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Pourquoi tant de haine ?

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Le monde se divise en faisant de l’Occident un ennemi commun et commode. Partout prolifèrent des coalitions réunies sur la haine contre les valeurs diabolisées de la modernité. Il faut abattre les riches, les chrétiens, les colonisateurs d’hier, les juifs, la démocratie… Les Chinois justifient la construction de leur totalitarisme par une nouvelle conception de l’homme et du monde qu’ils défendent comme plus adaptée aux besoins contemporains. Les Russes et bien d’autres revendiquent en écho leur nationalisme conquérant et despotique tandis que l’Islam lève ses étendards pour éradiquer les « croisés ». A l’intérieur même des sociétés occidentales des mouvements profonds, de l’écolo-gauchisme au wokisme, en souhaitent ardemment la destruction. Mais pourquoi tant de haine ?

Le ressentiment

La découverte et la prise en compte progressive des valeurs de liberté et de responsabilité individuelles dans la civilisation bâtie sur les fondations de Jérusalem, Athènes et Rome ont permis la naissance et le développement exceptionnel de l’Occident. L’émancipation de la personne et la reconnaissance de sa singularité ont favorisé la créativité tant artistique et intellectuelle que technique. Mais comme l’a observé notamment le conservateur libéral Michael Oakeshott[1] cet individualisme a suscité à son tour la naissance de son opposé, un anti-individu, l’homme-masse d’Ortega y Gasset, le communiste dissous dans le peuple. Cet anti-individu est celui qui a souffert de l’abandon des protections du patron romain ou des liens organiques moyenâgeux, qui a été incapable d’assumer son destin et qui, démuni, déstabilisé, s’est retourné vers l’Etat pour le prendre en charge, le nourrir, le soigner, lui donner du travail… On trouve déjà cette réaction chez Francis Bacon  -1561/1626- (La Nouvelle Atlantide), voire dans la Genève de Calvin. Elle s’accompagne d’une vision édénique, utopique d’une société parfaite gérée par la collectivité, qu’on retrouve dans nombre de fables sociales des XVIIIème et XIXème siècles, de Rousseau à Fourier en passant par Morelly, Mably ou Meslier et tant d’autres, comme dans le marxisme. L’individualisme devient alors le mal, celui qu’encore aujourd’hui veulent combattre tant la gauche qu’une certaine droite communautariste, identitaire à l’excès. L’anti-individu ne se contente pas de se réfugier dans la collectivité et de se laisser porter par elle. Pour occulter son ressentiment, il veut encore s’en justifier en imaginant une morale de solidarité pour remplacer celle de la liberté responsable et il veut l’imposer aux autres pour ne plus avoir à rougir de vivre de l’aumône publique, c’est à dire de l’argent des autres qu’il se donne ainsi raison de prélever sans vergogne.

La jalousie et l’envie

Il s’y ajoute l’envie à l’égard de mieux doté que soi. Le Hamas incapable de faire grandir son peuple a voulu se venger du peuple juif tout en sachant qu’il en subirait et ferait subir aux Palestiniens les pires représailles. Non seulement il déteste cette religion concurrente et mieux construite, mais il hait sa réussite. C’est l’histoire de ce paysan slovène, racontée par le philosophe communiste Slavoj Zizek[2], auquel une fée propose de réaliser tout ce qu’il demandera, sachant qu’elle fera le double pour son voisin. Et le paysan envieux et mauvais de lui demander de lui enlever un œil pour rendre aveugle son voisin qui réussissait mieux que lui. L’envie conduit à préférer moins pour soi pour autant que les autres aient encore moins. C’est aussi le nom de l’égalitarisme.

L’envie attise la détestation et suscite la haine comme un revers de l’humiliation, de celle subie par les Russes et les Chinois dans le souvenir de leurs glorieux empires perdus, de celle des colonisés à l’égard des anciennes puissances colonisatrices qu’ils ne savent pas rattraper économiquement et socialement, de celle des pauvres à l’égard des riches : la gauche collectiviste préfère que tous soient pauvres plutôt que tous soient moins pauvres mais que quelques-uns soient très riches.

