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Les déclins liés de la démographie et de la prospérité des nations

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La baisse de la natalité se propage dans le monde. Les pays les plus riches la subissent de plein fouet, mais bien d’autres en sont frappés. En 2021, le taux de fécondité (nombre d’enfants par femme) était tombé à 1,5 dans l’Union européenne. Il était de 1,6 en en Amérique du Nord et dans la moyenne de l’OCDE, mais il descendait à 1,3 au Japon et 0,8 en Corée du Sud où désormais on vend plus de poussettes pour chien que pour enfants. Cette descente aux enfers démographiques s’est poursuivie en 2022 et 2023. Il n’y a plus qu’en Afrique subsaharienne qu’on trouve des taux supérieurs à 5, et de 4,6 en moyenne comme, plus généralement, dans les pays pauvres très endettés du monde. Les pays totalitaires ou seulement despotiques ne sont pas épargnés avec des taux de 1,5 en Russie, 1,7 en Iran et 1,3 en Chine où le problème a été aggravé par la politique de l’enfant unique longtemps imposée aux familles.

Les facteurs du déclin

La population évolue en fonction de nombreux facteurs, des mœurs, de l’âge du mariage ou de la cohabitation, de la religion, de l’éducation, de la sécurité publique… Elle a longtemps dépendu de la capacité du territoire à la nourrir avant que la médecine réduise la mortalité et allonge la vie en même temps que la liberté favorisait le progrès et augmentait de manière considérable la capacité de développement. Les sociétés qui s’enrichissent commencent par favoriser l’accroissement des familles qui ont moins de freins économiques, notamment alimentaires, à s’agrandir, avant qu’une certaine aisance ne suscite un rejet des enfants qui sont une entrave au bénéfice d’une vie confortable.

Les sociétés opulentes perdent leurs boussoles. La libération sexuelle a dénaturé la beauté de la relation des sexes opposés en préférant des plaisirs hygiéniques aux charmes et vertus de l’amour. L’apologie des relations entre les personnes d’un même sexe a instauré le doute sur l’hétérosexualité pourtant nécessaire, sauf artifice, à la fécondation. Le divorce banalisé et les fidélités successives multiplient les solitudes.

Nos hivers démographiques expriment autant qu’ils créent le rejet des enfants que manifestent en France, selon un sondage Elle/Ifop (septembre 2022), 30 % des femmes en âge de procréer qui, à 48%, ne souhaitent pas non plus assumer de responsabilité parentale. Elles s’inquiètent de la crise environnementale et climatique (39% d’entre elles), des crises politiques et sociales (37%) ou de la surpopulation (35%). On a propagé la peur de l’avenir !

L’argent n’achètera pas les enfants à naître

Mais les peuples qui ne font plus d’enfants se délitent. Quand la population ne se renouvelle pas, elle vieillit, manque de bras et de cerveaux, peine à faire vivre moins d’actifs pour nourrir plus de retraités. Une société plus âgée, comme celle du Japon aujourd’hui, s’étiole. Les familles qui s’y rétrécissent ne sont plus à même d’en constituer la trame structurante ni de lui donner une âme. Déjà l’historien grec Polybe (208 av. J.-C. – 126 av. J.-C.) attribuait le déclin du monde hellénistique à la faiblesse des taux de fécondité d’une population devenue plus frivole, intéressée par « le spectacle, l’argent et les plaisirs d’une vie oisive » plutôt que par le mariage et l’éducation des enfants.

Si nous ne voulons pas dépérir, si nous voulons conserver une société prospère, vivante, créatrice, indépendante, il faut lui assurer une croissance raisonnable et naturelle de sa population sans attenter à son intégrité.

Les mesures financières et matérielles d’aide à la naissance, d’accompagnement des jeunes parents et des familles, les congés parentaux, crèches et autres avantage peuvent sans doute aider certains foyers à avoir des enfants. Mais les mesures natalistes ont rarement des effets significatifs. Déjà, face à la dénatalité qui pesait sur l’établissement de l’Empire romain, César Auguste avait établi notamment une législation obligeant les hommes âgés de 20 à 60 ans et les femmes de 20 à 50 ans à se marier ou se remarier en cas de veuvage et accordé une préférence d’embauche dans les emplois publics à ceux qui avaient au moins trois enfants légitimes. Mais les politiques d’Auguste se révélèrent infructueuses.

