ? Peut-on encore espérer en sortir ?

Le récit d’une débâcle

L’EPR, European Pressurized Reactor, est le réacteur développé par Framatome dans les années 90. Ce réacteur de troisième génération, le plus puissant jamais conçu (1650 MW), devait être à l’origine l’étendard d’une filière nucléaire française conquérante.
En effet, au-delà de sa taille monumentale qui promettait d’importantes économies d’échelle, il incorpore dès le départ une accumulation massive de systèmes de sécurité rassurants pour les populations et les autorités gouvernementales des pays développés. Souvent incultes en matière de sciences et techniques, ces dernières sont encore traumatisées dans les années 2000 par accident nucléaire de Tchernobyl de 1989, qui a fait un peu plus de 60 morts[[Le dernier rapport de l’UNSCEAR (United Nations Scientific Comittee on the Effects of Atomic Radiation) de 2008 sur l’incident nucléaire de Tchernobyl recense 31 morts directement attribuables à l’explosion et aux effets des radiations, et 19 morts « probablement » attribuables à ceux-ci. Plus de 30 ans après la catastrophe, il apparait peu probable selon les modèles épidémiologiques que le nombre de décès total liée à l’incident nucléaire de Tchernobyl augmente au-delà de 70, et il restera certainement confiné en dessous de 100. A noter que l’UNSCEAR ne relève aucun effet sur le génome, la fertilité ou le taux de malformation chez les populations affectées par une augmentation de la radioactivité lié à l’incident.]].
Le 23 décembre 2003, Areva, ex-Framatome, signe un premier contrat de trois milliards d’euros pour construire un EPR en Finlande, à Olkiluoto. Le chantier commence en septembre 2005, et Areva annonce une mise en service à la mi-2009.
En 2007, Areva et EDF se lancent dans la construction d’un deuxième EPR en France, à Flamanville. Le coût de construction est alors estimé à 3,3 milliards d’euros, avec une mise en service en 2012.
Aujourd’hui, ni l’un ni l’autre ne sont terminés.
Areva a fait virtuellement faillite en 2015, et l’entité formée originellement par la fusion de Framatome (Areva NP, partie réacteurs) et Cogema (Areva NC, partie cycle du combustible) en 2001, est de nouveau scindée en deux en 2016. Areva NP est renommée Framatome et incorporée à EDF, tandis que Areva NC devient Orano. Le tout renfloué aux frais du contribuable, pour au moins cinq milliards d’euros.
Entre temps, l’EPR de Flamanville a accumulé les retards et devrait être mis en service finalement en 2019 pour 10,5 milliards d’euros[[Toutes les estimations de coût indiquées dans cet article sont les dernières communiquées par les entreprises liées au projet concerné en date du 9 mai 2018.]], soit avec un retard de près de 7 ans et une augmentation de coût de 7,2 milliards d’euros, c’est-à-dire la bagatelle de 218% du coût original…
La débâcle en France est donc impressionnante ; mais c’est encore pire en Finlande ! L’EPR finlandais devrait être mis en service également en 2019 avec un retard de 10 ans sur le calendrier original, un record mondial pour un réacteur sur lequel les travaux n’ont jamais été interrompus.
Son coût ? La dernière estimation le situe à 8.5 milliards d’euros, avec « seulement » un surcoût de 5,5 milliards. Les finances du projet finlandais auraient donc été « mieux » gérées que celles de l’EPR de Flamanville ? Point du tout, car cette estimation date de … décembre 2012, EDF et TVO (l’exploitant) ne communiquant plus sur le sujet depuis. L’EPR finlandais coûterait en fait au moins aussi cher que son homologue français, voire bien plus.
Si l’on peut comprendre que les pressions de l’Etat français aient poussé Areva à achever à tout prix l’EPR de Flamanville, comment explique-t-on l’entêtement de l’entreprise dans le fiasco finlandais ?
Il faut savoir qu’en 2003, les dirigeants d’Areva, confiants dans la capacité de l’entreprise à construire le plus gros réacteur de tous les temps en moins de 5 ans, ont accepté une clause de responsabilité totale vis-à-vis du chantier : ils ont signé un contrat « clé en main » sur un prototype, ce qui les exposait à des pénalités faramineuses en cas de retard, de surcoûts, mais surtout d’abandon du projet…
Finalement, après de longues procédures juridiques, Areva s’en sort plutôt bien. En mars 2018, un accord global a été trouvé et l’entreprise ne devra verser « que » 450 millions d’euros à son client TVO, alors que les arbitrages partiels européens laissaient présager un règlement bien moins favorable[[Information AFP du 11 mars 2018]].
Areva enregistre une perte d’au moins 7,5 milliards d’euros sur l’EPR finlandais finalement, et ce montant pourrait être encore revu à la hausse.

