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La surtransposition ou l’art de plomber les entreprises françaises

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Le député européen Franck Proust a publié il y a quelques mois un document intitulé « Surtransposition du droit européen par le droit national : un mal français qui pénalise nos entreprises ». La lecture de cette étude est édifiante.

Surtransposition : de quoi parle-t-on ?

Le député européen définit la surtransposition comme la transposition en droit français d’une directive européenne étendant les dispositions de cette dernière au-delà de ce qu’elle prévoit expressément. Un exemple ? Le droit communautaire autorise le glyphosate ; le droit français interdit sa vente aux particuliers.

Franck Proust veut donc démontrer qu’imputer à l’Europe la surcharge législative et ses conséquences économiques est une erreur. Nous dénonçons régulièrement, à l’IREF, l’Europe qui se mêle de tout. Mais il est vrai aussi que Bruxelles n’est pas responsable de tous nos maux. Comme le dit l’élu français : « Si je reconnais que parfois l’Europe s’immisce trop en profondeur dans le quotidien des Françaises et des Français, l’État français, et son administration, ont aussi leurs responsabilités dans ce désamour ».

Illustrons cette néfaste manie française par quelques exemples pris dans différents secteurs de l’économie.

Aucun secteur n’est épargné

Les installations qui présentent des risques de pollutions ou d’accidents pour leur environnement doivent être classées ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement). Les ICPE sont soumises à des règles strictes prévues par les directives européennes 2010/75 et 2011/92 (mise à jour par la directive 2014/52). Dans le domaine agricole, il est ainsi prévu que le droit national doit encadrer et soumettre à autorisation toute installation porcine supérieur à 2 000 porcs de production de plus de 30 kg. Le décret français 2013-1301 du 27 décembre 2013 soumet, lui, à autorisation toute exploitation de plus de 450 porcs charcutiers. Cette réglementation aurait, selon la FNSEA, un coût de 15 000 euros par exploitation supporté par les élevages français de 450 à 1 999 cochons et que n’ont pas leurs concurrents européens.

Afin de prévenir les maladies professionnelles, l’Europe a mis en place toute une réglementation. La directive 1999/38 veut protéger les travailleurs des expositions aux poussières de bois. La valeur limite d’exposition pour 8 heures a été fixée à 5mg/m3. Le code du travail (article R.4412-149), en France, fixe la limite à 1mg/m3 sur 8 heures. Les machines commercialisées sont réglées sur la réglementation européenne. La loi française est donc inapplicable. Mais que se passera-t-il pour une entreprise qui se retrouverait devant un tribunal pour manquement à la loi ?

Les entreprises opérant dans le secteur du cuir consomment beaucoup d’eau, notamment pour le lavage des peaux. Elles sont donc soumises à la directive-cadre sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 (2000/60). La circulaire du 5 janvier 2009 oblige les entreprises classées ICPE à faire six campagnes de recherche des substances dangereuses pour le milieu aquatique. Selon le centre technique du cuir (CTC) et l’organisation européenne du cuir (Cotance), la France est le pays qui impose le plus de contraintes aux entreprises du secteur. Ce qui, on s’en doute, demande du temps et de l’argent et met à mal la compétitivité des entreprises françaises.

Il arrive parfois – mais c’est rarissime – que l’État fasse marche arrière. C’est le cas en matière de publication des comptes des entreprises. Celle-ci est obligatoire dans l’Union européenne, mais la directive 2013/34 du 26 juin 2013 exonère de cette obligation les entreprises réalisant moins de 12 millions d’euros de chiffre d’affaires. La « loi Macron » du 6 août 2015 (2015-990) – pourtant présentée par son promoteur comme « pro- business » – a abaissé le seuil à 8 millions d’euros de chiffre d’affaires. La loi Pacte, actuellement en discussion au parlement, envisage de revenir sur le chiffre de 8 millions et de s’aligner sur la directive européenne. L’État aura mis quatre ans pour s’apercevoir que sa règlementation pénalise les PME.

Comment font les autres pays ?

Franck Proust, dans son étude, apporte des précisions importantes sur la manière dont nos principaux voisins abordent la question.

Commençons par le Royaume-Uni qui n’aura bientôt plus ce problème à régler. Outre-Manche, des principes directeurs ont été définis pour toute transposition du droit communautaire dans le droit britannique. Tout projet est présenté au Reducing Regulation Committee qui, après une étude d’impact, autorise ou non la transposition. Par ailleurs, le texte transposé est soumis à une évaluation tous les cinq ans.

En Allemagne, le conseil fédéral de contrôle des normes (Normenkontrollrat) vérifie que les projets de loi ne présentent pas de risque de surtransposition. Si c’est le cas, il publie un avis afin d’éviter ce risque. D’une manière générale, le Normenkontrollrat lutte contre l’excès de zèle dans l’application des directives européennes.