La France, qui a une politique nataliste prononcée depuis longtemps, n’échappe pas à la crise de natalité. L’Allemagne, qui avait pu remonter son taux de natalité de 1,38 en 2000 à 1,58 en 2021 en même temps qu’elle avait mis en place une politique familiale active, a connu une baisse significative de son taux de natalité en 2022, à 1,46, voire 1,36 pour les seules femmes de nationalité allemande. De même en Hongrie où la fécondité a un peu remonté à partir de 2014 jusque vers 1,6, pour retomber à 1,52 en 2022 et plonger en 2023 (moins 7% au 31/08/2023) malgré des politiques familiales actives de Victor Orban.

La petite sœur espérance

En Occident, l’afflux d’immigrants masque le désastre démographique, mais il crée d’autres problèmes, pires, en France, en Allemagne, en Suède, aux Etats-Unis… Une immigration contrôlée et utile peut ouvrir les esprits et les mœurs du peuple qui l’accueille, mais une immigration excessive et pesante lui fait perdre ses repères et son identité. La robotisation pourra pallier une partie du problème, mais la machine aura toujours ses limites et il faudra la payer !

Nos pays ne retrouveront une croissance durable qu’en recouvrant la confiance en eux qui leur manque, la confiance en leurs dirigeants, en leur avenir, en leur culture, en leurs institutions publiques et privées… Pour engendrer une progéniture, la jeunesse a besoin de croire à la beauté du monde, d’avoir envie de poursuivre sa création dans l’espérance qu’il sera meilleur.

Il nous faut l’Espérance écrivait Péguy « cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversa les mondes révolus. […] Mais l’Espérance ne va pas de soi. […] Pour espérer, mon enfant, il faut être bienheureux… »[1], il faut vouloir enchanter le monde.


[1] Le porche du Mystère de la deuxième vertu

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9 commentaires

Valérie 19 février 2024 - 7:30

La trop forte démographie des êtres humais sur terre est responsable de l’exploitation toujours incessante par les élites des plus pauvres, pour poursuivre ce qui tue notre monde, la croissance ! Au lieu d’aller droit dans le mur, je comprends parfaitement au vu des menaces qui pèsent sur nous, destruction de l’environnement, conflits sociaux internes et guerres externes que les femmes ne souhaitent plus procréer. Hélas cette baisse ne suffira pas à réduire suffisamment la population mondiale pour arrêter la mondialisation, ce système d’exploitation à outrance des personnes pour le bénéfice d’une minorité. L’homme finira par détruire son environnement, les animaux qui l’habitent, la propre santé de ses populations (procréation mise à mal justement !). On peut peut-être compter sur quelques virus plus virulents que le Covid pour réguler cette population humaine mondiale beaucoup trop envahissante ainsi que les nombreuses guerres mais je doute que ce soit suffisant. L’homme est un animal dégénéré… Qui ne pense qu’à l’argent et c’est pour cela qu’il détruira tout sur son passage.

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Mathieu Réau 19 février 2024 - 4:20

Comprendre et encourager les femmes de notre civilisation à ne plus procréer en raison d’un avenir incertain (quel avenir ne l’a pas été ?) est absurde et même irresponsable, parce que si la démographie de notre civilisation décroît, ce n’est pas le cas de celle des autres. L’Humanité vient récemment de dépasser les huit milliards d’individus et continue de croître tandis que la baisse de la natalité en Europe, si elle se poursuit, n’aura qu’une conséquence : la disparition de la civilisation européenne, ce qui ne sauvera pas le monde, je vous le garantis.
Allez donc plutôt combattre la démographie là où elle explose, en Afrique, en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud, plutôt que là où elle atteint des niveaux dangereusement bas comme chez nous.
Mais soyez surtout sûre d’une chose : les discours décroissantistes en Europe tueront certainement l’Europe… mais ne sauveront en aucun cas la planète. Pas le reste du monde n’est jusqu’ici pas assez idiot pour les écouter.

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DEL 19 février 2024 - 8:41

Le repeuplement par des nationalités étrangères est un leurre car il engendre beaucoup de déboires et de difficultés qui s’accentueront de plus en plus. L’insécurité à tous les niveaux n’incite pas les jeunes à procréer, ils préfèrent vivre pleinement leur vie car ils sont devenus égoïstes.