Les causes du désastre

De nombreuses raisons ont conduit à ces échecs, notamment le design du réacteur.
L’EPR est trop gros. D’une part, peu de pays au monde ont les infrastructures pour raccorder un « monstre » de puissance pareil (1650 MW) d’autre part les économies d’échelle promises n’ont jamais été au rendez-vous. En effet, plus le réacteur est grand, plus il est complexe, et plus il nécessitera de systèmes de sécurité pour être accepté par le régulateur.
Le régulateur, justement, est aussi en cause. La sûreté nucléaire dans les pays occidentaux, et surtout en France où les standards sont les plus exigeants du monde, ne sont plus, depuis bien longtemps, basés sur la science mais sur une peur irrationnelle. Les réacteurs occidentaux de la génération précédente ont démontré leur sûreté avec des décennies d’exploitation commerciale sans incidents majeurs, et, fait admirable dans l’industrie, sans aucun mort à déplorer.
La peur née de Tchernobyl, où les réacteurs étaient bien différents, et de Fukushima, où le problème qualifié de « catastrophe nucléaire » n’a fait, rappelons-le, aucune victime », ont poussé les gouvernements à exiger des critères de sûreté délirants, totalement déconnectés des besoins réels, avec des systèmes redondants et des exigences qualité sur les pièces et les soudures quasiment inatteignables[[Le règlement ESPN (Equipement Sous Pression Nucléaire) de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) est un des règlements industriels les plus exigeants au monde ; il ne peut être comparé qu’à ceux qui s’appliquent engins aérospatiaux habités. A noter qu’un pays comme les Etats-Unis applique des standards bien moins exigeants pour ses installations nucléaires.]].
S’il en fallait un, la gestion du nucléaire français des deux dernières décennies est un cas d’école formidable pour illustrer la citation de Ronald Reagan, « Si cela bouge, taxez-le. Si cela bouge encore, réglementez-le. Si ça ne bouge plus, subventionnez-le. ».
Cependant, comme on le verra ensuite, la taille et les régulations beaucoup trop exigeantes n’empêchent pas de réussir la construction de réacteurs compétitifs dans les délais annoncés.
Mais revenons à l’EPR. La gestion d’Areva a été catastrophique. Tout d’abord, il était totalement stupide de penser qu’une entreprise qui n’avait jamais monté de réacteur seul pourrait le faire en un temps record de quatre ans et demi pour un nouveau prototype censé être à sa mise en service le réacteur nucléaire le puissant de tous les temps ; et cela, dans un pays étranger où la dernière mise en service datait de plus de 20 ans (Olkiluoto 2, en 1980).
Les équipes d’ingénieurs d’Areva étaient tout juste un peu plus expérimentées que celles des sous-traitants finlandais, la construction du dernier réacteur conçu par Framatome ayant débuté plus de 10 ans avant (Civeaux 2, en 1991). Ainsi l’EPR français a également souffert du manque d’expérience des effectifs chargés de sa construction.
Enfin, on ne peut sous-estimer l’incompétence de la direction d’Areva, qui au-delà du contrat ubuesque signé avec les autorités finlandaises, a d’autres « faits d’armes » tout aussi brillants à son actif.
Le plus éclatant reste sans doute l’affaire UraMin. En 2007, Areva a racheté pour 1,8 milliards d’euros cette entreprise canadienne qui possédait des actifs en Afrique, notamment, au Niger, des gisements d’uranium décrits à l’comme de « classe mondiale » par les dirigeants d’Areva. Il s’avèra rapidement que ces gisements étaient en fait inexploitables, et que Olivier Fric, le mari d’Anne Lauvergeon, présidente du groupe Areva au moment de l’affaire, avait acquis de nombreuses actions d’UraMin avant le rachat, enregistrant une plus-value d’au moins 300 000 euros. D’autres personnalités françaises, canadiennes et africaines, dont Patrick Balkany, sont mis en cause depuis 2015 dans l’enquête de l’affaire UraMin qui se poursuit actuellement, où corruption, délit d’initié, blanchiment d’argent se mêlent allègrement[[Les articles de journaux décrivant le déroulement de l’affaire pullulent, et je ne peux que conseiller au lecteur de se renseigner sur le sujet. Il découvrira une situation rocambolesque qui n’aurait rien à envier aux meilleures fictions sur la corruption.]].
Ce rachat n’aurait pas pu avoir lieu sans le vote du directoire d’Areva. Belle démonstration des compétences et de l’intégrité des dirigeants du groupe, en premier lieu, d’Anne Lauvergeon …

