Soutenue par la gauche, étrillée par la droite, la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les secteurs de l’économie où la demande de main d’œuvre est forte, fait polémique. Doit-on recourir à l’immigration pour subvenir au manque de ressources humaines dans les métiers « en tension » ? Telle est la question au centre du débat public depuis l’annonce du projet de loi immigration. Pour y répondre, il faudrait d’abord et surtout réfléchir à la responsabilité de notre État-providence dans cette crise du recrutement.
Porté par le gouvernement, l’article 3 du projet de loi immigration, qui vise à régulariser les migrants clandestins travaillant dans les métiers dits en tension, cristallise les passions. Dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, ou encore du bâtiment, la main d’œuvre manque. Aussi faudrait-il pallier la pénurie de personnel par cette nouvelle disposition. Mais elle entraînerait un nouvel appel d’air migratoire, accentuant alors encore un peu plus les tensions sociales et culturelles en France, dénonce l’opposition. Une prime à l’illégalité de surcroît, aggravant le problème des filières clandestines d’immigration.
L’angle mort de la réponse aux difficultés de recrutement
Dans un pays qui recense 5,076 millions de demandeurs d’emploi en catégories A, B, C au troisième trimestre 2023, il conviendrait pourtant de s’interroger avant tout sur les causes à l’origine de la crise de ces « métiers en tension ». Car c’est un paradoxe : le nombre de chômeurs est massif mais de nombreux postes, dans certains secteurs, ne sont pas pourvus. Comment l’expliquer ?
Nous ne sommes pas nombreux à oser le dire sans détours, mais beaucoup de Français ne veulent tout simplement pas travailler. L’IREF le dénonçait déjà sous la plume de Jean-Philippe Delsol en 2020 : « Pourquoi travailler si l’État prend tout le monde en charge ? », s’interrogeait-il.  De 41 milliards d’euros en 2023, les dépenses de l’assurance chômage vont monter à 42,6 milliards en 2024, un coût colossal financé par les impôts du contribuable. En plus d’inciter une tranche significative de la population à s’ancrer dans l’inactivité, ce niveau de dépense contribue à alourdir le coût du travail, le rendant de facto moins attractif. Le serpent se mord la queue.
C’est pourquoi l’IREF appelle depuis des années les pouvoirs publics à mettre fin à l’assistanat rémunérant l’oisiveté et à revaloriser le travail par un allègement de la fiscalité : la différence entre les salaires bruts élevés et les salaires nets bas tient au « pognon de dingue » alloué à la dépense sociale (31,6 % du PIB en 2022, contre moins de 15 % il y a soixante ans). À moins de souffrir d’un handicap ou d’une maladie chronique incapacitante, tout un chacun doit pouvoir gagner sa vie par lui-même, au lieu de vivre durablement aux crochets de son voisin.
L’immigration : une réponse économique, des conséquences politiques
Il faut augmenter les salaires par la baisse de l’impôt et inciter au travail en arrêtant de financer l’inactivité, préconisent plusieurs experts. Tant que nous n’aurons pas  adopté et testé ces mesures, il sera difficile de justifier une vague de régularisation des clandestins. Cela signifierait que l’on renonce à lutter contre l’immigration illégale, au motif que « les Français ne veulent pas faire ces métiers ». En outre, l’évaluation d’une telle régularisation ne doit pas se faire à la seule aune de ses avantages économiques ; elle doit également tenir compte des inévitables conséquences politiques.
Depuis plusieurs décennies, le nombre de nouveaux arrivants en France a augmenté exponentiellement. Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, 255 000 titres de séjour légaux ont été délivrés chaque année, soit un total de 1,28 million. Quant au nombre de personnes en situation irrégulière, le ministère de l’Intérieur l’estimait entre 600 000 et 700 000 fin novembre 2021, sans pouvoir préciser combien d’entre elles avaient un travail.
Sur le plan pratique, les capacités d’accueil du pays sont sous tension, aussi bien au niveau du logement à moyen ou long terme (53% des adultes sans domicile sont de nationalités étrangères, selon l’INSEE) que de l’hébergement d’urgence, structurellement très insuffisant pour le nombre annuel de demandeurs. Le taux de pauvreté des immigrés est de 30,7% (et 39,5% pour ceux qui sont nés en Afrique) contre 13,2% pour la population non-immigrée. Le taux de chômage des immigrés extra-européens, de 15,7%, est deux fois plus élevé que celui des Français, à 7,4%, toujours selon l’INSEE. En se basant sur une étude du ministère de l’Intérieur, qui mériterait d’être actualisée, on apprend en outre que 45,8% des hommes de moins de 25 ans nés en France de parents immigrés d’Algérie sont au chômage, un chiffre qui dépasse 40% en ce qui concerne les Marocains.
Indépendamment des problèmes économiques et sociaux qu’entraîne notre politique migratoire, se pose également la question de l’intégration. Un chiffre éloquent : selon un sondage de 2020, 57% des jeunes Français musulmans considèrent que la loi de la charia est au-dessus de celle de la République française. Plus épineux encore, le sujet du terrorisme : depuis 2012, 62% des auteurs d’actes terroristes commis contre notre pays détiennent la nationalité française.
L’attaque perpétrée par le Hamas contre Israël le 7 octobre a cruellement montré à quel point il est dangereux d’ignorer la dimension culturelle de la politique migratoire. En Allemagne, des manifestations ont eu lieu pour glorifier l’offensive du groupe islamiste, et elles ont suscité en retour de virulentes réactions contre « l’erreur » d’avoir laissé entrer trop d’étrangers dans les pays occidentaux. L’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger l’a dit très nettement, sur la chaîne allemande Welt TV :  « C’était une grave erreur de laisser entrer autant de gens de culture, de religion et de concepts totalement différents, car cela crée un groupe de pression à l’intérieur de chaque pays ».
