La Commission européenne a donc rendu la décision attendue en s’opposant à la fusion Alstom/Siemens. Le tollé est général en France, sauf chez les syndicats qui craignaient sans doute d’avoir à répondre aux exigences allemandes. Les raisons des uns et des autres sont mal fondées.
La Commission européenne a pris sa décision en suivant l’avis du « comité consultatif de la concurrence », composé des représentants de toutes les autorités de la concurrence de chaque pays membre. Déjà les autorités de quatre pays (Royaume-Uni, Espagne, Pays-Bas, Belgique) avaient estimé en décembre dernier qu’il y avait un risque d’abus de position dominante d’un futur géant du rail européen Alstom-Siemens.
Une fois de plus, le gouvernement français joue les populistes. Il se réjouissait quand Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la Concurrence, sanctionnait Google d’une amende de 4,34 milliards d’euros pour abus de position dominante avec son système Android ou quand elle a lancé, en septembre 2018, une enquête pour déterminer si Amazon abusait de sa position dominante. Mais il se lamente quand les mêmes règles conduisent à refuser la fusion Alstom/Siemens. Pourtant, comme l’a dit à Capital l’avocat Renaud Christol, la décision de Bruxelles semble conforme aux règles européennes car « le nouvel ensemble constitué par Alstom et Siemens Mobility aurait bénéficié de positions extrêmement fortes, tant sur la signalisation que sur les trains à grande vitesse. La part de marché de son principal challenger aurait été 3 fois inférieure ».
Si l’on estime que la fusion Siemens/Alstom devait être faite, le problème est en effet que les règles européennes ne sont pas les bonnes. Mais si on les change, comme le souhaite la France, il faudra qu’elles soient les mêmes pour tous. La bonne concurrence ne peut pas être imposée d’en haut, par des règles restrictives. Elle doit s’exercer par le marché. La question est moins de savoir si Siemens et Alstom doivent fusionner pour créer un géant européen que de faire en sorte que les entreprises européennes puissent innover et se développer suffisamment vite et librement pour créer des champions internationaux. Le meilleur challenge concurrentiel est celui des petites pousses qui viennent mordre les talons des grandes entreprises établies et souvent déjà malades de leur lourdeur technocratique. Il faut donc supprimer le plus possible les barrières à l’entrée des marchés plutôt que d’empêcher par des obstacles juridiques des fusions souvent souhaitables face à la concurrence qui n’est plus seulement européenne mais mondiale.
La vraie question est de savoir pourquoi les GAFA sont tous américains et les « BATX », Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi, sont tous chinois. La réponse n’est pas simple parce qu’elle est double : les Gafa sont nés dans un pays où les prélèvements obligatoires sont de 30% contre 46% en France, un pays favorable à l’innovation, au risque, à la levée de capitaux privés…, tandis que les BATX ont été drogués de monopoles tacites et de financements paraétatiques, dans un pays où sévit le socialisme de collusion. Les BATX n’ont d’ailleurs pu prospérer que parce qu’ils ont commencé par copier avant d’améliorer avec l’argent public. Gageons seulement que le modèle qui s’appuie sur les fonds et règlementations publics s’écroulera plus vite parce qu’il est plus artificiel que celui qui repose sur la confiance des hommes et des capitaux.
Sur la base de ces constatations, le rôle de l’Union européenne devrait donc être moins d’interdire de grandes fusions que de contraindre toujours plus les Etats à libérer leurs économies, à favoriser la création et le développement d’entreprises nouvelles et innovantes, y compris par voie de fusions successives pour faire apparaître de nouveaux géants européens et mondiaux.
Enfin la logique voudrait aussi que cet encouragement à la concurrence couvre tous les domaines et notamment celui des Etats. Car la concurrence des entreprises est bonne pour les consommateurs comme la concurrence entre les Etats est bonne pour les contribuables qu’elle protège d’un excès d’impôt. L’abaissement spectaculaire des taux d’impôt sur les sociétés par exemple en Europe depuis 40 ans (le taux était alors de 50% en France) n’a pas été dû à des règles européennes, mais à la concurrence entre les Etats européens. Et cette mise en concurrence fiscale représente moins un dumping fiscal, comme le disent ses détracteurs, qu’une incitation légitime de tous les Etats européens à être plus efficaces et plus pertinents dans leurs dépenses publiques. La concurrence fiscale oblige les Etats à faire plus avec moins d’impôt, ce qui est précisément ce que la concurrence oblige aussi les entreprises à faire à l’égard des consommateurs. Le meilleur moyen de favoriser l’acceptabilité de l’impôt, à juste titre remise en cause en France par les gilets jaunes, c’est de prouver que l’impôt est utilisé au mieux et perçu au plus juste.
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commission de Bruxelles abscons
merci à la commission de Bruxelles et sa non seulement cécité mais encore plus sa mémoire défaillante :
Pechiney a été tué en 2 étapes par ces crétins congénitaux, refus d’absorber Alcan Aluminium puis 3/4ans plus tard absorption de Pechiney par le même Alcan , c’était une très bonne plaisanterie pour la France et pour l’Europe.
Une interdiction ne vaut que lorsqu’il y a monopole ce qui est impossible si la commission s’occupait des prix concédés aux opérations ferroviaires par le nouveau groupe ce qui n’est, et ne sera pas le cas puisque les chinois, sud-coréen, japonais et autres canadiens feront jouer à fond cette « non-concurrence possible » que la patronne de la commission évoque.
La commission se moque bien de veiller aux intérêts des européens lorsqu’il s’agit des achats d’entreprises et non des moindres en particulier par la Chine