L’échec du nucléaire civil occidental

Comme nous l’avons vu, l’EPR a souffert de sa taille, de la réglementation mais aussi de l’inexpérience des effectifs et de l’incompétence des dirigeants d’Areva.
Ce n’est malheureusement pas le seul modèle de réacteur à avoir fait couler une entreprise historique du nucléaire.
Plus de 60% des réacteurs nucléaires en service dans le monde (français compris) sont basés sur les designs de l’entreprise américaine Westinghouse. Cette dernière, rachetée en 2006 par Toshiba, a développé dans les années 2000 son modèle AP1000, réacteur de troisième génération, concurrent de l’EPR, et la construction de quatre réacteurs de ce type aux Etats-Unis a commencé en 2012 et 2013.
Les deux AP1000 de la centrale de V.C. Summer devaient à l’origine être achevés en 2017 et 2018, pour un coût total de 9,8 milliards de dollars. En juillet 2017, constatant que le projet n’était réalisé qu’à 40% et avait déjà coûté 9 milliards de dollars, les clients, futurs opérateurs, décident de mettre en suspens la construction. Celle-ci aurait à minima coûté 25 milliards de dollars pour être achevée et mise en service au plus tôt en 2021.
Les deux autres, situés sur la centrale de Vogtle, auraient dû coûter 14 milliards de dollars, pour une mise en service en 2016 et 2017. Malgré un coût réestimé à 23 milliards de dollars, Georgia Power a décidé de mener à son terme la construction avec un démarrage prévu en 2021 et 2022.
Ces déconvenues ayant provoqué une perte de 9 milliards de dollars pour Westinghouse, Toshiba a décidé de placer la compagnie en faillite en mars 2017 ; elle a finalement été rachetée par Brookfield Assets Management en janvier 2018 pour 4,6 milliards d’euros.
L’histoire de l’AP1000 ressemble ainsi beaucoup à celle de l’EPR, et les causes de ses déboires sont similaires.
Bien que l’AP1000 soit plus petit (1117 MW), il est tout aussi bardé de systèmes de sûreté inutiles. Cependant, c’est ici la mauvaise gestion de l’entreprise, mais surtout l’inexpérience de ses effectifs qui a provoqué la chute de Westinghouse. En effet, aucune construction de réacteur nucléaire n’avait été entreprise aux Etats-Unis depuis 30 ans (Seabrook 1, 1976)[[Les informations à propos des réacteurs sont issues de la base de données du PRIS (Power Reactors Information System) de l’IAEA (International Atomic Energy Agency).]] lorsque l’entreprise a lancé la construction de quatre exemplaires de son nouveau modèle.
Ainsi, les deux entreprises occidentales de construction de réacteurs nucléaires, l’une publique et européenne, l’autre privée et américaine, ont fait faillite à cause de leur nouveau modèle.
Un nucléaire civil occidental serait-il encore possible ?