C’est pourquoi des appels à hiérarchiser les priorités se font entendre. Dans un entretien à Ouest-France, le président du mouvement Nouvelle Energie, David Lisnard, interrogé sur la régulation des sans-papiers dans les métiers en tension, a estimé par exemple qu’on « ne pourra se poser cette question qu’une fois que nous aurons la maîtrise de l’immigration dans notre pays », puisqu’« il n’y aurait rien de pire, dans une société sous tension, qu’une énième loi inutile sur l’immigration. »
9 commentaires
Importer de la main d’oeuvre quand on indemnise 5 millions de chômeurs, c’est aberrant !
Nous connaissons tous des français qui préfèrent bénéficier des aides diverses de l’État-nounou que de travailler.
Un peu de courage politique, arrêtons de subventionner la paresse !
Il y a beaucoup de chômeurs en France et avant d’utiliser l’immigration il faire en sorte que des chômeurs soient formés aux métiers en question et embauchés. La formation doit se faire par volontariat au départ et ensuite d’office , sinon suspension de l’allocation. JML
Toutes ces régularisations, et l’appel d’air qui en découlerait, ne ferait que continuer à modifier la sociologie de la population française dans le sens souhaité par Monsieur Mélenchon. Est-ce que ses « partenaires » de la gauche vont enfin se réveiller ?
ne FERAIENT, pardon
Poser la question de la régularisation des travailleurs sans papiers sans se poser la question de savoir pour quelles raisons des entreprises font appel à ces sans papiers revient à ne traiter qu’une partie du problème.
Certaines de ces entreprises veulent éviter de payer des charges sociales, disposer d’une main d’oeuvre sous payée, non syndiquée, corvéable selon les besoins dictés par le niveau d’activité.
Par ailleurs, on nous affirme que ces travailleurs (tous ?) paient des impôts. C’est donc que certains sont déclarés – car je doute qu’ils le soient tous. Comment ces entreprises peuvent-elles embaucher des sans papiers tout en les déclarant ?
Les socialistes ont tout fait depuis des décennies pour empêcher le développement des filières techniques et professionnelles car ce sont sans doute les populations nouvellement arrivées qui seraient concernés comme leurs représentants me l’ont souvent fait remarquer. Si on ne laissait pas la chienlit prospérer, la France pourrait se relever… peut-être ! Ce qui n’évacue pas la responsabilité des organisations patronales dans ce délire…
D’abord une réponse ponctuelle à GHUS : les sans-papiers travaillent souvent avec les papiers de quelqu’un d’autre, qui se trouve donc avoir plusieurs salaire. Les impôts et charges sont donc payés (voir mes articles sur YvesMONTENAY.fr pour plus de détails)
Bien sûr il serait satisfaisant que les chômeurs travaillent davantage. Mais en tant que employeur j’ai constaté que beaucoup étaient dans des situations « inemployables » comme le désir de rester à proximité d’un conjoint ayant un poste stable (fonctionnaire souvent), le manque de qualification ou de graves défauts de caractère. D’autres repoussent les offres d’emploi qui ne leurs paraissent pas « dignes d’eux » (Je pense au cas d’un agrégé que j’ai bien connu).
Or un employeur a besoin de quelqu’un ici et maintenant. Il ne peut pas tabler sur une évolution de l’état d’esprit des chômeurs, de la réglementation, de leurs (très) éventuelle meilleure qualification dans l’avenir …
Par ailleurs même si le taux de chômage cité dans l’article est supérieur à la moyenne nationale, il n’en reste pas moins que la grande majorité des intéressés travaillent contrairement à une idée reçue.
Et surtout, l’immigration n’est pas uniforme (relire également mes articles). Le mot lui-même est très mal défini et à un sens qui varie d’une personne à l’autre. Elle est composé d’individus très dissemblables. D’où mon idée de la confier au chef d’entreprise, qui résoudra ainsi son problème ainsi que l’intégration de l’intéressé. En contrepartie, l’employeur doit être une sorte de garant. Voir l’expérience d’autres pays
S’il y avait moins de charges sociales et autres taxes les salaires nets seraient plus élevés.
Une politique qui favorise l’assistanat au détriment du travail n’incite pas au travail.
Si c’est pour importer de la mains d’oeuvre non qualifiée à bas coût, avoir recours à une immigration choisie ne servira à rien. En maintenant le niveau de l’assistanat actuel, gageons que bon nombre de « nouveaux venus » auront tôt fait d’utliser le système. C’est déjà le cas pour certains. Certes l’immigration n’est pas uniforme mais le chômage non plus. Pour autant qu’on rémunère convenablement le travail, en réduisant l’assistanat, il devrait être possible de former les chômeurs pour leur permettre d’accéder à une partie au moins des postes à pourvoir. C’est une question de respect des travailleurs Français.
« S’il y avait moins de charges sociales et autres taxes les salaires nets seraient plus élevés. » Vous croyez que tous les avantages sociaux sont assurés par des fonds qui tombent du ciel ?? Si vous réduisez les charges même les allocations chômages disparaissent, la sécu aussi, bien entendu sauf pour les fonctionnaires, qui de toutes façons ne cotisent pas.
De plus une chose est incompréhensible: Comment fait-on pour employer des sans papiers, des gens qui ne devraient même pas être sur le sol Français. C’est la chienlit. JML