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Oncpicsou 19 février 2024 - 9:50

Quand la gauche, inhumaine, impose ses non sens, ne nous étonnons pas si la société marche sur la tête.
Nous venons de vivre 2 épisodes politiques: les retraites et la démographie. Personne ne fait le lien entre les deux alors qu’il est évident que les solutions resident dans ce lien.
Comment ?
Expliquez aux français que s’ils ne font pas d’enfants ils n’auront pas de retraite par repartition et ils verront la vie (la vrai, pas celle de gauche) différemment. Comment?
-Pas denfant = pas de retraite par repartition.
-Un enfant = une demi retraite par repartition.
-Deux enfants et plus = une retraite complète par repartition.
Bien entendu tous les français restent tenus de cotiser pour payer la repartition de leurs parents, et tous les français peuvent se constituer une retraite par capitalisation (avec les économies réalisées sur le coût des enfants pour ceux qui n’enont pas).

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Marc 19 février 2024 - 10:17

Bonjour,

La baisse démographique typique des pays et des populations ayant réussi à augmenter leur niveau et leur espérance de vie par l’augmentation de leur consommation énergétique, ne pourrait elle pas être considérée comme une réaction naturelle limitant les impacts négatifs sur l’environnement de ces populations ?
Si oui, ce rééquilibrage à la baisse est une très bonne chose « pour la planète ».

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Mathieu Réau 19 février 2024 - 4:33

Ce n’est pas une réaction naturelle : à moins de leur bourrer le crâne pendant des années pour les y inciter (ce qui se fait, au demeurant) les gens ne cessent pas de faire des enfants parce que leur consommation d’énergie s’accroît. L’article de monsieur Delsol fait une liste assez exhaustive des raisons qui expliquent ce phénomène ; il oublie simplement de préciser que c’est, selon moi, l’aboutissement de la philosophie libérale, à savoir l’anéantissement du collectif par le culte de l’individualisme auquel parvient la population de tous les pays qui s’enrichissent (cela commence à poindre aussi le bout de son nez en Chine après que le Japon et la Corée du Sud aient amplement ouvert la voie).
Et ce n’est pas non plus un rééquilibrage, puisque si la démographie des pays occidentaux est en berne, deux choses ne cessent de croître à l’échelle globale : la démographie de l’espèce humaine dans son ensemble ET sa consommation d’énergie. Les choses ne vont donc absolument pas dans le sens que vous souhaiteriez : elles vont simplement dans le sens de la disparition de notre civilisation.

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gillet 19 février 2024 - 10:43

Bravo ,c’est toujours un plaisir que de vous lire,merci

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Pascal de Roubaix 19 février 2024 - 5:47

Excellente réflexion, remarquablement claire, mais comment la faire entrer dans la tête des dirigeants de nos pays occidentaux en pleine déprime ?

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Fabrice 23 février 2024 - 4:00

Il y a une multitude d’études qui prouvent que la chute de natalité est corrélée avec le nombre de femmes faisant des études supérieures et/ou qui travaillent par après. Dans les sociétés où la femme n’étudie pas beaucoup ni ne travaille pas, il y a plus d’enfants. Il y a aussi les moeurs. L’exemple de Polybe chez les Grecs dans l’antiquité est assez parlant. Une fois qu’un peuple plonge dans la jouissance sans penser dans le lendemain, sa déperdition est proche (ça vaut aussi pour l’homme individuellement). L’Europe avait pourtant le christianisme pour lui rappeler que Dieu et la famille étaient plus importants que les biens matériels pour ne pas déifier la jouissance. Elle a préféré abandonner cette religion et s’opposer sa morale et voilà qu’elle est à deux doigts de décrépir. Donc supprimer le féminisme, enseignez les jeunes filles à être mère dès leur puberté et revenir à la religion chrétienne qui possède une morale parfaite. Ce qui est le plus difficile c’est d’enlever l’idéologie féministe qui consiste en l’égalité homme-femme partout dans la société qui a été élevé en dogme. Mais hélas si l’Europe veut survivre (car tout le système de retraite et de dettes repose sur la croissance de la population), il faudra bien faire cet effort d’enlever l’idéologie féministe.

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