Le programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne au mois d’avril dernier présente les perspectives des finances publiques françaises à l’horizon 2027. Dès le départ, le Haut Conseil des finances publiques a refusé de donner son avis sur les prévisions de déficit pour 2022, étant donné l’inscription tardive en loi de finances (par voie d’amendements) d’un certain nombre de mesures aussi importantes que le plan d’investissement sur cinq ans France 2030 ou le bouclier tarifaire pour l’électricité.
Tel est bien le problème du document objet de la présente réflexion : il ne prend pas en compte l’aléa politique qui guide les dépenses publiques, il présente l’évolution des finances publiques comme si elles suivaient une croissance tendancielle, c’est-à-dire à politique inchangée.
Mais même dans ces conditions, les cieux semblent lourds de menaces pour notre pays et de noirs nuages s’amoncellent au-dessus de son équilibre financier.
Vue d’ensemble
Par rapport aux prévisions du RESF (Rapport économique social et financier) annexé au projet de loi de finances du mois de septembre, la croissance du PIB a été légèrement relevée (6,5 à 6,75%), entraînant une légère baisse du déficit (8,4 à 8,1%) et de la dette (115,6 à 115,3% du PIB).
Pour 2022, 5 Mds€ supplémentaires de dépenses ont d’ores et déjà été enregistrés, un chiffre éminemment susceptible de bouger dans le courant de l’année, notamment à cause des mesures diverses en faveur du pouvoir d’achat, chèque énergie, prime d’inflation, blocage des prix du gaz et bouclier tarifaire pour l’électricité. Le produit de la fiscalité, lui, a chuté de 1 Mds€, notamment à cause de la baisse de la taxe sur la consommation finale d’électricité de 6 Mds€ et malgré une hausse de 5 Mds€ liée au surplus de croissance de l’année précédente. Le déficit devrait donc atteindre 5% du PIB et la dette, 113,5% du PIB.
Par la suite, la trajectoire prévoit un décrochage de la croissance pour 2023 à 1,6%, puis une stabilisation à 1,4%, le déficit diminuant d’environ un demi-point par an jusqu’en 2027, pour atteindre 2,7%, comme le montre le tableau suivant :
De l’aveu du Haut Conseil des finances publiques, les prévisions de croissance établies sont plutôt optimistes. Il n’est pas impossible qu’elles soient freinées par l’inflation et l’augmentation des taux d’intérêts qui pourrait en découler.
À cela, il faut ajouter que les prévisions reposent sur un arrêt des mesures d’urgence liées à la crise sanitaire, ce qui, comme le plan France 2030 le prouve, est très loin d’être évident. Hors mesures d’urgence et de relance, la croissance des dépenses publiques serait de 0,7% par an, mais ce chiffre même, inférieur à celui de la période 2011-2019, demeure probablement sous-évalué. À l’époque, un certain nombre de mesures d’économies assez impopulaires avaient été prises comme le gel de la valeur du point de la fonction publique, le recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite ou la baisse de la dotation versées aux collectivités locales.
Une trajectoire de dépense largement sous-évaluée
Le taux de croissance des années à venir dépendra des conséquences à long terme de la crise sanitaire sur notre économie ; or personne n’est capable de dire comment la pandémie va influer sur la productivité tendancielle des travailleurs. Selon la Commission, l’inflation passerait durablement au-dessus de 1,75% et les taux d’intérêts remonteraient petit à petit au fil des années. À partir de 2025, la croissance française atteindrait 1% et 0,9% les années suivantes, des prévisions largement en dessous du 1,4% établi par le Gouvernement français.
