Cet article de Jacques Garello , administrateur de l’IREF, a été publié par le quotidien Le Figaro dans son édition du 15 septembre. L’article s’appuie sur le sondage réalisé par l’IFOP à la demande de l’IREF et qui montre que 82 % des Français préfèrent mettre une partie de leurs cotisations retraite dans un Compte Epargne par capitalisation.
La majorité parlementaire se dit à l’écoute des Français et entend tirer raisonnablement les enseignements de la manifestation de mardi dernier. Mais l’opposition syndicale et politique se prévaut aussi du soutien de 70 % des Français qui auraient approuvé ladite manifestation.
Le problème, c’est qu’on ne sait pas quels Français on écoute, ni à quel propos. Faut-il s’arrêter aux slogans et banderoles de ceux qui étaient dans la rue ? Ou aux réactions de ceux qui n’y étaient pas, et dont le gouvernement se prévaut pour soutenir les grandes lignes de son projet?
La question posée est-elle : pour ou contre l’allongement de la période de vie active et de cotisation ? Travailler plus longtemps n’effraie pas tout le monde, mais devoir payer davantage et risquer de toucher moins inquiète à juste titre. Autre ambiguïté : les Français désirent-ils sauver leurs retraites ou leur système de retraites ? Ce n’est pas la même chose : si le système actuel, fondé sur la répartition, est appelé à faire faillite, même en augmentant sans cesse les cotisations et en diminuant les pensions, comme on le fait depuis plus de trente ans, les Français ne sauveront leurs retraites que si l’on change en profondeur le système.
Oui, mais voilà : c’est la seule question que l’on ne leur a pas posée, car gouvernement et opposition ont été sur ce point unanimes : on ne touche pas au système par répartition. « Conquête sociale majeure, Solidarité entre générations, Garantie pour les plus démunis ».
Un sondage réalisé la semaine dernière par l’IFOP, à la demande de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales), démontre que lorsqu’on pose la vraie question aux Français, ils donnent des réponses assez surprenantes. La question était ainsi libellée :
« Aujourd’hui, dans le système par répartition, si vous êtes en activité vos cotisations sont entièrement utilisées pour payer les pensions des retraités actuels. Si vous aviez la possibilité de mettre une partie de ces cotisations retraites dans un compte épargne retraite personnel par capitalisation le feriez-vous ? » La réponse est oui pour 82 % des personnes sondées suivant les méthodes usuelles dans la profession.
Mais cette question, personne ne l’avait posée à ce jour, et surtout pas la classe politique. L’expression « retraite par capitalisation » n’a jamais été utilisée ni dans la rue, ni à l’Assemblée, ni à l’Elysée.
Sans doute pour beaucoup de sondés aura-t-elle été une révélation. Les personnes en activité aujourd’hui savent-elles que l’argent qu’elles versent aux caisses d’assurance vieillesse n’est pas porté à leur compte, mais est réutilisé immédiatement pour payer les retraités ?
La présentation la plus courante des difficultés du système actuel par répartition consiste à dire qu’il souffre d’un déséquilibre démographique – et l’on justifie ainsi une réforme qui porte sur l’âge. Mais la tare essentielle du système est le gaspillage de l’argent des assurés, puisque cette épargne (forcée) pourrait être valorisée si elle était placée à un taux même modeste, de sorte qu’avec des cotisations moindres on aurait la certitude d’avoir des pensions supérieures. Actuellement l’assurance vieillesse d’un smicard représente chaque année 2.500 euros, plus de deux mois de son salaire net. En 40 ans la répartition lui aura fait perdre au minimum 250.000 euros par rapport à ce que lui aurait rapporté la même somme s’il l’avait placée à 4% .
Mais le placement de l’épargne, sa « capitalisation », réveille chez nos politiciens de tous bords les fantasmes de l’anti-capitalisme, les mensonges sur la faillite des fonds de pension, les plaidoyers pour la justice sociale. L’ignorance économique peut s’étaler impunément, toute approche scientifique de la réforme des retraites est inconnue ou méprisée.
Certes, au sein de la classe politique, voire syndicale, quelques voix se font entendre et, je l’espère, seront de plus en plus écoutées, quand elles prônent d’introduire un peu de capitalisation dans le système par répartition. Cela va dans le bon sens, car comme je l’ai écrit dans mon dernier rapport de l’IREF , la seule façon de sauver la répartition est en effet d’amorcer le plus tôt et le plus possible la transition vers la capitalisation. Mais au lieu de s’interroger sur la façon d’organiser la transition d’un système condamné vers un système salvateur, le débat sur la réforme s’est figé sur la répartition.