Les boucs émissaires

A défaut de produire une société meilleure, les utopistes la promettent. Mais comme elle n’advient pas, il leur faut toujours trouver des boucs émissaires faciles, à la mesure d’un discours simpliste. Ceux qui réussissent deviennent les hommes à abattre comme déjà les juifs,  plus riches et plus épargnés par la peste parce qu’ils se lavaient les mains avant de manger étaient l’objet de pogromes. Comme la vertu révolutionnaire, communiste, islamiste, écologique ou autre tarde toujours à produire des résultats, il faut expliquer que la faute en revient à d’autres. Ce fut l’objet de la Terreur de 1793 et des grandes purges successives de Staline. Le règne de la vertu se transforme toujours en tribunaux populaires et expéditifs. Nous y sommes à nouveau autrement, la vertu travestit la haine, et la haine de soi, sous le nom de wokisme, d’écologisme, d’égalitarisme jusque dans les genres.

Mais ceux qui veulent construire des cités parfaites se trompent toujours parce qu’ils se retrouvent toujours face à l’obstacle de l’imperfection humaine qu’à défaut d’accepter, de prendre en compte, ils combattent en condamnant tour à tour tous ceux qui sont suspectés seulement d’avoir compromis la réalisation de leur avenir radieux. L’utopie au pouvoir fait ainsi toujours un enfer de ce qu’elle a conçu comme un paradis.

L’humiliation ressentie par les uns et les autres leur est largement imputable à défaut d’avoir voulu se prendre en charge. Les bédouins n’ont pas de raisons d’être jaloux de la société high-tech des Juifs ; ils ont préféré boire le thé sous leurs tentes plutôt que de bêcher leurs terrains et faire des études, ce qui d’ailleurs est leur droit. Mais sans honte de la civilisation que nous avons contribué à bâtir, sachons néanmoins reconnaître que nous portons peut-être un peu de responsabilité dans cette désillusion du monde. L’Occident ne manque pas d’être parfois, trop souvent, « sûr de lui-même et dominateur ». Comme les riches qui n’hésitent pas à afficher grossièrement leur superbe et l’Occident sa décadence morale. Sans doute faut-il répondre à l’humiliation avec un peu plus d’humilité à la mesure de l’imperfection inhérente à toute humanité.


[1] Morale et politique dans l’Europe moderne, Les belles lettres, 2006.

[2] Ibid., p. 20.

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16 commentaires

Gaston79 6 novembre 2023 - 8:33

Au ressentiment s’ajoute l’utilisation de croyances, religions et idéologie à des fins politiques, ces systèmes asservissant facilement le peuple maintenu à cet effet dans l’inculture et les comportements grégaires faciles à domestiquer.

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TRIPON 6 novembre 2023 - 10:46

Nos politiques feraient bien de vous lire. Mais vous minimisez un peu trop la haine inhérente à une certaine application d’une certaine religion.
Le manque d’humilité est bien le principal défaut de notre vision occidentale qui veut imposer à tous des dérives sociétales contraire à la nature humaine.

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nathalie torsello 6 novembre 2023 - 11:19

Très intéressant cet article , vous expliquez exactement ce qui se passe et pourquoi , enfin une bonne analyse

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Vivika 6 novembre 2023 - 12:10

De tous temps, toutes les civilisations avancées ont été renversées par les déferlements « barbares ». La civilisation qui abolit la violence en interne, rend ces nations fragiles et perméables aux invasions. Les délices de Capoue…

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Eddy K 6 novembre 2023 - 12:48

