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La bureaucrature, abécédaire ludique

Frédéric Masquelier

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Frédéric Masquelier récidive. Après « La dictature bureaucratique ou la “bureaucrature” » publié en 2022 (dont nous avons rendu compte le 20 janvier 2023), le maire de Saint-Raphaël revient en librairie avec un « abécédaire ludique » sur son sujet fétiche.

Toujours préfacé par son ami David Lisnard, qui dénonce une situation « où les bureaucrates en viennent à disposer d’un pouvoir plus important que les élus » (il aurait pu ajouter « et les citoyens » !), le nouvel ouvrage, moins volumineux que le précédent, aborde la « bureaucrature » à travers 125 mots, d’« abracadabrantesque » à « Zelensky », en passant par « baïonnettes intelligentes », « burelain », « Don Quichotte », « parapheur » ou encore « phobie administrative ».

Frédéric Masquelier rappelle quelques évidences qu’il convient de garder à l’esprit : « la bureaucratie est là pour que rien ne change à l’aide de formules toutes faites, de schémas convenus, de règlements incompréhensibles » ; « les bureaucrates imposent leur propre volonté » sans en avoir reçu délégation ; « la simplification est un miroir aux alouettes ou un piège à c(…) » ; « les bureaucrates n’ont cure des limites de budget et ne sont évidemment responsables de rien » ; « l’appareil d’État trouve un second souffle » dans « l’écolocratie » à l’heure où son « omniprésence est critiquée pour sa lourdeur, ses contraintes et son coût » ; les agences administratives indépendantes sont « un État dans l’État » et sont « sans légitimité démocratique » ; « la bureaucratie se transforme en une fabrique de maniaques du contrôle qui finissent par bloquer toute innovation » ; « les libertés individuelles semblent bien précaires face aux prêches rassurants des apôtres de la norme » ; « la bureaucratie s’arroge le droit de dire tout et son contraire » ; etc.

S’il se veut « ludique » – il est vrai qu’il tente de traiter de son sujet de manière légère, voire humoristique – cet abécédaire est, de notre point de vue, assez pessimiste sur le fond. Par exemple, l’auteur craint que l’intelligence artificielle (IA) devienne dangereuse dans les mains de la bureaucratie. Il estime que le principe de précaution « peut conduire à littéralement tétaniser la société et interdire toute prise d’initiative ». Il pense que les « Français plébiscitent un État puissant et respecté ». Bref, Frédéric Masquelier laisse croire que rien ne changera jamais, que la « bureaucrature » est définitivement installée et, même, qu’elle pourrait s’étendre et devenir encore plus malfaisante.

C’est peut-être pour cela que les solutions sont mentionnées dans une liste, sans être développées, comme si l’auteur n’y croyait pas vraiment. Mentionnons tout de même qu’il réclame davantage de sanctions à l’encontre des fonctionnaires, la « suppression du confort de l’emploi à vie », la fin de « la culture de l’irresponsabilité », « le contrôle strict des arrêts maladie », « l’interdiction de la politisation des syndicats », « la généralisation du principe de subsidiarité pour les collectivités locales », « le renforcement de la protection de la vie privée », toutes solutions que les libéraux ne renieraient pas.

Pourtant, ceux-ci sont bien peu présents dans l’ouvrage. Un seul libéral a droit à une entrée de l’abécédaire, Ronald Reagan. Mais c’est surtout pour le critiquer : présenté comme un « ancien acteur de série B », Masquelier lui reproche des résultats mitigés « avec un transfert d’une bureaucratie publique à une bureaucratie privée » (!). En revanche, Gaspard Koenig a droit à tous les éloges « pour ses propositions de réforme de la bureaucratie ». Signalons à Frédéric Masquelier que Koenig rêve d’un revenu universel (forcément étatique et bureaucratique) et d’une école publique obligatoire (avec disparition de l’école privée). David Graeber, qui présente la bureaucratie comme l’une des caractéristiques du libéralisme, a son entrée, tout comme Michel Foucault ! On aurait préféré qu’il cite Ludwig von Mises (pour son livre « La Bureaucratie ») et l’école des choix publics.

Les libéraux regretteront aussi que la formule « laissez faire, laissez passer » (à l’impératif présent) n’ait pas été comprise par l’auteur puisqu’il écrit « laisser faire, laisser passer » (à l’infinitif). A moins qu’il ne s’agisse d’une coquille….

Si l’État de droit est défendu par les libéraux, ceux-ci remettent franchement en cause l’État providence et l’État protecteur (nouveau concept à la mode). Ils seront interloqués d’apprendre que « dans une société de près de 10 milliards d’êtres humains, une organisation “militaire” est nécessaire, ne serait-ce que pour alimenter, loger, donner du travail à une masse d’individus ayant chacun des intérêts contradictoires ». N’avons-nous pas plutôt besoin, pour tout cela, d’un marché libre et concurrentiel ?

Cela étant dit, l’ouvrage qui se veut grand public, à l’inverse du précédent, mériterait de tomber dans les mains du plus grand nombre de Français possible. Mais comprendraient-ils qu’ils sont en partie responsables de l’extension cette « bureaucrature », eux qui en appellent à l’État à la moindre difficulté ?

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Erik 6 avril 2024 - 10:40 am

J’ai lu en diagonale votre billet. Je réponds juste ceci (j’ai oublié qui en est l’auteur, mais pour moi, et j’ai vécu dans un milieu de « zélus », c’est une vérité éternelle) : « Un grand merci à tous les politiciens (…) qui ont fait d’un des pays les plus riches, les plus beaux et les plus inspirants pour le monde entier, un véritable enfer, pavé de leur corruption financière, morale et, disons-le tout net, ontologique. Les politiciens ne sont pas le moins du monde intéressés à trouver des solutions, mais seulement par leur carrière ». Gérer, pour un élu, c’est antinomique, il ne sait pas faire, seule le préoccupe sa réélection à vie, et heureusement il peut s’appuyer (non, enfin, il s’en sert sans scrupules), pour donner l’impression d’agir, sur la bureaucratie, compétente et désintéressée, forcément. Chacun son rôle. Gaston Defferre a voulu la Décentralisation, c’était une grande erreur, elle a mené à la destruction d’une organisation et des valeurs qui faisaient la grandeur de la France.

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