Les Français sondés ne sont visiblement pas dupes. Apparemment le mot « capitalisation » ne leur fait pas peur. Apparemment ils préfèrent un compte « personnel » dont ils peuvent suivre et rectifier l’évolution à un décompte administratif qui reste et restera toujours mystérieux et arbitraire, puisque les règles du jeu changent sans cesse.
Distraire de la répartition une partie des cotisations retraites (salariales ou patronales, peu importe) pour alimenter un compte épargne personnel est un procédé que de très nombreux pays ont adopté – comme l’IREF l’a démontré. Cela permet au futur retraité de compenser en quelques années le manque à gagner que lui promet à coup sûr la répartition. Cela ne porte aucun préjudice aux retraités actuels, loin de là . Et enfin cela contribue à financer des investissements qui permettent d’accélérer la croissance économique, contre-feu de la croissance démographique.
En tous cas, les Français ne sont ni effarouchés, ni inquiets par une telle perspective. 82 % d’entre eux sont partants pour l’expérience : va-t-on les écouter enfin ?
3 commentaires
sondage 1987
Dans le « rapport Giral » du C.N.P.F., on peut lire qu’à la question du sondage SOFRES-Ministère:
« Pour équilibrer les régimes de retraites,
quelles sont les deux solutions qu’il faudrait prendre selon vous ? »,
« l’augmentation des cotisations vieillesse » est envisagée à 19 %,
« le freinage de l’augmentation du montant des retraites » à 9 %
tandis que
« retarder l’âge de la retraite » l’est à 17%
et
« développer les systèmes d’assurances volontaires » récolte 44%.
– Sans opinion 28 % (1)
(1) Le total des pourcentages est supérieur à 100, les personnes interrogées ayant pu donner deux réponses.
PREFON
J’approuve totalement votre article du Figaro.La répartition ne peut pas être la solution tant que la démographie ne changera pas.
Vous auriez pu parler de la PREFON qui est un vrai fond de pension, très simple, très souple et qui est géré par les syndicats!
J’en ai bénéficié car mon épouse était professeur.
Pourquoi ne pas élargir progressivement les populations concernées ? par exemple aux jeunes générations?
Il faudrait aussi insister plus sur le fait que les conjoints de fonctionnaires peuvent adhérer et racheter des années ( ce que j’ai fait)
Ca fait déjà 10 millions de personnes ( 5 millions de fonctionnaires plus les conjoints)
Un peu plus de publicité et la gauche serait devant le fait accompli.
retraite par répartition
Tout à fait d’accord sur la nécessité » de prévoir la mise en place progressive de la retraite par capitalisation qui, par ailleurs a toujours été rejetée autant par les syndicalistes(qui se verraient exclus de la gestion des caisses privées et des avantages substantiels qu’ils en tirent) que les politiques (par la fin des opportunités d’apparaître comme les généreux donateurs pour telle ou telle strate de la population) et qui ont toujours été contre la gestion individuelle de capitaux gérés par capitalisation, donc sur les marchés.
Mais, comment « distraire une partie des cotisations à affecter en capitalisation et ne pas léser les retraités qui eux ont cotisé toute leur vie professionnelle?
On ne peut faire l’amalgame entre les régimes « public » et ceux du « privé »car nous savons désormais que les retraites du Public sont assurées et réévaluées désormais grâce à une participation directe de l’Etat qui est de beaucoup supérieure aux cotisations de leurs salariés fonctionnaires. C’est là un aspect de la question qui a été totalement occulté pendant la dite « réforme des retraites » qui,malgré quelques efforts demandés aux personnes sous statut de l’Etat laissent encore aux « Finances Publiques un gigantesque fardeau que la France risque de ne plus pouvoir financer à crédit.
Il est temps d’en venir à un système unifié le plus simple et le plus juste à partir d’un simple d’enregistrement des cotisations salariales et patronales sous forme de points acquis qui garantissent la transparence des choses. Je ne vois pas qui pourrait critiquer un tel systeme qui permettrait à l’Etat de s’alléger de la charge actuelle exorbitante qu’il supporte pour le secteur Public et de reporter au démarrage la part qui revient en contribution aux retraites du secteur « Privé » afin de respecter la règle : à cotisations égales, retraites égales »
Il est urgent de faire quelque chose dans ce sens.
J.P. Dufournet