La jalousie des médiocres, le dogmatisme haineux des fanatiques, la peur de la liberté qui oblige à s’assumer et l’imbécillité des moutons repus manipulés par une propagande efficace basée sur le sentiment de culpabilité sont les causes principales de cette situation que vous avez fort bien décrite. .S’y ajoute la puissance du collectif pour aplatir toutes les têtes qui dépassent des individus isolés dont le principal tort est d’être plus intelligent, plus, malin ou plus travailleur que les autres. Pardon pour cet exemple trivial, mais la BD « Les Schtroumpfs » est l’exemple parfait d’une société marxiste illusoire : le Grand Schtroumpf (que personne n’a élu) dirige et décide de tout, chacun a un rôle et n’en change jamais (le boulanger, le menuisier, etc.) et l’intellectuel est un fayot sur lequel tout le monde tape dessus. Bref, une société figée dans la niaiserie…

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CLEMENT 6 novembre 2023 - 12:58

La submersion médiatique gauchiste a tout englouti…

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Nicolas Carras 6 novembre 2023 - 4:12

« et de responsabilité individuelles dans la civilisation »

Il n’y a pas de civilisation. Ça n’a jamais existé la (les) civilisation. Le concept est né fin 18eme, tentative vaine de rationaliser 2000 ans d’histoire chrétienne totalement chaotique, pour lui donner un sens. Et surtout ne pouvant pas être rationalisé. Création d’un arrière monde déconnecté de la réalité factuelle. Là où il n’y a aucun sens.

Là où il n’y a aucun sens. Où alors le sens est après 2000 ans, dans la volonté d’exterminer le peuple juif. S’il y un sens, donc le sens va vers là. Le fait est que c’est plus compliqué que cela. Et le fait est qu’il n’y a jamais de civilisation. C’est un délire total. Il n’y a jamais eu de civilisation européenne, ou judéo-chrétienne (terme qui ne veut strictement rien dire).

Le monde chrétien n’est pas une civilisation. Mais, en partie, un bordel sans nom bourré de décadence totale. Et de tarés sans nom.

La terrible trivialité. Et je sais de quoi je parle étant poète, et n’ayant pas le droit d’en sortir, de ce fait.

La trivialité humaine. Ne connait pas de civilisation, mais de la poésie.

Et de l’être. D’où elle est née.

Sa mère.

La mère de la poésie n’est pas la civilisation, elle est l’être et l’être uniquement.

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Nicolas Carras 6 novembre 2023 - 7:42

Il n’y a pas de civilisation au dessus de l’être.

Elle est en dessous de l’être.

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Nicolas Carras 6 novembre 2023 - 11:50

Et maintenant, je vais te définir ce que c’est que l’être. Car c’est pas le tout d’en parler.

Pour commencer : Neil Diamond – I Am…I Said

https://www.youtube.com/watch?v=tA5bFJt9Wp0

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Patrice 8 novembre 2023 - 12:55

Alors là, c’est du grand art !

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Gerard 6 novembre 2023 - 5:42

Tout ces mouvements minoritaires qui cachent de fait leur volonté destructrice surfent sur l’ignorance des jeunes au plan de l’histoire et de la vie dans d’autres pays.

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Nicolas Carras 6 novembre 2023 - 8:14

« La mère de la poésie n’est pas la civilisation, elle est l’être et l’être uniquement. »

Chistophe – Parle lui de moi : https://www.youtube.com/watch?v=gXq3v20_ej0

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Pierre Bouchet 7 novembre 2023 - 6:39

Excellent. Mais y aurait-il une piste pour en sortir par le haut ?

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DAVAU 8 novembre 2023 - 3:24

Des mots corrects pour une excellente analyse, accompagnée de comments valorisants, Merci. Quelle solution libérale ?

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Oncpicsou 11 novembre 2023 - 10:44

La citation du jour: « l’utopie est la créativité des imbéciles »

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AUBERGET 12 novembre 2023 - 3:52

Analyse lucide, logique et probablement suffisante pour tout expiquer.

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