Atlantico : Selon de nombreux médias, l’agriculture serait victime d’un libéralisme qui lui aurait imposé une concurrence internationale déloyale et des accords biaisés avec l’industrie agro-alimentaire ou la grande distribution. Quelle est, en réalité, la responsabilité du poids de l’Etat français sur l’agriculture française aussi bien par la complexité des normes et le bureaucratisme de l’administration que par son poids financier ?
Aymeric Belaud : Dire aujourd’hui en France que c’est le libéralisme qui impose une distorsion de concurrence à notre agriculture est un non-sens. Si l’Union européenne impose un certains de nombre de réglementations, l’Etat français surtranspose à ces réglementations des normes plus contraignantes encore. La situation est d’ailleurs bien connue. Un rapport d’information sénatorial de juin 2016 alertait déjà sur le fait que les agriculteurs sont au bord de l’overdose normative, que l’excès de normes devient un problème majeur qui les rend vulnérables. Cette surcharge réglementaire pénalise la compétitivité des exploitations agricoles françaises. Le rapport reconnaît sans ambiguïté dès son avant-propos que l’un des facteurs de la crise agricole est l’avalanche de normes et la surabondance de réglementations. Le remède qu’il préconise est tout aussi clair : il faut simplifier et alléger. En somme, libéraliser.
Ces normes ont un coût. En 2016, en moyenne, les agriculteurs passaient 9 heures par semaine à faire des tâches administratives pour 57 heures de travail hebdomadaire ; pour 12% d’entre eux c’est plus de 15 heures par semaine. Ce poids des normes empêche la modernisation nécessaire des exploitations. Pour le cas de l’élevage, le directeur de l’économie de l’Institut français du porc (IFIP) estimait en 2015 que « l’application des réglementations environnementales a bloqué les modernisations des bâtiments d’élevage. Nous avons pris beaucoup de retard dans les années 2000. Conséquences de cela, nos coûts de production ont augmenté ». A cela il faut ajouter des interdictions de produits phytosanitaires qui mettent en danger de nombreuses filières de notre pays à l’image des néonicotinoïdes pour la betterave sucrière ou le diméthoate pour la cerise. Et si ce poids de la réglementation est d’abord européen, il est surenchéri par l’Etat français. Si l’on reste sur le sujet des produits « phytos », l’UE autorisait en 2021 454 matières actives, contre 309 en France. Cela pénalise nos producteurs contre leurs collègues européens, qui peuvent cultiver plus librement. Forcément, l’importation de produits étrangers qui ne respectent pas les normes françaises est vécu comme une concurrence déloyale, à raison.
Ce poids des normes se ressent dans l’administration. L’agriculture est une profession ultra-régentée par l’Etat : le ministère de l’agriculture compte 16 000 agents, hors recherche et formation, contre 900 en Allemagne. Si l’on prend en compte les diverses agences de l’Etat, on arrivait, en 2017, à un ordre de grandeur d’environ 1 fonctionnaire pour 20 agriculteurs. Alors que le nombre d’agriculteurs diminue, le nombre de fonctionnaires liés à l’agriculture, lui, ne tend pas à la baisse. Selon l’IREF, on arriverait aujourd’hui à un rapport de 10,8 agriculteurs par fonctionnaire. La multiplication des normes engendre un nombre de fonctionnaire considérable et donc un coût pour l’agriculteur et le contribuable.
L’urgence pour aider l’agriculture française est d’abord de supprimer bon nombre de réglementations et d’interdictions, et de libérer les agricultures du poids de l’Etat, de ses agences et de ses contrôles.
2 commentaires
A toutes ces bonnes raisons ajoutons celle de la bêtise.
Dans ce pays tout le système social repose sur des prélèvements sur le travail des créateurs de richesses français (salariés, artisans, AGRICULTEURS, investisseurs etc.) pas sur les produits! La main d’Å“uvre d’un produit fait en France y contribue donc, celle d’un produit fait à l’étranger non. Cela peut fonctionner dans un état fermé, mais avec la mondialisation cela ne fonctionne plus. Pire on entre dans la spirale qui conduit à la destruction des activités françaises en concurrence internationale.
La solution? Evidement trop simple pour nos brillants énarques: faire contribuer le produit fini plutôt que le travail !
Plus de prélèvements astronomiques sur les salaires (jusqu’à 50%) mais des prélèvements sur les produits… importés ou fais en France. Certains diront c’est la TVA! Ben non ! car cela n’a plus rien a voir avec la valeur ajoutée.
En résumé, la connerie est de faire supporter notre système social uniquement sur le travail des français, ce qui exonère l’importation… et favorise son explosion.
Alors vous pourrez imaginer toutes les mesures de compensation compliquées que vous voudrez , et les fonctionnaires fleuriront au passage, vous n’empêcherez jamais un acheteur d’aller au moins disant.
Ma proposition, de bon sens, consistant à charger le produit fini plutôt que le travail ne semble pas vous intéresser …