Le succès coréen

La Corée du Sud s’est lancée dans le nucléaire civil tardivement avec un premier réacteur mis en service en 1977 (Kori 1).
Comme la plupart des pays qui souhaitaient développer une filière nucléaire indigène, la Corée a construit localement des modèles développés par Westinghouse, Framatome (qui avait elle-même commencé par des designs américains) et le canadien AECL (Candu à eau lourde).
Après avoir acquis de l’expérience en montant 14 réacteurs occidentaux, KHNP, Korea Hydro and Nuclear Power, a développé dans les années 1990 un premier design indigène, le OPR-1000 (998 MW), un réacteur de deuxième génération tel que ceux qui avaient été développés par Westinghouse et Framatome entre 1975 et 1985. De 1998 à 2016, la Corée a mis en service dix de ces réacteurs.
Finalement, KHNP a également élaboré son réacteur de troisième génération, l’APR1400 (1398 MW), incorporant des systèmes de sûreté similaires à ceux de ses homologues américains et français (la Corée étant membre de l’OCDE). La construction d’un premier exemplaire, Shin Kori 3, a débuté en octobre 2008 avec mise en service en janvier 2016 (originellement prévue pour janvier 2013).
Cinq autres APR1400 sont en construction en Corée et deux devraient être mis en service en 2018, et les autres en 2019, en 2021 et en 2022, avec un temps de construction moyen estimé à 6 ans, et un coût de six milliards de dollars par exemplaire.
Cette réussite locale a pris une dimension internationale lorsque, contre toute attente, l’APR1400 a remporté l’appel d’offres lancé par les Emirats Arabes Unis fin 2009, face à l’EPR et l’ABWR (réacteur à eau bouillante développé par Hitachi). KEPCO a ainsi signé un contrat de 20,4 milliards de dollars avec les Emirats pour la construction de quatre réacteurs à Barakah. Le premier réacteur entrera en service fin 2018 après six ans de construction, les trois autres devraient être en activité en 2019, 2020 et 2021, comme prévu initialement. Le coût a été « légèrement » réévalué à 24,4 milliards de dollars et ne devrait pas être revu à la hausse d’ici la fin du projet.
Malgré ces réussites, l’avenir de l’APR1400 n’est pas radieux. En effet, le nouveau président sud-coréen élu en 2017, Moon Jae In, est ouvertement anti-nucléaire, prorenouvelables mais surtout pro-gaz, ce qui démontre une véritable vision industrielle dans un pays qui n’est pas producteur et ne peut qu’importer son gaz sous forme liquéfiée, donc la plus chère… Il a ainsi annoncé que son pays sortirait du nucléaire, en indiquant que tous les réacteurs en service seront fermés au bout de 40 ans d’exploitation et qu’aucun nouveau réacteur ne verrait le jour. Il a cependant dû reculer sur son désir d’abandonner les constructions en cours, lorsqu’une consultation populaire a indiqué préférer que celles-ci soient menées à leur terme[[Information datant du 23 octobre 2017 communiquée par WNN (World Nuclear News), un média de référence pour l’actualité du nucléaire dans le monde.]].
Malgré cela, grâce à l’expérience acquise dans les années précédentes, KHNP a démontré que l’on pouvait développer et construire des réacteurs à eau pressurisée de troisième génération de forte puissance, respectant les standards OCDE, sans retards importants et avec un coût modéré.
Cela indique que malgré la contribution néfaste de réglementations à la complexité ridicule, les déboires des constructeurs occidentaux ne sont pas véritablement une affaire de technologie.

Quel avenir pour le nucléaire civil occidental ?

Après avoir annoncé autant de coûts d’investissements mirobolants, il conviendrait de remettre les choses en perspective, c’est-à-dire de déterminer l’impact de ceux-ci sur le coût au kWh produit et la compétitivité qui en découle.
On trouvera dans le tableau suivant le coût au kWh moyen (sans considération des modalités de financement[[L’industrie nucléaire est très intensive en capital, et les modalités du financement (taux d’emprunt, etc.) ont un impact massif sur le coût de production au kWh.]]) durant leur durée de vie[[Le résultat obtenu est simplement la somme totale investie divisée par le nombre de kWh produits par l’installation, sans prise en compte de taux d’emprunts ou d’actualisation.]] des différents projets dont il a été question dans cet article, ainsi que de ceux de différentes sources renouvelables[[Les durées de vie minimales des installations sont celles qu’avancent les constructeurs. Les valeurs du tableau pour les énergies renouvelables en Allemagne sont issues des informations communiquées par l’International Energy Agency et le ministère de l’Energie allemand.]], pour comparaison.