Quant à l’Italie, elle va plus loin encore puisque deux lois (des 28 novembre 2005 et 24 décembre 2012) interdisent la surtransposition.

Que faire en France ?

Franck Proust souligne combien il manque une volonté politique « pour faire cesser la course effrénée à toujours plus de normes ». Il indique également les effets pervers de la surtransposition :
– son coût pour les entreprises, les consommateurs et les citoyens ;
– l’impact sur la compétitivité des entreprises, fragilisées face à la concurrence étrangère ;
– l’incitation à ne pas respecter la loi toujours plus tatillonne ;
– l’image négative donnée aux investisseurs étrangers.

Le député européen propose de respecter la lettre des directives et de « tendre le plus possible à transposer la norme au mot près ». Pour cela, il propose la création d’un comite d’analyse et de suivi des transpositions de textes européens (CASTTE) qui aurait pour mission de :
– analyser la directive,
– accompagner le législateur dans l’écriture du texte français ;
– donner un avis sur la transposition avec droit de veto ;
– réaliser une étude d’impact à 6 mois/1 an ;
– donner un avis sur la transposition effective, et suspendre les dispositions jugées comme surtransposant la directive.

Assurément, la création du CASTTE serait un progrès par rapport à l’existant. Mais sa composition – parlementaires, membres du CESE et représentants des professions – ne prémunit en rien contre les dérives. Les parlementaires français sont souvent enclins à renchérir sur les projets de loi proposés par le gouvernement.

Pourquoi créer un nouveau « machin » et ne pas plutôt s’inspirer de l’exemple italien, c’est-à-dire l’interdiction pure et simple de la surtransposition ?

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3 commentaires

Laurent46 29 janvier 2019 - 6:53

NORMES !
Le plus grand mal Français sont les normes NF C toujours lions derrière les normes Européennes identiques aux normes Internationales. Comment exporter nos petites normettes qui changent chaque année pour se rapprocher des normes Internationales mais avec un retard systématique de 15 ans au moins !
Ce qui a pour conséquences graves de trouver des installations et des sites qui ne sont jamais aux normes ! Quant aux ICPE, c'est à l'image de Macron de jeunes idiots sans expérience aucune mais qui se prennent majoritairement pour des gens détenant le savoir universel. La prétention Française dans toute sa splendeur. Nous revenons là aussi au grand mal Français la population et les entreprises au service des "Services Publics" et non l'inverse comme il se devrait dans une vraie démocratie. Et là aussi comme dans tous les domaines ce sont les excès qui commandent et le nombre de ces inutiles et fainéants qui continue à grimper vertigineusement.

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John Sheppard 29 janvier 2019 - 4:49

Les normes, qu'elles soient NF, EN ou autres, étant d'application volontaire, ne sauraient être rendues coupables d'inopportunité à la place d'éventuels règlements (directives, lois, décrets, arrêtés, circulaires …) qui viennent en rendre l'application obligatoire. Les normes, élaborées par de larges forums de techniciens compétents, ne sauraient servir de bouc émissaire pour des politiciens et technocrates trop souvent incompétents et inconséquents dans leurs décisions.

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Lexxis 29 janvier 2019 - 6:29

LE DROIT, C'EST POUR LES AUTRES!
"Celle-ci est obligatoire dans l’Union européenne, mais la directive 2013/34 du 26 juin 2013 exonère de cette obligation les entreprises réalisant moins de 12 millions d’euros de chiffre d’affaires. La « loi Macron » du 6 août 2015 (2015-990) – pourtant présentée par son promoteur comme « pro- business » – a abaissé le seuil à 8 millions d’euros de chiffre d’affaires".

Ce qui veut dire que l'État, qui ne cesse de nous chauffer les oreilles avec le droit européen, le viole allègrement, apparemment longtemps et en toute impunité , sans que Bruxelles non plus ne le rappelle à l'ordre. Ce n'est pas davantage à la gloire de nos parlementaires qui semblent beaucoup plus au fait des dispositions intéressant leurs indemnités que de celles concernant la vie des petites entreprises.

C'est cet ordre de connivence, où l'État et tout son appareil s'installent librement et sciemment dans l'illégalité avec une parfaite mauvaise foi, que ne tolèrent plus les Français qui payent très cher un Parlement qui ne contrôle rien et toute une fonction publique fort accommodante, à la docilité confondante et toujours à l'affût du prochain avantage.. On regorge partout de hauts fonctionnaires et on s'aperçoit que leur respect de l'état de droit est extrêmement flexible. Imaginez les sanctions qui fondraient sur une entreprise si elle avait le même mépris de la loi européenne.

Enfin, cerise sur le gâteau, la présentation de ce texte illégal comme une démarche "pro-business" montre tout simplement qu'on a fait d'immenses progrès en anglais et que désormais notre propre Président sait aussi bien mentir dans la langue de Shakespeare que dans celle de Molière (où il est d'ailleurs infiniment moins drôle).

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