À mesure que l’économie du numérique s’impose comme l’un des moteurs majeurs de la croissance mondiale, les États tentent tant bien que mal de rattraper les géants du secteur à coups de dispositifs fiscaux souvent mal calibrés.
Dans ce contexte, l’OCDE a tenté d’instaurer le Pilier 1, visant à réallouer les droits d’imposition au profit des pays où se trouvent les consommateurs. Cette proposition suscite de vives réserves. Un rapport du Comité mixte sur la fiscalité du Congrès américain estime qu’il entraînerait une perte nette de 1,2 milliard de dollars pour les recettes fiscales fédérales.
En parallèle, plusieurs pays européens ont mis en œuvre leur propre réponse : les taxes sur les services numériques (TSN), souvent appelées « Taxe GAFA ».  Ciblant les entreprises générant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires mondial, visant principalement les grandes plateformes américaines.
Ces taxes, bien qu’adoptées par des pays comme la France, l’Espagne, l’Italie, la Hongrie, l’Autriche, la Pologne, le Danemark, le Portugal, la Suisse, la Turquie et le Royaume-Uni, ne sont pas harmonisées. Leurs taux varient de 1,5 % à 7,5 %, avec une assiette différente selon les États : la France taxe la publicité ciblée, les interfaces numériques et la revente de données personnelles, tandis que d’autres comme l’Autriche ou la Hongrie se limitent à la publicité en ligne.
En France, la TSN devait rapporter 550 millions d’euros en 2021 ; elle n’a généré que 474 millions, soit 76 millions de moins qu’annoncé. Certes, les recettes ont connu une hausse de 31 % en 2022 (à 621 millions d’euros), mais l’augmentation a ralenti en 2023, atteignant 680 millions (les projections pour 2024 et 2025 confirment ce ralentissement, avec une augmentation estimée à seulement 2,4 % entre les deux années). Cette taxe pèsera, à terme, sur l’investissement et l’innovation dans un secteur hautement concurrentiel, et donc  aussi sur les recettes de l’État.
Ces taxes étaient censées être temporaires, dans l’attente d’un accord global. Faute de consensus à l’OCDE, elles se sont enracinées. Leur maintien alimente aujourd’hui les tensions commerciales : les États-Unis ont suspendu leurs représailles tarifaires, mais menacent régulièrement d’y recourir, en majeure partie à cause d’elles. Le Royaume-Uni est d’ailleurs en discussion avec les États-Unis afin de mettre en place un retrait progressif de sa TSN à 2 %, pourtant lucrative (800 millions de livres), illustrant la fragilité de ces dispositifs à long terme.
À force de vouloir surtaxer l’économie du numérique, les États risquent de pénaliser la compétitivité, ralentir l’innovation et saper leur propre attractivité.