cout-production-electricite.jpg

On remarque ainsi le succès coréen. On remarque également que, malgré leurs déboires, les réacteurs occidentaux de nouvelle génération offrent une électricité bien moins chère que les renouvelables non hydrauliques, grâce à leur durée de vie bien plus importante, mais surtout à leur facteur de disponibilité[[D’autant plus que l’éolien et le solaire sont intermittents et que leur intermittence est en grande partie aléatoire. L’installation de batteries ou d’une centrale à gaz ou charbon pour permettre une production constante implique des surcoûts massifs.]].
Le facteur de disponibilité est la quantité de temps où la centrale électrique est capable de produire de l’électricité durant une période, divisé par la durée de cette période (ici la durée de vie de la centrale), pondéré par la part de sa capacité installée disponible à chaque instant de la période.
Pour le nucléaire, le coût de l’investissement d’origine est la dépense principale ; les coûts d’opération, de maintenance de retraitement et de démantèlement additionnés sur la durée de vie du réacteur lui sont inférieurs.
Le nucléaire a aujourd’hui moins le vent en poupe dans les pays occidentaux qu’il y a quelques décennies, à cause, non pas de son coût total, mais de l’investissement massif qu’il nécessite lors de sa construction. Et plus le réacteur est puissant, plus cet investissement est important, ce qui désavantage d’autant plus l’EPR.
Ainsi le véritable souci est le financement, qui, surtout lorsque les retards s’accumulent, va impacter fortement le coût de production.
Cela explique pourquoi, hormis la Chine qui construit déjà avec ses propres entreprises deux EPR et quatre AP1000 sur son territoire depuis 2009 (ces derniers devraient d’ailleurs être les premiers de chaque design à être mis en service), et l’Inde qui serait intéressée pour le faire, peu de pays se sont révélés sérieusement intéressés par ces designs.
Actuellement, hormis les deux réacteurs encore en construction aux Etats-Unis et les quatre en Chine, Westinghouse n’a signé aucun autre contrat pour construire des AP1000, malgré quelques ambitions en Bulgarie ou en Inde.
En dehors des EPR de Flamanville et d’Olkiluoto, ainsi que des deux exemplaires en Chine, seul le Royaume-Uni a décidé de construire deux exemplaires à Hinkley Point pour 20,3 milliards de livres. EDF espère néanmoins signer un contrat pour la construction de six modèles en Inde avant la fin de l’année, qui pourrait faire éviter le naufrage total de la filière construction de l’entreprise en cas de délais et de dépassements de coûts sur le projet britannique.
Des commandes qui paraissent bien faibles par rapport aux 33 réacteurs de troisième génération (VVER-1000 et VVER-1200) commandés à l’export pour Rosatom, formant un carnet de commandes de plus de 130 milliards de dollars, alors que l’entreprise d’Etat russe en construit également six en Russie[[Information délivrée par Rosatom et confirmée par les données recueillies par WNA (World Nuclear Association)]].
Ou encore face à la filière nucléaire chinoise, qui se rapproche de son objectif (construire près de 10 réacteurs par an jusqu’à 2025), et qui commence à exporter son modèle de 3ème génération, le Hualong One, dans des pays tels que le Pakistan, et bientôt l’Argentine ou même la Roumanie, et qui vise à s’implanter jusqu’au Royaume-Uni.
Ainsi le paysage du nucléaire mondial laisse entrevoir un marché en expansion, mais dominé par les entreprises d’Etat russe et chinoises. Celles-ci en effet ne pâtissent pas de la même surexposition au risque financier que les entreprises occidentales à cause de l’implication d’Etats autoritaires.
Comment éliminer ou tout du moins atténuer cette surexposition ?
Tout d’abord en concevant des modèles plus petits. Ils permettront par le nombre, et grâce notamment à la fabrication en usine, de faire au moins autant d’économies d’échelle que l’on voulait en faire par la taille, sans avoir un risque d’explosion des coûts si jamais les délais s’accumulaient sur la fabrication d’un de ces petits réacteurs.
Ces petits réacteurs sont appelés SMR, pour Small Modular Reactors, et ressemblent fortement aux réacteurs utilisés sur les porte-avions et sous-marins nucléaires, une technologie déjà maîtrisée.
EDF/Framatome a pris beaucoup de retard sur les SMR, face à ses concurrents chinois ou russe qui proposent déjà le concept sur des barges flottantes. Il faudrait un investissement important pour revenir dans la course, mais il pourrait être réduit si cet effort est fait en collaboration avec DCNS et le CEA, qui maîtrisent la technologie pour les applications militaires.
Mais c’est de l’autre côté de l’Atlantique que sont les meilleurs espoirs occidentaux. En effet, depuis les années 2000, tout un écosystème de start-ups développant des SMRs s’est monté au Canada et aux Etats-Unis. Ces dernières, telles Nu Scale ou Terrestrial Energy, aspirent à devenir des Space X du nucléaire grâce à des designs innovants, qui réduiraient les coûts par le nombre et par la diminution des systèmes de sureté, liée mécaniquement à la diminution du risque associé à des réacteurs de petite taille[[Le think tank américain Third Way recense l’ensemble de ces start-ups.]].
Ces start-ups ont vu l’apparition d’un soutien important des administrations nord-américaines, tant par des exemptions de taxes que par un allégement des contraintes administratives lié au processus de licenciement (qui met au minimum 10 ans) des réacteurs par les autorités de sûreté[[Le DOE (Department Of Energy) soutient beaucoup de ces projets à travers son US Industry Opportunities for Advanced Nuclear Technology Development Initiative.]].
Une politique que l’on devrait au plus vite mettre en place en Europe et en France si l’on souhaite encore sauver le nucléaire en Occident, c’est-à-dire assurer un avenir énergétique serein, sûr et économique à notre pays et à ses voisins.
Mais ne nous faisons pas d’illusions, il y a peu de chances que les gouvernements rétrogrades du continent nous emmènent ailleurs que dans la précarité électrique et la dépendance aux importations …

