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Pourquoi la France et l’Europe condamnent leur industrie crypto

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Dès les premières bulles, les cryptomonnaies ont connu une opposition frontale des acteurs du secteur bancaire, de la finance traditionnelle et des États. On comprend pourquoi : à l’aune de la crise financière de 2008, Bitcoin, la première d’entre elles, portait l’espoir de renverser un système monétaire dans lequel les États s’endettent sans limite et appauvrissent les citoyens. Les poncifs se sont alors accumulés à leur sujet : elles ont été réduites à une simple bulle, accusées d’être l’argent des criminels, une pyramide de Ponzi, de n’avoir aucune « valeur réelle », d’être anti écologiques, etc. Difficile de ne pas faire le parallèle avec Internet qui, rappelons-le, était aussi une bulle à la fin des années 90. Gérard Théry, fondateur du Minitel, affirmait à l’époque : « Penser que les 18 millions d’utilisateurs du Minitel vont se verser sur Internet, c’est à peu près aussi idiot que de dire : on va verser la mer Méditerranée dans une tasse de thé ».

Auparavant jetées en pâture aux ricaneurs, les cryptomonnaies ont finalement réussi à s’imposer jusqu’à devenir mainstream. Ces mêmes acteurs les considèrent aujourd’hui comme partie intégrante d’une stratégie d’investissement et proposent des produits financiers qui leur sont liés (Goldman Sachs, BlackRock, Fidelity, etc.). Il n’y avait quasiment aucun détenteur de cryptomonnaies en 2010, il y en a maintenant 562 millions dans le monde, Asie en tête (326,8 millions), loin devant l’Amérique du Nord (72,2 millions), l’Amérique du Sud (55,2 millions) et l’Europe (30,7 millions).

En France, méfiance et taxation

Pourtant, cette adoption progressive ne suffit pas à convaincre certains gouvernements. En Europe, et particulièrement en France, le secteur des cryptos subit une méfiance institutionnelle qui se traduit par une réglementation stricte et une fiscalité dissuasive. Un certain dogmatisme est entretenu par une partie de la classe politique et du monde médiatique. Il suffit de visionner la dernière émission de Quotidien, à ce sujet, qui réduit la communauté crypto à un memecoin de Trump, ou encore de se remémorer les interventions de politiques comme celle d’Aurore Lalucq, députée européenne, qui affirmait en 2022 sur France Inter que le secteur des cryptos n’était pas « propre ». Ironie de l’histoire, sa collègue Eva Kaili du Groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, était accusée, peu de temps après, d’avoir reçu 250 000 euros d’argent liquide en provenance du Qatar.

Cette hostilité se répercute sur l’environnement fiscal, peu propice à l’investissement. Tout d’abord, il est impossible de reporter les moins-values réalisées en crypto d’une année sur l’autre. Ensuite, le plafond d’exonération d’impôt est seulement de 305 € en France, contre 600 € en Allemagne, 1 000 € en Finlande, 2 000 € en Italie… et 39 375 $ aux États-Unis. L’imposition des plus-values en cryptomonnaies demeure relativement élevée en France par rapport à d’autres pays. Le taux fixe est chez nous de 30 %, alors qu’il se situe entre 10 et 20 % au Royaume-Uni, entre 15 et 20 % aux États-Unis et qu’il est nul en Suisse pour les particuliers.

Europe et États-Unis : une approche radicalement différente

Cette approche prohibitive ne se limite pas à la France. À l’échelle européenne, l’encadrement du marché crypto est également jugé trop rigide par les acteurs du secteur. Bien entendu, un minimum de contrôle de leur part est nécessaire (ce qu’ils font déjà), notamment dans un objectif de lutte contre la criminalité : il n’y a pas de liberté sans responsabilité. Pour autant, les réglementations MiCA 1 et MiCA 2 sont souvent accusées de ne pas suffisamment prendre en compte les spécificités de ce marché. Pendant ce temps, aux États-Unis, rien qu’en 2024, le comité des services financiers de la Chambre des représentants a rejeté la règle comptable SAB 121, une proposition de la SEC qui empêchait les banques de conserver des cryptos. Dans la foulée, deux lois ont été adoptées : la loi FIT 21 qui clarifie le rôle des régulateurs (la SEC et la CFTC) et la loi CBDC Anti-Surveillance State Act qui empêche la réserve fédérale d’émettre une monnaie numérique de banque centrale. La même année, la SEC, l’équivalent de l’AMF, a autorisé des ETF Ethereum Spot qui peuvent désormais être listés en bourse.

L’UE est à la pointe de la réglementation plutôt que de l’innovation et lorsqu’elle innove, il y a de quoi s’inquiéter pour nos libertés : l’euro numérique, nouvel outil de surveillance généralisée vanté comme un « bien commun » par le sous-gouverneur de la Banque de France ; Europeum, un projet présenté comme une blockchain en faveur du « bien commun » et promu par la bureaucratie européenne aux frais des contribuables (60 millions d’euros ont été investis dans l’infrastructure derrière Europeum).