Un certain nombre de facteurs devraient également pousser à la dépense publique. D’abord, les réformes des retraites de la dernière décennie ont cessé de produire des effets ; ensuite, certaines mesures d’économie, comme le gel de la valeur du point d’indice, en vigueur depuis 10 ans, auront du mal à être reconduites. Rajoutons la difficulté à tenir les objectifs de l’Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance maladie), notamment du fait des dépenses en faveur des hôpitaux, dans une période post-crise du covid, ainsi que l’effet cliquet des mesures prises pendant la crise, comme le Ségur de la santé. Enfin un coup d’arrêt a été mis à la baisse des dotations de l’État aux collectivités, baisse que la reprise des contrats de Cahors (associant les collectivités à la maîtrise de la dépense publique) ne suffira sans doute pas à compenser.
Pendant la période 2010-2019, les dépenses publiques ont augmenté de 27 Mds€ par an en moyenne. Entre 2022 et 2027, elles pourraient être tendanciellement de 41 Mds€ par an, comme le montre le graphique suivant :
Toujours pendant la même période, les administrations de sécurité sociale (ASS) seraient à l’origine de 24 Mds€ de dépenses supplémentaires annuelles, dont 4 pour la famille et le chômage, 9 pour l’assurance maladie et 11 pour les retraites, quand 8 et 6 Mds€ supplémentaires annuels seraient consommés par les collectivités locales et l’État.
Dans les années à venir, des pressions sont à craindre de la part des médias et de la société civile quant à l’engagement de dépenses en faveur de la transition climatique. La maintenance des réseaux ferroviaires et routiers, l’accroissement des dépenses de recherche (2,2% du PIB en France contre 3% en Allemagne), l’augmentation des effectifs dans la police, la justice et la santé, sont d’autres domaines budgétivores qui devraient émerger prochainement, notamment à l’occasion de la campagne électorale.
Il est également plausible de redouter des scénarios macro-économiques pires que ce que l’on avait prévu. Les dépenses de l’assurance-chômage pourraient augmenter à cause d’un ralentissement de la conjoncture nécessitant des mesures de soutien à l’économie. La hausse des taux d’intérêts pourrait aggraver dangereusement le coût de la dette. Un point de taux d’intérêt supplémentaire, par exemple, couterait 3 Mds€ par an, soit 15 Mds€ (1,5 points de dette).
Des pistes n’en demeurent pas moins possibles et souhaitables pour faire des économies. Par exemple, reculer l’âge de la retraite de 10 trimestres pendant le prochain quinquennat permettrait d’économiser 17 Mds€, tout autant que de désindexer les pensions de retraite sur l’inflation pendant trois ans. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur quatre, soit une baisse de 0,7% de la masse salariale de la fonction publique d’État, ferait gagner à celui-ci 3 Mds€ au bout de cinq ans, quand la stabilité des effectifs de la fonction publique représenterait un gain de 2 Mds€ pendant la même période. Ajoutons qu’une simple progression de l’Ondam de 2,5% par an ferait réaliser une économie de 15 Mds€ durant le quinquennat et que ramener les dépenses publiques affectées aux politiques culturelles et sportives (1,4 % du PIB) au niveau moyen de la zone euro (1,1% du PIB) se traduirait par une économie de 7 Mds€. Mieux vaudrait-il d’ailleurs engager des réformes structurelles comme celle tendant à favoriser progressivement la retraite par capitalisation.
Il est donc possible d’envisager des économies qui n’affectent ni l’armée, ni la justice, ni la police, ce qui ne signifie pas que l’efficience des budgets de ces ministères ne doive pas être améliorée. La question, en l’espèce, est simple : y aura-t-il un plan de rigueur en 2023 ? La réforme des retraites sera, sans doute, adoptée après les élections, mais rien ne garantit qu’elle sera apte à résoudre le déficit chronique de la branche retraite de la sécurité sociale. Sans absolument préjuger de l’avenir, le contribuable français semble malgré tout avoir quelque souci à se faire.
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Avec la bande organisée qui gouverne depuis plus de 40 ans, il faut vraiment croire au père noël pour accorder un quelconque crédit au plan présenté. De puis 1983 aucun plan n’a jamais été respecté et tout le monde s’en contente. Attention on va bientôt couper les vivre, surtout si ça change de bande organisée. Et maintenant les patates sont chères…