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Bernard Cazeneuve, inconsistant, étatiste et antilibéral

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La cote de Bernard Cazeneuve, l’ancien Premier ministre socialiste, est à la hausse actuellement. Mais que sait-on vraiment de son corps de doctrine ? Mise au point fondée sur une étude attentive de ses textes et déclarations depuis une quinzaine d’années.

Le rejet de La France insoumise

Droite, gauche, centre : le nom de Bernard Cazeneuve semble faire l’unanimité en sa faveur. Mais il fait à coup sûr l’unanimité contre lui au sein de La France insoumise. Pour en comprendre la raison, il faut faire un bref retour sur sa carrière.

D’abord radical de gauche, il adhère ensuite au Parti socialiste au sein de son aile modérée, clairement social-démocrate. Juriste de formation, il se distingue des énarques-hommes politiques et il entre en politique active jeune, avant la trentaine. Son cursus honorum est ensuite impressionnant : député, élu local, ministre délégué aux Affaires européennes puis au Budget, ministre de l’Intérieur, enfin éphémère dernier Premier ministre de François Hollande. Il quitte le PS en raison de son alliance avec LFI, qu’il désapprouve, et fonde La Convention en 2023, sans faire mystère de ses ambitions présidentielles.

En 2024, il signe, notamment avec Manuel Valls, une courageuse tribune qui appelle à ne voter ni Rassemblement National ni LFI. On comprend donc le rejet dont il peut être victime de la part de l’extrême gauche qui a prévenu qu’elle censurerait immédiatement tout gouvernement Cazeneuve. Il n’est pas plus en odeur de sainteté auprès des Verts. Tout cela nous le rend très sympathique, mais…

Plat, creux et vide

On se souvient de cette pique d’un député de droite après le discours de politique générale d’Edith Cresson : l’invention d’une nouvelle figure géométrique, le discours plat, creux et vide… On peut appliquer la formule à Bernard Cazeneuve, adepte des banalités de gauche, des formules creuses et d’un prêt-à-penser assez désespérant.

Prenons pour illustration le « manifeste pour une gauche social-démocrate, républicaine, humaniste et écologique » de 2022, dont le titre est déjà parlant. Bernard Cazeneuve se qualifie de « républicain de gauche », adepte de « l’esprit de nuance », sensible aux « inégalités », défenseur des services publics, favorable à des « politiques publiques plus volontaires », à une revalorisation des salaires des professeurs, à la « sauvegarde du principe solidaire de la répartition pour les retraites », au combat pour « l’urgence environnementale », à la « construction européenne » et aux « grands programmes technologiques ». Il s’agit de « redonner à la puissance publique les moyens d’opérer la transformation sociale et écologique ». Bien entendu, il faut « soutenir » la culture avec des hommes et des femmes « libérés de l’économisme ». En conclusion, il y a « quête du sens profond de l’égalité et de la nation ».

Au-delà des formules incantatoires et de l’impressionnisme, ce qui est frappant, c’est le fort conservatisme qui exsude de ces lignes : on se veut social-démocrate, on met au firmament la solidarité, mais on s’enferre dans l’immobilisme. Le désastre de l’Education nationale ? La solution réside dans l’accroissement de son budget. Le désastre des retraites ? Il faut sauver contre vents et marées le système par répartition. Le désastre des services publics ? Là encore, il convient de hausser leur financement. Le désastre du logement ? Il échet de construire des logements sociaux, etc.

En revanche, on ne saurait accuser Bernard Cazeneuve d’inconstance. Ce sont les mêmes idées, ou si l’on veut c’est la même absence d’idées, depuis de longues années. Pour le vérifier, nous nous sommes plongés dans un de ses discours et un de ses articles substantiels.

Le discours de politique générale de 2016

Le 13 décembre 2016, Bernard Cazeneuve prononce son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. L’absence de hauteur de vue est une nouvelle fois frappante.