cout-production-electricite.jpg

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

3 commentaires

ROUX 15 mai 2018 - 9:31

POUR LA VICTOIRE DU NUCLEAIRE
Très bon article , les " croyances écologistes " ont abîmé le nucléaire , ainsi que la science en général , et dans tous les domaines :
Médecine ( suppression de médicaments , précautions ubuesques et coûteuses )
Agriculture ( suppression de produits phytosanitaire de grande valeurs et peu dangereux , refus des OGM , soutien des produits bio : une regression majeure etc…. )
Education , faire adherer les enseignants à la cause du réchauffement climatique ( à l'image d'une religion , dans un pays laique ! ) , insulte absolu à l'esprit scientifique , mentir sur l'histoire , la geographie politique etc…..
Favoriser et financer toutes ces associations anti science
D'autres domaines sont impactés et pourris par cette idéologie , les émissions de télévision sont souvent , sous prétexte de science , une insulte à l'esprit scientifique
Cette mouvance est extrèmement dangereuse pour l'esprit scientifique et " la vraie science " , il faut en sortir trés vite

Répondre
Nilmirari 15 mai 2018 - 10:51

Remarques judicieuses. Comment, en particulier, faire comprendre à ces incultes ès sciences qu’une théorie, comme celle du réchauffement, n’est qu’une hypothèse basée sur des paramètres incertains, et que ce n’est pas du tout une religion ou une idéologie qu’il est interdit de critiquer.

Répondre
pierreg 15 mai 2018 - 9:25

pourtant..
Pourtant les 2 EPR construits en chine (sur le site proche de la ville de Taishan)et sous supervision de'AREVA et d'EDF vont démarer pour le 1er vraisemblablement dans les tous prochains mois le réacteur a été chargé! et le secon suivra fin 2018 debut 2019 on est donc en droit de se poser des questions non seulement sur AREVA mais aussi sur le niveau de competence des industries françaises! car en plus et contrairement à une idee reçue et perimee, sur ce plan là les chinois travaillent plus que proprement! et ous avons du soucis à se faire car le travail low cost a faible valeur ajouter est maintenant delocalise par le snetreprises chinoises (exemple en Ethiopie) et d eplus en plus la qualite chinpoise nous depasse (nous français!)
alors l'echec d'AREVA ce n'est pas eeulement eclui d'une entreprise detat c'est aussi celui d'un management d'etat, jouez a travailler en Chine comme en France avec des depassements de cout systematiques (parfois d'ailleurs planifie au vu et au su des acheteurs que sont les pouvoirs publics, (notre etat n'ayant pas son pareil pour maquiller des chiffres des dettes.)essayez cela en Chine et en tant que dirigeant vous serez hébergé pour un temps plus ou moins long par l'etat, chez nous on vous refile la legion d'honneur!! voila la difference!

Répondre