Et si les technocrates européens s’inspiraient de ce qui fonctionne ailleurs ?

Les conséquences de cet environnement réglementaire sont visibles : l’Europe est à la traîne. Certes, elle compte le plus grand nombre de start-up spécialisées dans les cryptos, mais leur nombre absolu diminue progressivement. En attendant, ce sont bien les États-Unis qui concentrent le plus de « licornes », ces start-ups technologiques valorisées à plus d’un milliard de dollars. Autre signe révélateur, les utilisateurs européens se tournent massivement vers des plateformes étrangères comme Binance, Coinbase ou Bybit, qui comptent jusqu’à 200 millions de clients. Les places de marché locales, elles, peinent à s’imposer et se font racheter par des acteurs américains : en 2024, Bitstamp, basée au Luxembourg, a été acquise par Robinhood.

Cette différence de trajectoire entre les États-Unis et l’Europe illustre une divergence culturelle profonde. Aux États-Unis, les banques sont historiquement proches du monde des affaires. En Europe, elles sont avant tout des instruments de l’État. Cette distinction explique en partie pourquoi l’innovation financière prospère outre-Atlantique alors qu’elle se heurte à des barrières en Europe. Peut-être serait-il temps pour les technocrates européens de s’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs, plutôt que de bâtir un énième cadre rigide qui bride l’innovation.

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5 commentaires

Berzud 14 février 2025 - 8:33 pm

Oui le Bitcoin est un produit spéculatif à des niveaux scandaleux piloté par un groupe de milliardaires américains qui ont réussi à réintroduire le billet de Law et vous approuvez !!
C’est scandaleux
Comment peut on justifier qu’en investissant 1000 euros en 2016 on possède 1 million d’euros en 2025
Les américains veulent mettre le feu à l’économie
1929 … 2029. L’histoire se répète. Nous courons au désastre

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Michel GAUTRON 15 février 2025 - 10:43 am

Personne absolument personne n’aborde la réalité des crypto monnaies. Elles ne sont la contrepartie économique de rien du tout, en face c’est le vide. Pas de création d’une quelconque richesse. En fait c’est du vent…

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Trasym 15 février 2025 - 4:10 pm

Tout à fait, mais on a besoin du vent pour faire tourner nos éoliennes inutiles, surtout quand le vent est échangé à la banque contre des bons dollars ou €uros sonnants et trébuchants ( jusqu’à la chute finale bien sûr qui approche à toute vitesse!).

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Jean-Aymar de Sékonla 16 février 2025 - 8:47 pm

Pardonnez leurs, ils ne savent pas ce qu’ils disent!
Les crypto-monnaies sont l’internet DE LA VALEUR.
Aujourd’hui vous ne vous étonnez pas d’envoyer un e-mail plutôt qu’une lettre, vous ne passez plus par la poste, votre courrier arrive immédiatement 7 jours sur 7.
Pensez vous que la poste voyait cela d’un bon Å“il et ne cherchais pas à dénigrer internet?
Nos gros malins d’élites prétendaient que le minitel ne ferait qu’une bouchée d’internet… on ne peut pas leur en vouloir, ils n’avaient rien compris!
Demain vous pourrez envoyer de l’argent instantanément en tout point du globe, comme un e-mail, 7 jours sur 7, par un moyen totalement traçable, sans avoir besoin d’une banque! Vous croyez que les banques voient cela d’un bon Å“il?
Préférez vous 100 000€ sur un compte en banque qui en fait n’est qu’une créance et qui peut en théorie disparaitre avec la banque ou 1 Bitcoin sur votre “hard wallet” chez vous? Dans la phase transitoire actuelle le seul gros problème est la volatilité, mais à terme cela devrait s’atténuer.
Le bitcoin est loin d’être du vent, il y a des millions de lignes de code derrière un système entièrement décentralisé géré par des milliers de validateurs donc non manipulable contrairement aux ragots et aux banques centrales! Autre ragot, ce serait le refuge de l’agent sale: faux sur la blockchain tout l’historique des transactions est inscrit et traçable.
Le bitcoin est originaire du Japon, les USA n’y sont pour rien. Et maintenant cette révolution est devenue mondiale.
Ceux qui se sont enrichi ce sont ceux qui ont compris le potentiel du bitcoin avant les autres et qui en ont acheté alors qu’il était inconnu, dénigré, et bradé.
Ceux qui attendent que ce nouveau système génial s’écroule devront être patients!

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AlainD 17 février 2025 - 6:36 pm

L’expérience aura prouvé que Gérard Théry n’est pas la moitié d’une cloche. Pour le reste, l’Europe en général et la France en particulier ont pour coutume de sauter sur tout ce qui passe pour taxer la bête car le tiroir-caisse du fisc est toujours grand ouvert pour recevoir. Que diable, il faut bien frapper fort pour payer les retraites des fonctionnaires.
Je ne dirai rien à propos du sous-gouverneur de la BDF et de son très docte avis, les lecteurs de votre article feront l’interprétation.

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