Son mantra est de « protéger les Français », à défaut de les libérer. « Notre majorité croit au beau mot de solidarité », précise-t-il en liminaire. Quels sont les grands projets du nouveau Premier ministre à la durée de vie, on le sait déjà, plus que limitée compte tenu de la proximité de la tenue de l’élection présidentielle ? La création de postes dans les hôpitaux ; une fonction publique « reconnue et respectée », loin des suppressions de postes qui remettraient en cause « la capacité de l’État à assumer ses missions les plus élémentaires» ; une Europe « au service de la croissance durable et de l’emploi » avec une capacité d’investissement portée à plus de 500 milliards d’euros d’ici 2020 ; une protection au plan européen des « droits des travailleurs » ; une action pour la « justice sociale » avec la revalorisation du RSA, des prestations familiales et sociales, la « mixité sociale » dans l’habitation et 150.000 logements sociaux ; le renforcement de la solidarité entre les territoires ; « l’investissement » dans l’éducation et la culture ; le renforcement de « notre modèle social ».

La « grande transformation écologique »

A la décharge de Bernard Cazeneuve, on pourrait dire que des contraintes fortes pesaient sur son discours de 2016 en sa qualité de Premier ministre. Pour en avoir le cœur net, nous avons relu son long article, accessible en ligne, paru trois ans plus tard dans la revue Le Débat et intitulé « La grande transformation écologique : un projet républicain » (2019/4, n° 206, pp. 3-20). Malheureusement, nous retrouvons la même absence d’idées novatrices au fil d’un article qui enfile les perles d’un écologisme sirupeux digne du café de commerce et dont le titre inquiétait déjà.

Chantre de l’État providence, « c’est-à-dire de politiques publiques amples et justes », Bernard Cazeneuve défend un « républicanisme élargi », un « pacte éco-républicain », une « grande transformation » qui rompe graduellement mais définitivement avec « l’ère productiviste carbonée ».

En contrepoint, il critique un système financier « aveuglé par la recherche de la rentabilité de court terme », les « règles du jeu écologiquement délétères de la mondialisation ». En effet, « voie sans issue », l’écologie libérale est « vouée à l’échec ». Au « volontarisme impuissant des libéraux (?) », Bernard Cazeneuve oppose la politique comme « anti-destin » et l’État, qui a un rôle de « coordinateur » essentiel à jouer.

Un antilibéralisme de tous les instants

En effectuant une recherche depuis la fin des années 2000, on constate que Bernard Cazeneuve ne s’est jamais départi de son antilibéralisme foncier. Florilège dans l’ordre chronologique :

  • « La crise très grave que traverse l’agriculture est d’abord celle du libéralisme » (Assemblée nationale, 16 septembre 2009) ;
  • « Le projet politique européen ne peut pas être l’Europe ouverte aux grands vents du libéralisme, ça ne peut pas être la destruction du modèle de service public, ça ne peut pas être non plus un dumping fiscal et social permanent. Il faut une Europe qui fasse vivre davantage de solidarité » (I-Télé, 28 juin 2012) ;
  • « Je ne suis pas social-libéral, parce que je pense que le libéralisme a bien des défauts, je pense qu’il faut des règles » (France 5, 19 janvier 2014) ;
  • « La modernité, ce n’est pas l’application brutale des recettes les plus classiques du libéralisme économique le plus vieillot dans l’ignorance des angoisses profondes du peuple » (Le Monde, 4 décembre 2018).

Bernard Cazeneuve reste le représentant type de l’homme politique français lambda : un étatiste pur crin, l’étatisme traditionnel des républicains de gauche se trouvant amplifié par l’écologisme politique à la mode. Ne déclarait-il pas : « Dans l’ambition républicaine, l’État doit être le principal vecteur de l’égalité réelle. » (Le Droit de vivre, 30 décembre 2021) ?

Autrement dit, avec Bernard Cazeneuve, constant dans son inconsistance, son étatisme et son antilibéralisme, comme avec Xavier Bertrand, François Bayrou et consorts, on est assuré au moins d’une chose : aucune réforme d’ampleur ne sera jamais lancée.

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